« Maman, regarde, c'est joli ça... »
Madame Margaret Carson lève les yeux de son agenda pour regarder son enfant, Gwenael. L'enfant de six ans ouvre le rideau de la cabine d'essayage, vêtu d'une robe couleur crème. La femme, créatrice de bijoux, esquisse un petit sourire peiné. Ce n'est pas la première fois que son enfant lui demande d'acheter des robes, des jupes, ou même des chaussures féminines. Elle se lève de son siège pour venir s'agenouiller en face de sa progéniture, passant une main douce sur sa joue.
« Gwen, mon ange, tu sais bien que tu ne peux pas porter ça... » souffle Margaret d'une voix conciliante.
Le petit blond fait la moue en tirant sur le bas de sa robe, dont l'étiquette pendouille tristement.
« Si je peux. Je suis une fille. »
Voilà, encore la même chose. Depuis des années, Margaret ne comprend pas trop l'obsession de son fils à affirmer qu'il est une fille. Malgré son anatomie. Si son enfant est heureux des cadeaux masculins qu'elle et son mari lui offrent, il n'a pas ce même regard qui pétille et s'émerveille quand il regarde des princesses à la télévision, ou s’enfuit du côté rose du rayon. La jeune mère ne comprend pas, mais elle se dit qu'il est peut-être temps d'accepter. Après tout, Gwen restera son enfant quoi qu'il arrive, et elle sait qu'il en est de même pour son époux. Avec un sourire doux, elle fini par accepter l'achat de cette robe. C'est sans doute ce jour là que tout à commencé. Que tout à changé.


« Vous devez savoir que si vous n'accédez pas à ma requête, Mr Walker, vous perdre le plus gros donateur de votre établissement, » explique calmement Margaret au téléphone. Au bout du fil, le directeur de l'école privée où est inscrite Gwen. L'enfant écoute sagement la discussion par dessus son bol de céréales. « Bien, je suis ravie de voir que vous savez où se trouvent vos priorités, et par là j'entends bien sûr le bien être de vos élèves. » C'est ainsi que la discussion se termine, et la mère repose le téléphone avant d'adresser un sourire à son enfant. « Voilà ma chérie, on va recevoir ton nouvel uniforme dans la semaine. » L'enfant de huit ans saute de sa chaise pour se blottir contre sa mère en pleurant de joie, riant aux éclats. Enfin, elle va pouvoir porter l'uniforme féminin de son école. Cela fait des mois que sa mère se bat pour ça, et le chantage a finalement eu gain de cause. Qu'importe si c'est bas, rien n'est trop déloyal pour le bonheur de son enfant.
C'est à cet instant que Rick Carson entre dans la cuisine. Il se fait à son tour sauter dessus par son enfant, et le soulève du sol pour le serrer dans ses bras.
« Je vais avoir la jupe papa ! La jupe ! » L'homme en uniforme de policier lance un regard complice avec sa femme, tout en caressant les cheveux blonds de Gwen qui poussent librement depuis deux ans.
« C'est formidable ma princesse, maintenant file t'habiller, je te dépose chez le psy avant d'aller au poste. » Gwen ne se le fait pas redire deux fois et se rue dans sa chambre, continuant de pousser des éclats de joie. Margaret rejoint son mari pour l'embrasser avec tendresse.
« Tu vois, » souffle la femme avec malice, « je te l'avais bien dit qu'on aurait une fille. »


« Hey, pourquoi les autres se moquent de toi ? »
Gwen relève sa frimousse rougie par le froid et les larmes, pour croiser le regard du nouvel élève de sa classe. Il semble un peu inquiet, gentil, et a un beau regard vert d'eau.
« Parce que je porte une jupe... » marmonne l'enfant en faisant une moue presque honteuse. La vie n'est pas tous les jours facile, et les gosses peuvent parfois se montrer plus cruels que des adultes.
Dyson, le nouvel élève curieux, fronce les sourcils du haut de ses neuf ans.
« Fait pas attention, tu es très beau avec ta robe... Enfin, belle, si c'est comme ça qu'il faut dire. Les autres filles sont moches à côté de toi ! »
La petite blonde écarquille les yeux, ne s'attendant pas à cela. Un sourire éclaire son visage.
« Gaffe, je peux quand même te mettre la pâtée au foot ! »
« C'est ce qu'on va voir ! »
Les deux nouveaux amis se tiennent par la main pour courir vers le terrain de foot de la cour de récréation. Les ennuis ne font que commencer mais au moins, ils peuvent les affronter ensemble.

17/06/1997

Gwen,

Tu dois sans doute te demander pourquoi tu trouves cette lettre dans ton casier... C'est juste que, bah tu sais, j'suis jamais vraiment très doué pour dire ce que je ressens sans bafouiller alors j'préfère te l'écrire. Est-ce que tu veux venir avec moi à la soirée de vendredi prochain ? Enfin. On a déjà prévu d'y aller ensemble je sais mais. Je veux dire. Tu veux venir en tant que ma petite copine ? Promis c'est pas une blague. J'veux avoir la plus belle fille à mon bras. Et montrer à tout le monde qu'ils ont aucune chance avec toi. Putain ça fait prétentieux en fait... Désolé. Me frappe pas.
Dyson

PS : En plus je connais déjà tes parents et ils m'adorent.

