Y a quand même pas à chipoter : il y a plus d'ambiance dans la voiture, quand Faith est là. Pour l'heure, elle ne l'est pas. Et c'est le silence qui prédomine sur tout le reste. De temps à autre, Naël jette des coups d'oeil en direction du siège passager, là où Clarke est installée. Mais elle ne semble pas prête à se détendre d'un iota et lui enchaîne soupirs sur soupirs, à chaque fois qu'il le réalise. C'est bête mais il a, un temps, réellement espéré voir les choses avec elle s'améliorer. C'est bête, oui. Parce que rien de tout cela ne semble sur le point d'arriver ; Clarke privilégie les regards noirs aux échanges d'amabilité. Il ne parvient même plus à se rappeler s'il l'a vue une seule fois sourire, depuis qu'ils voyagent ensemble. Ce qui signifie probablement que ce n'est jamais arrivé, sinon il s'en rappellerait. Comment aurait-il pu oublier quelque chose de si exceptionnel ? Ce serait un réel privilège, de lui arracher un sourire. Pas pour son plaisir à elle, mais pour son plaisir aussi personnel qu'égoïste. Il est en très mauvaise voie pour y parvenir, et il se rend de plus en plus compte que les jours n'altèrent en rien la colère qu'elle semble ressentir à son égard. Au contraire, il a parfois le sentiment qu'elle s'empire d'heure en heure, et qu'elle devient plus impétueuse, plus violent à chaque seconde qui s'écoule. S'il lui arrive encore d'essayer de détendre l'atmosphère coûte que coûte, il se sent baisser les bras petit à petit. Parce que c'est à un mur haut et solide qu'il se confronte à chaque fois ... en vain. Pas un regard sans haine, pas une esquisse de sourire, pas non plus un seul remerciement ou mot sympathique. Rien. Du moins, rien d'autre que la colère et des ressentiments et sentiments négatifs unanimes. Face à cela, il se sent petit et chacune de ses tentatives semble misérable.

Aujourd'hui, Naël ne se sent pas d'humeur à insister. Il ne veut pas plaisanter dans le vent, ne veut pas non plus emmerder Clarke plus que nécessaire. Alors il a pris garde à ne pas mettre de musique, n'a pas non plus ouvert sa fenêtre entièrement et se contente de rester silencieux, tout en étant concentré sur la route. Tout cela est un miracle, et il lui arrive de se demander si Clarke s'en rend compte, parfois. Qu'il fait quand même, de temps à autre, des efforts pour ne pas trop lui taper sur le système. Bien sûr, ce n'est pas systématique. Mais c'est indéniablement là ... à l'occasion. La journée touchera bientôt à sa fin et, d'ailleurs, le soleil se couchera d'ici une heure ou deux minimum. Ce qui leur laisse tout à fait le temps de retourner auprès de Faith, restée en arrière le matin même alors qu'eux sont partis en expédition, dans l'espoir de trouver des vivres et pourquoi pas de l'essence. Ils ne reviennent pas les mains vides, mais il serait faux de prétendre qu'ils ont ce qui leur faut pour tenir des semaines. C'est loin d'être le cas. Concentrée sur la route et, par extension, sur la voiture, Naël constate rapidement que quelque chose cloche. Ils viennent d'entrer dans une ville, et la voiture a des soubresauts qu'il ne contrôle pas, et dont il n'est absolument pas responsable. « C'est quoi ce ... » Son marmonnement s'arrête en même temps que la voiture. Celle-ci a un dernier petit sursaut de vie, avant que tout mouvement ne cesse. Il grimace, agacé. « Bordel ! » Cela ne s'annonce guère bon, et il s'en doute. Il regarde le tableau de bord, constate vite que l'essence est encore suffisante ... et pourtant. D'un mouvement vif, il sort de la voiture et ouvre le capot avant sitôt qu'il se trouve devant celui-ci. La fumée qui s'en échappe alors achève de lui faire comprendre qu'ils sont dans de sales draps. Il retourne donc s'asseoir sur son siège, encore incertain quant à la marche à suivre. « Je crois qu'on est dans la merde ... » Là, seulement, pour la quasi première fois de la journée, il se tourne en direction de Clarke. Qu'est-ce qu'il a fait au bon dieu pour mériter ça ?