- Le passé. Une rage folle est visible dans ses prunelles. Elle n'est pourtant qu'une simple enfant, petite fille perdue et retournée par les affres de ses géniteurs incompétents. «
Maman … ». Mais terriblement usée. Comment pouvait-elle donc savoir ? En quoi était-ce mal de le dire ? Elle l’avait vu, tout simplement. Clover voyait tout. «
Pourquoi t’es comme ça … ». Sa mère, penchée sur sa table avec une clope dans la main droite, pousse un soupir tout en s’accoudant sur le bois de mauvaise qualité. Elle ronge ses ongles, laissant voir des doigts jaunies par la nicotine. Et voilà que les larmes rompent ses remparts, lâches et incontrôlables. «
Mais, m'man …. J’voulais pas j'te jure. ». Les lèvres tremblantes, l’enfant recule. Mains toutes entortillées, Clover retient avec difficulté la crise qui lui ronge le crâne. «
Ma puce … ». Et voilà que la mère retourne sa chemise, pivotant vers elle. Un brin trop alcoolisée et complètement désorientée. «
Pardon, je ne voulais pas. Chérie, viens par là … ». Irrésistible. Le confort que lui offre les bras maternels sont un bouclier pour la petite brune terrifiée. Alors, elle fonce sans réfléchir et saute au coup de sa maman, laissant l’eau salée user son visage rougi. Son père n’est qu’un méchant. Mot simple et si enfantin, elle n’en connaît pas d’autres pour le moment. Les gros mots de sa mère, elle ne doit pas les dire, ni même y penser. «
On sera bien toutes les deux, tu verras. On a pas besoin de lui … ». Murmure. «
On a pas besoin de lui … ». Soupire et Désolation. L’écho de toutes les années passées. Si, sa mère avait besoin de lui, lâchement, elle l’abandonna elle aussi pour s’offrir toute entière à la mort.
- L’orphelinat. «
C’est ta seule maison, Clover. Il va falloir t’y faire et vite. Ou les conséquences seront lourdes. Très lourdes. ». Ses lèvres sont pincées et ses cheveux tirés en un chignon large. Le stéréotype même de la vielle mégère d’une putain de maison de dingues. Clover la défie du regard, fixant ses prunelles jusqu’à ce que le regard noir ne disparaisse derrière la porte devenue close. Clarkson la hait pour tout ce qu'elle représente et elle le sait. Le défie de l'autorité et l'éclat d’intelligence dans son regard, ce regard qui l'a percée à jour devant une ribambelle de marmots hilares. Elle entend le bruit des clefs, le grincement des gonds de la porte mal entretenue est un supplice pour ses oreilles. La panique la prend alors dans cette pièce minuscule et la jeune claustrophobe manque d’étouffer. C’est ce qu’elle veut la garce, la voir supplier, frapper à la porte, faire preuve d’une énième violence qui l’expédiera tout droit en enfer. Du haut de ses 12 ans elle sait déjà se battre.
Va te faire foutre ! Que l’orpheline aimerait lui hurler en pleine face.
Pauvre conne … Dans un soupire elle s’accroche au mur derrière elle, trop froid, trop dur. Comme toujours Clover n’a pas bêtement accepté cette famille qui a 'craqué' pour elle. Comme si elle était un vulgaire pantin, un petit jouet malléable. Elle s’est montrée des plus hautaines envers cette bande d’abrutis.
Elle refuse. Jamais personne ne l’aura. Sa vie est sienne et à personne d’autre. A sa majorité elle se tirera de là. Et elle emmerde leur putain de politique. Un coup part alors malgré elle contre la porte et elle sent une vive douleur dans chaque os de son pied. Et si elle se pète la cheville ? Non, ce n’est pas une très bonne idée. Clarkson en profitera pour lui mener la vie encore plus dure. Clover parcourt le placard du regard, vide, comme toujours.
C’est sa geôle personnelle. ****
16 ans. 10 ans dans cet enfer personnel à tourner en rond comme un foutu clébard malade et indésirable. A voir ces tyrans lui mener la vie durr, à bouffer cette purée immonde et sans saveur. Que connaît-elle d’autre ? Clover se souvient à peine de sa mère et absolument pas de son père. Le souvenir de son origine quant à lui se résout à une corde, un tabouret renversé et le faciès figé dans la douleur de sa lâche de génitrice. Un soupire et elle continue de tourner la cuillère dans la purée plus verte que beige. Vaincue, elle repousse son assiette avec une moue boudeuse. «
Tu sais que tu vas virer Anorexique ? ». Clover fixe son voisin, un blond aux yeux d’un bleu éclatant, rieurs et malins. Il pourrait même se ressembler parfois, avec leurs lèvres trop épaisses et leurs regards assassins. «
Ca ira. Mais merci. ».Oui, et ce uniquement parce que Clover pique en cuisine dans la réserve des tyrans, comme elle aime les appeler. Alors qu'elle le voit hésiter lui aussi sur le contenu de son assiette, un sourire illumine son visage et elle avale d’une traite son jus de fruit, s’accoudant à la table miséreuse au bois gratté par d'innombrables couteaux. «
Dis, tu veux voir un truc chouette ? ». Un haussement de sourcil lui confirme qu’il le veut, en effet. «
Rejoins-moi à minuit devant le réfectoire. ».