« 3... 2... 1... BONNE ANNEEEEEEE ! »
Time Square explose. Des effusions de joie et d'amour marquent le début de l'an deux-mille. Gwen et Dyson s'embrassent sous les feux d'artifice. Déjà trois ans qu'ils sont en couple, et rien ne semble pouvoir les briser. Cela fait également quelques mois que Gwen a commencé sa thérapie hormonale. Troquer la testostérone contre les oestrogènes. Elle travaille également les muscles de sa voix. Sous les encouragements de ses parents et de Dyson. Ses piliers. Gwen ne pouvait pas rêver d'une meilleure famille. En parlant de famille, le jeune couple a promit aux parents Carson de ne pas rentrer trop tard et au bout d'une heure supplémentaire de fête, ils prennent le chemin du retour vers l'appartement.
« Ne serait-ce pas ce cher Dyson ? Dis donc mon pote, je pensais que c'était des rumeurs mais en fait t'es vraiment devenu une sale tarlouse ! »  
La voix cueille Gwen et Dyson au détour d'une rue. Il s'agit de l'ancien meilleur ami du jeune homme, qu'il n'a pas revu depuis son expulsion du lycée. Autour de lui, d'autres gars qui leurs sont inconnus. Le couple essaye d'éviter le groupe, mais le dénommé Dale leur barre le chemin avec un sourire moqueur. Il pousse Gwen brusquement en s'adressant à nouveau à son ancien ami. « Putain t'es vraiment devenu une pédale, comment ça se fait qu'un mec comme toi soit pd ? C'est toi qui l'encule ou c'est l'inverse ? »  
Gwen baisse les yeux. Ce n'est pas la première fois que Dyson subit des attaques par sa faute, mais c'est la première fois que les propos sont aussi crus et violents. En général, le couple évite le conflit et passe son chemin, mais il faut croire que les mots de Dale mettent Dyson hors de lui. Ce dernier s'interpose entre sa copine et Dale.
« Casse-toi, Dale. Je sais pas pourquoi je me justifie devant toi après le coup que tu m'as fait, mais si ça peut te rassurer, je ne suis pas gay. »  Il s'interrompt pour prendre la main de Gwen, au bord des larmes à cause du groupe qui se resserre autour d'eux. « Gwen est une femme. Une femme si merveilleuse que toutes les chiennes réunies que tu te tapes ne lui arrivent pas à la cheville. »
Gwen sent son souffle se couper aux mots de son petit ami, mais n'a guère le temps de dire quoi que ce soit. Déjà, deux garçons immobilisent Dyson, alors qu'elle se sent également ceinturée. Les coups se mettent à pleuvoir sur le couple. Cela semble durer une éternité. Les insultes. On leur crache dessus. Au sens figuré comme au sens propre.
Heureusement pour le couple, un groupe de fêtards débarque dans le coin et met fin au lynchage. Dyson a perdu connaissance, Gwen essaie d'appeler son père. Le réseau est encore trop saturé. La soirée de rêve s'est tournée en cauchemar et se termine par un trajet en ambulance.
Le lendemain, Gwen décide de rompre avec Dyson, refusant qu'il souffre encore de la sorte par sa faute.

DYSON (+1 (914) 555-1950)
LE 05/09/2001 À 23:42

DYSON : « Salut Gwen. J'ai appris que tu avais été acceptée à l'école de Police alors je voulais te féliciter. J'espère que tu vas bien.
Dyson. »
DYSON : « Tu me manques putain. »

GWEN : « Merci. »
GWEN : « Comment tu as eu mon numéro ? »

DYSON : « Par ton père... Il s'inquiète pour toi. Et moi aussi. Je sais que ça fait presque deux ans mais... Tu me hantes Gwen. J'ai besoin de toi. »

GWEN : « Dyson, arrête... Tu n'as pas besoin de te faire tabasser à mort. »

DYSON : « Non. J'ai besoin de ton sourire. De ta main dans la mienne. Des culottes que tu oublies sous mon oreiller volontairement. De tes yeux qui pétillent quand je dis que tu es la plus belle femme sur terre. Je t'aime Gwen. Reviens-moi. »

« Maman... J'ai peur. »
Margaret lui esquisse un sourire. Dyson serre sa main. Rick passe une main sur son front.
La chambre d'hôpital est d'un blanc éclatant. Drôle de façon de passer son vingt-et-unième anniversaire. Mais malgré la peur, cette première opération est le plus beau cadeau que puissent lui faire ses parents et son petit ami. La première d'une longue liste. Mais le jeu en vaut la chandelle. Les Carson ne voient pas une meilleure façon de dépenser les économies de toute une vie. Encore une fois, le bonheur de leur enfant est leur priorité. Grâce au rang de son père qui a su convaincre ses collègues de par son influence notoire, Gwen peut bénéficier d'une période de congés pour cette intervention. De toute façon, ses notes sont les meilleures de l'école.

