Iseul, ça signifie rosée en coréen. Mes parents adoptifs ont gardé ce prénom le trouvant très beau, rajoutant Jessica en deuxième prénom si je voulais changer plus tard. Je l'ai appris bien des années plus tard sa signification : je ne parle pas un mot de coréen. Je me suis jamais sentie à part avec mes parents blancs. J'ai un petit frère d'origine haïtienne et une petite sœur d'origine indienne. À défaut de pouvoir avoir des enfants, ils ont décidé de faire une famille de toutes les couleurs. Ils étaient riches, nous n'avons jamais manqué de rien. Que ce soit au niveau du matériel ou du sentimental, nos parents nous aimaient. Dans notre entourage, tous n'étaient pas aussi ouverts d'esprit qu'eux, on a eu notre lot de commentaires racistes, ce n'était pas facile à tous les jours en cours. Sans oublier les questionnements sur pourquoi nos parents biologiques ne voulaient plus de nous. Je n'ai jamais su pour moi, il n'y avait aucune information disponible. Je n'en ai pas fait un drame, je m'étais renseignée par curiosité, pour en savoir plus sur moi. J'étais toujours été assez proche de ma famille, surtout de mon frère et de ma sœur, une sorte de lien entre adoptés peut-être. À part mon questionnement sur pourquoi j'avais été abandonnée, j'eus une adolescence assez semblable à d'autres. Amours, amitiés, trahisons, flirts, fêtes (ça j'y suis allée assez à fond en vérité), premières expériences, cheerleading dans mon cas... je n'ai jamais eu besoin de travailler par contre, nos parents nous donnaient tous ce qu'on voulait ou presque si on le demandait et si on le méritait (les notes, le comportement). J'ai eu quelques problèmes à ce niveau à cause des trop nombreuses fêtes où j'allais et de mes répétitions de meneuse de claque. J'ai réussi à m'en sortir grâce à de la chance. Parfois, le peu que je pouvais me rappeler des cours étaient toujours aux examens. Quand j'avais le temps d'assez étudier, je réussissais assez bien.  J'ai pu suivre des études en cuisine sans problème, ayant toujours aimé concocter les repas familiaux depuis mes douze ans environ. Ouais, j'ai mis maman, papa et nounou en pause des fourneaux assez tôt et j'ai montré aux plus jeunes comment faire car c'était un peu devenu ma propriété la cuisine.

J'ai été un peu partout, merci papa et maman, dans le monde pour pouvoir apprendre à cuisiner des plats vraiment typiques des différents coins de la planète. Explorer d'autres méthodes, goûter à ce que je n'aurais jamais goûté sinon, ne pas vivre que dans des hôtels mais à la belle étoile parfois. Cela m'a amené une assez grande expérience culinaire et de la vie que je n'ai jamais regretté. J'ai été engagée dans un restaurant de cuisine marocaine lorsque j'ai eu le goût de revenir (comprendre quand mes parents m'ont menacé de couper les vivres si je revenais pas les voir). Tout allait bien dans ma vie quand l'épidémie a commencé. On s'est tous retrouvés dans la "maison" familiale, pensant être en sécurité dans le grand appartement sur les deux derniers étages. Nos parents, notre nounou, son fils qui avait presque été élevé avec nous, mon frère et ma sœur. Durant cinq mois, ce fut le cas. C'est le manque de vivres qui nous a décidé à sortir de l'immeuble. Nous avions fait le tour des autres étages pour pouvoir en récupérer le plus possible, évitant les portes avec des bruits louches. On a tous vu un zombie malgré tout et j'en ai tué quelques uns qui erraient dans les couloirs et dans les escaliers. Maman a été la première à mourir, elle s'est sacrifiée pour nous en attirant des rôdeurs pour qu'on puisse s'en éloigner. Papa a suivi en essayant de la sauver. Une première semaine à l'extérieur pas du tout joyeuse et assez marquante. On a continué notre chemin ne pouvant pas nous permettre de rester immobile trop longtemps. Jusqu'à ce qu'on retrouve un endroit sécuritaire avant l'hiver, au chaud si possible.

Nous sommes restés quelque temps en Alabama, le temps que notre nounou puisse se remettre de sa sa mauvaise toux qu'elle trainait depuis quelque temps. Elle ne s'en est jamais remise, elle est morte en mars 2014, ou bien avril, comment savoir ? Nous l'avons brûlé et je n'ai plus jamais revu son fils par la suite. Il avait dû vouloir continuer sa route seul. Entre frère et sœurs, nous avons repris notre route, se joignant à d'autres ou bien en fuyant quand ils n'avaient pas de bonnes intentions. Nous tuions des rôdeurs, c'était assez niveau violence à nos yeux. Bien qu'on ne se laissait pas faire lorsqu'on nous cherchait. Avec le temps, nous nous sommes mieux équipés qu'au départ, apprenant sur le tas afin de nous adapter le plus possible. Jusqu'à il y a trois mois, tout allait relativement bien. Nous étions tous les trois vivants, ensemble, en bonne santé (autant que possible). Que demander de plus ? Il y a bien eu des moments plus difficile que d'autres, où nous étions si découragés que nous pensions que c'était la fin, mais la survie l'a toujours remportée. Bref, il y a trois mois. J'étais partie aller chercher de l'eau tandis que le camp se fait monter par mes deux cadets. Des cris se firent entendre. Lorsque je revins, je vis qu'il y avait eu une bagarre. Je pistais les traces, mais les perdis après quelques heures, le tout devenant trop compliqué pour moi. Durant une dizaine de jours je cherchais tout de même, sans ne rien trouver. Ayant entendu parler d'un camp dans le coin, je décidais de m'y installer afin de pas être trop loin du dernier endroit où nous nous sommes vus.