Minuit.«
Tu sais qu’on dort à cette heure ? ». Gémit le blond. Le blond ? Elle va devoir lui demander son prénom, ‘le nouveau’ n’est pas adéquate non plus. «
Ah, tu peux dormir le ventre vide toi ? » A sa tête elle voit que non et que, de toute évidence il n’a aucune réponse judicieuse. «
On va se faire choper. ». Un autre soupire et elle lui adresse un regard noir. «
J’ai proposé, t’es venu. Si t’es pas content, tu dégages. » Non, Clover n’a pas d’amis. Elle n’en a pas besoin. Et pourtant, quelque chose chez lui l’attire irrémédiablement. Il a beau faire une demi-tête de plus qu'elle, elle s’en moque. Et alors qu’elle se plaque contre le mur, lui se plaque contre elle. «
T’es vraiment pas normale. ». Murmure-t-il en fronçant des sourcils. Le souffle de Clover se coupe, se bloquant dans ses poumons et gonflant sa poitrine. «
Recule. ». Ses joues aux rondeurs de l’enfance s’empourprent alors. Qu’est-ce qui lui arrive ? Son palpitant s'affole entre ses poumons, ça file le tournis. Un autre soupire et d’une main plus douce elle le repousse, n’ayant plus envie de lui montrer sa petite trouvaille. La jeune fille se contente juste de le fixer pendant une longue minute avant de tourner les talons, sans répondre à son appel. Elle n'aime pas ce qu'elle ressent.
Est-ce une faiblesse ?- A la poursuite du bonheur.Elle est là, à traînasser tout en fixant tout ce qui l’entoure. Jouer le jeu, distraire, bluffer et fourvoyer. C’est tout ce que Clover doit faire. Depuis qu’elle s’est tirée de l’Orphelinat, elle n’a pas eu d’autres choix que d’en faire de mauvais. Pour s’en tirer, elle est prête à faire ce qu’il faut. Mais pas tout. Ils ne la touchent pas, ils la suivent seulement, croyant s’offrir une nuit de plaisir avec cette belle si exotique et atypique. Au lieu de quoi, ils se retrouvent gueules égorgées et organes hors de la carcasse. Coincés dans un caniveau comme des rats morts. Elle hait ces types autant que ceux qui l’embauchent. Du scrupule ? Au fond, peut-être bien oui. Mais à quoi bon, ils payent bien et ne la prostituent pas de force. Ca va venir ? Ca elle s’y attend toujours. Elle angoisse dans son coin, grattant sa peau maigre nerveusement tout en priant celui qu’on appelle le bon dieu. Mais il est où lui, lui retirant sa mère et son père. Un père, qu’elle estime mort, qu’elle a fait croire mort. C'est du pareil au même, c'est à peine si elle se remémore son visage. «
Hey, ma jolie ! ». Un soupire et elle se tourne, pourléchant ses lèvres tout en lançant un regard aguicheur au type qui l’accoste.
Vieux débris. Sac à merde. «
Besoin d’aide mon chou ? ». Va crever la gueule ouverte. «
Je suis perdue … ». Répond-t-elle d’une voix boudeuse, en total contradiction avec ce qu’elle a dans le crâne. Ca pullule à l'intérieur de sa caboche. Comme un virus parasite. Du haut de ses 20 ans, Clover en parait déjà 24. Trois ans pratiquement à bosser pour amadouer ces merdes ambulantes. Elle voit le sourire immonde, dentelé et pourrissant du vieux qui s’approche d’elle. Clover recule presque machinalement, provoquant une moue contrariée sur la gueule de l’immonde salopard. «
Oh ma belle, viens donc par-là, j’vais pas te manger … ». Trouve-toi déjà un dentier plus solide, connard. Son regard prouve bien le contraire pourtant. «
Hun hun. C’est par-là … ». Murmure-t-elle, masque serein et aguicheur toujours fixé sur sa bouille. Et avant qu’il est le temps de dire ouf, alors qu’elle l’embarque dans l’obscurité, il est déjà mort. La gorge ouverte, son liquide carmin s'échappant de son organisme ouvert par une lame scintillante. Gideon se tient juste là, le corps du type dans ses pattes. Il a quelques années de plus qu'elle à peine, mais son regard la transperce. Il semble avoir des centaines d'années. Vieux dans l'âme. «
Bon boulot, Désirée. » Elle manque de grincer des dents en entendant le prénom dont il l'affuble, elle hait ce pseudonyme. Gideon passe même son temps à lui demande son vrai prénom. La belle l'ignore, tournant les talons tout en crachant sa bile sur le goudron. Ne s’occupant plus d'affaires qui ne la concernent pas, la sale gosse file chez elle, finissant alors une routine morbide pour en retrouver une autre presque tout aussi crade. «
Clover ?! ». Ses pieds farinent brusquement. Elle manque de trébucher avant de tourner sa bouille aux yeux écarquillés vers le blond qui la fixe du même regard.