BOÎTE DE MESSAGERIE (1)

DE : BRATTON W.J (brtwj.nypd@gmail.com)
A : CARSON Gwenaël (carson.g@yahoo.com)

OBJET: Résultats du concours

LE 15/08/2005 À 09:32

Madame, Monsieur,

J'ai le plaisir de vous annoncer votre affectation à l'escouade ESS-5 du service ESU de la Police de New York en tant qu'officier. Vous trouverez-ci joint toutes les informations relatives à votre nouveau poste, et votre uniforme sera disponible dès demain au poste général de Staten Island.

Veuillez accepter, Madame, Monsieur, mes sentiments les plus distingués.
Commissionnaire Bratton.

PS : Gwen, dis à ton père que vous êtes tous invités à manger à la maison samedi. Invite ton homme aussi. Félicitations.

« GWEN ! VIENS VITE ! »
L'intéressée sursaute depuis la salle de bain. Face au miroir, l'Inspecteur Caulfield observe son corps, son visage. Les cicatrices sont peu visibles et cela l'enchante. Ses cheveux blonds tombent sur ses épaules. Après de nombreuses d'opérations, parfois deux dans la même année quand c'était possible, une somme d'argent inimaginable, et presque dix ans à passer sur le billard... Gwen peut enfin s'apprécier totalement en regardant dans le miroir. Son visage, son corps. Enfilant un peignoir, elle rejoint Dyson qui l'as appelée depuis leur salon.
Ce dernier brandit une enveloppe déjà ouverte.
« Hey ! D'où tu ouvres mon courrier ? » fait mine de bouder Gwen en se laissant tomber sur le canapé, où son petit ami la rejoint rapidement.
« C'est tes nouveaux papiers ! »
Un cri poussé par Gwen. Elle s'empare de la-dite enveloppe et en sors une lettre qu'elle lit en diagonale, puis une carte plastifiée. Nom : Gwenaëlle Carson. Date et lieu de naissance : 13/11/1981, NYC. Sexe : F.


« Shepard, baisse toi ! »
Gwen n'a pas le temps de réagir. Le souffle de l'explosion la projette, ainsi que son collègue, sur le bitume qui écorche son visage. La bataille fait rage et une malencontreuse flamme vient de faire exploser la station essence. Les ennemis -difficile de les appeler autrement pour le moment- viennent de partout. Impossible d'imaginer l'issue du combat. Cela fait déjà longtemps que ça dure. L'unité de Gwen, comme toutes celles de la police locale, sont sur le terrain. Que faire d'autre, sinon se battre, porter secours aux blessés, protéger les civils. Tandis qu'elle se relève elle est loin de se douter que cette bataille va changer à jamais sa façon de penser. Son collègue va bien, et elle attrape la radio à sa ceinture.
« Inspecteur Carson ? ... Papa répond moi ! »  Silence entrecoupé de grésillements. Elle change de fréquence tout en courant vers une femme au sol qui se redresse avec peine suite à l'explosion, la menant à l'abri en aboyant presque dans sa radio. « Sergent Shepard ? ... Sergent ?! Putain Dyson répond ! »  
« Gwen, ça va ? Comment ça se passe sur ... »  
Le bruit d'une autre explosion se fait entendre par la radio. Injures de la part de celui qui est son époux depuis à peine un an.
« Dyson ? »  
Grésillements.
« DYSON ?! »  
La voix de Gwen se brise. A nouveau, le silence.
Éternel.


« Gwen... Debout... Lève-toi... »  

Un sursaut. Sans la corde, elle serait tombée. La voix de Dyson résonne encore au loin. Accrochée à une branche pour la nuit, Gwen grogne en redressant le torse. Dyson. Les années n'ont pas entamé le souvenir de son écho. En contrebas, grognements caractéristiques. L'odeur, aussi, qui remonte jusqu'à elle et à laquelle elle ne s'habituera jamais. Elle a dû faire du bruit en dormant, Gwen, comme toujours assaillie par les cauchemars, voilà ce qui les as attirés. Heureusement, ils sont stupides.
La blonde au crâne désormais rasé depuis quelques temps déjà, se détache et prépare ses affaires pour redescendre. Dans sa main valide, l’autre bras s’arrêtant dans un moignon hideux peu avant le coude, une pierre. Assez lourde pour attirer l’attention des zombies dans une autre direction quand cette dernière est lancée par Gwen pour faire diversion. Pitoyable. Une fois descendue de l’arbre, ils reviendront vers elle, c’est certain. Et elle sera prête, Gwen, à leur exploser le crâne à tous. Manquer d’un bras ne l’empêchera pas de défendre sa vie. Ou sa survie, en l’occurrence. Car voilà à quoi se résument les jours qui passent et se ressemblent tous. Survivre. Seule.

Tybalt a l'immense plaisir de te valider !
Félicitations, tu rejoins le groupe de marginaux
Putain, je suis trop trop trop trop fan de ton personnage ! Ton histoire est super émouvante (et super triste aussi ). Bref, j'adore, vraiment !


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