Carlisle ? Le ‘blond’ de l’Orphelinat. Il a bien grandi lui aussi, devenant plus que charmant. Elle ne veut pas le voir, il ne doit pas être là. «
Vous faites erreur ! ». La jeune femme continue sa marche d’un pas pressé et angoissé, espérant que la blondeur de ses cheveux décoloré pourrait jouer en sa faveur. Après-tout, elle a changé, tout comme lui. «
Je ne crois pas non. ». Merde ! Un autre soupire et elle grince des dents, fusillant l’homme du regard. «
Vas-t-en. Tu peux pas rester là. » Si quelqu’un le voit avec elle, ils vont le crever. Le chef déteste qu'on la touche. «
Dis-moi enfin d’où tu viens. ». Il l’écoute, oui ou merde ? Une moue résolue et elle arque les sourcils. «
Vas-t-en ! » Qu’elle insiste en lui tournant le dos, croyant certainement s’en tirer comme ça.
Serait-il vraiment partie alors qu’il l’avait enfin retrouvée ? Clover avait besoin de lui, elle était trop faible, pas aussi forte qu’elle ne le laissait croire. Il était son salut, la chance qu’elle pensait ne jamais avoir. Alors, doucement il l’avait convoité. Doucement, il l’avait arrachée de l’enfer, lui et sa tête en l’air, sa gentillesse dévorante et sa foi inébranlable. Une porte vers une nouvelle vie. Quelques années plus tard elle obtenait le droit d’étudier dans des écoles pour développer cette capacité qu’elle avait, acceptée dans une école militaire, prouvant qui elle était, prouvant que son savoir pourrait alors aider à coincer ces immondes salopards. - Le soulier, le tapis et la flaque de sang.«
Oh ma belle, tu croyais vraiment m’avoir comme ça ? Hm ? ». Pas ça, pas encore. «
Tiziano, arrête ! ». Ce connard d’Italien tient son mari par les cheveux, couteau fiché sur son coup. La lame accroche sa chair, menaçante. «
Je t'avais dit, que je t'aurais ! ». La Profiler pleure malgré elle, serrant des dents alors qu’un autre lèche-botte du tueur en série la tient fermement. «
Tu pensais sincèrement que j'allai me laisser choper comme un pigeon, sans te laisser un petit souvenir ? ».Qu'il s'exclame, serrant un peu plus la lame de son couteau sur la gorge de son mari.
Non, pas lui, laisse-le ! Clover se débat, agitant ses longues tiges pâles en laissant tomber un de ses souliers sur le tapis souillé de
leur sang. Carlisle l’observe, son regard se veut rassurant et sa bouche ensanglantée se tire en un sourire grimaçant. Il lui dit que tout ira bien. Mais c’est faux. Les couteaux sous leurs gorges en sont la preuve vivante. «
Pas ça, pas ça .. ». Elle murmure inlassablement en fermant les yeux aussi fort que possible. «
Dis-lui adieu. ». Silence. «
Clove. ». Sa voix suave lui rappelle de vieux souvenirs, elle frissonne de dégoût, ouvrant ses paupières avant de le défier du regard. Joues humides. «
Tu peux toujours jouer les grands maîtres, tu ne t'en sortiras pas vivant. ». Et c’est la pure vérité. «
Ah, vraiment ? Et lui alors ? ». La lame s’enfonce sur la chair de Carlisle et elle peut le voir, le filet rougeâtre qui s’échappe. Son mari semble pourtant parfaitement inconscient. Mais tout comme elle il ne fait que fermer les paupières. «
Carlou, dis adieu à ta femme ! ». Sa respiration s’accélère, peur panique. «
NON ARR.. » Sa voix meurt dans sa gorge, sa phrase se mue en un cri terrible. Le corps de celui qu’elle a aimé s’écrase, se déversant de son sang lentement sur le sol. C’est fini. Mort. Mort. Mort. Ce mot résonne dans son crâne comme une douloureuse lexie. Et par réflexe, par rage alors que l’idiot qui la tient part dans un fou rire macabre dessert son étreinte et éloigne le couteau de sa trachée, sa tête vient écraser le nez de celui qui l’emprisonne. Son pied chaussé s’abat à terre, la soulevant alors que l’autre tape en arrière dans les côtes de l’ingrat. Debout, elle distingue sa seule échappatoire.
La fenêtre. Du cinquième étage … Un dernier regard vers Tiziano qui la menace de sa lame alors que l’autre se relève. «
Sois pas stupide. Tu mourras quoi qu’il arrive, avec moi ce ne sera pas douloureux. ». «
VAS TE FAIRE VOIR. ». Alors la brune court vers sa seule destinée. Ironie, quand tu nous tiens. Elle distingue à peine les building, tant ses prunelles sont noyée par ses larmes. La chute et sans fin, le vent souffle dans ses cheveux alors qu’elle fait un dernier adieu à son mari étendu dans cette pièce funèbre, les femmes de cette famille étaient-elles donc maudites ? L’atterrissage est brutal. Le craquement de ses os sur la toiture d'une voiture fait à peine écho à ses esgourde. Et puis ...
Néant. Au-dessus d’elle, Le meurtrier qu'elle recherchait depuis des mois observe le spectacle d’une moue contrariée. Pour lui, il n’y avait pas d’autres choix. Le corps de Clover est dans une position inhabituelle, tordu dans tous les sens au milieu de la taule froissée. Il ne fait aucun doute qu’elle n’a pas survécu. Les pompiers arrivent et les passants s’agglutinent en poussant des cris d’effroi. «
On s’tire. ».
5 mois plus tard.«
Tu crois qu’elle va t’entendre ? ». «
J’aime lui parler. » «
Y a des gens à prévenir ? ». «
Je ne sais pas … Clover ne parle jamais de personne, ça a toujours été Carlisle ...Et seulement lui. ». Son inconscient l’éveil, chaque jour elle sent, elle entend et elle hurle dans son crâne. Mais personne ne répond. «
Je ne comprends toujours pas … ». «
Personne ne comprend. »
Je suis là ! Entendez-moi ! Elle hurle, pourquoi ne peut-elle pas bouger !
Une semaine plus tard.«
Docteur ! DOCTEUR ! ». C’est l’affût à l’étage, les infirmières s’agitent, les malades sont nombreux mais, cette fois, l’un d’eux reconnaît la voix de la vielle Heater, une bénévole. «
Elle a bougé. ». «
Vous êtes sûre ? C’est sûrement un nerf. ». C’est ce qui arrive toujours avec les patients dans le coma. Et il en marre d’être sans cesse appelé pour rien. «
Et ça c’est nerveux ?!! ». «
Non d’un … Infirmières ! ». Alors qu’il hurle, la patiente qu’il croyait ne jamais revoir debout le fixe, les yeux grands ouverts. «
Mme Grace? Vous allez bien ? ». Et tandis qu’il approche, il n’obtient qu’une seule est unique réponse muette. «
Mort ... » Une perle salée coule le long de sa joue. Elle se souvient de tout.
*****
«
Et tu vas faire quoi, te transformer en Punisher, hein ? ». «
Il doit payer ! ». Harry, son coéquipier, tient l’arrête de son nez, grimaçant devant une Clover incontrôlable. «
C’est déjà un pur miracle que tu sois en vie et debout, tu devrais être paraplégique merde ! ». La brune lève fièrement la tête, tremblante et frissonnante de rage. «
Il ... Il est mort à cause de moi. ». Et alors qu’une énième crise de larmes la prend, Harry fait un geste inattendu, il s’approche, prend ses épaules avant de l’amener jusqu’à ses bras. «
C’est pas à un vieux sage qu’on apprend à faire la grimace, Clover. C’est à pas toi que je vais apprendre un truc pareil. Tu sais que tu n’y es pour rien. » Il parle à la Profiler, pas à la femme brisée. «
C’est trop dur… ». Crache la femme d’une voix enrouée. Une main caresse ses cheveux tandis que l’autre lui tient l’épaule. «
Tu t’en sortiras. T’es pas comme elle hein ? Tu resteras ? Fais-le pour lui. Clover, promet le. ».Et elle promet, pas pour lui, mais pour elle.
- KINGDOM OF THE DEAD. Cette partie de l'histoire sera rédigée en RP et en flashback.