La cérémonie a été courte, assez peu suivie. Et c'est logique, Auregan peut le comprendre. Ça n'avait rien de conventionnel et de "normal" comme ça pouvait l'être autrefois. Un prêtre, ça ne court plus les rues, et Auregan n'a de toute façon jamais été très portée religion - pour ne pas dire pas du tout -. Ils en ont trouvé un histoire de rendre ça un tant soit peu plus officiel, et le tour était joué. Le plus compliqué a été, sans aucun doute possible, de trouver des vêtements, d'organiser tout le reste. Noah s'est chargé des bagues, et Auregan est partie en vadrouille avec Lucy et deux-trois autres filles pour les vêtements. Elles ont trouvé un magasin de mariage vandalisé, mais pas vidé. C'est sans doute arrivé dans les débuts, quand les gens pensaient encore que la vie reprendrait son cours normal sous peu. Du coup, ce sont surtout les bijoux, caisses et coffres-forts qui ont été pris. Elle a pu trouver une robe traditionnelle, blanche avec un peu de dentelle par-ci par-là et surmontée de quelques perles qui lui ont tout de suite plu. Rien qui fasse trop nunuche, elle n'aurait pas pu le supporter. Pour ses cheveux, ça a été nettement plus compliqué, mais elle a pu les laver à l'aide d'eau de pluie plus ou moins propre et d'un savon made in une des personnes du camp. Elle les a attachés en un chignon élégant, ensuite. Ils sont propres mais pas trop non plus. Pour le maquillage, elle a fait de ce qu'elle a pu avec ce qu'elle a trouvé. Au final, heureusement qu'elle a été aidée - par Lucy notamment -, sinon elle ne s'en serait tout bonnement pas sortie. A présent que la "cérémonie" est terminée, une petite fête est organisée au centre du campement. Bien sûr, Auregan appréhende un peu, elle a peur que quelque chose tourne mal. C'est sans doute pour cette raison qu'elle a troquée sa robe contre un tailleur-pantalon blanc et des chaussures plates qui lui permettront de courir si besoin est. C'est dommage de devoir en arriver là pour un événement pareil mais elle n'a pas le choix, et elle ne s'autorise pas à l'avoir. D'ailleurs, elle a bel et bien planqué un couteau sur elle juste au cas où. Elle est sûre, de toute façon, de ne pas être la seule dans ce cas-là. La voilà fin prête. Son premier réflexe est d'aller traîner vers le buffet. Pas pour grignoter tout ce qu'elle trouve - bien au contraire, elle ne touche à rien pour l'instant -, mais pour s'assurer qu'il n'y a aucun problème, que tout est en place. C'est le cas, et elle est infiniment soulagée. De constater que les gens s'amusent d'ores et déjà, aussi. Ils ont réussit à trouver quelques instruments de musique et des volontaires jouent, dans un coin. Rien de fameux, mais c'est toujours ça. Elle est contente. Et ça faisait longtemps qu'elle ne s'était pas sentie ainsi.

J’avais rencontré Auregan lorsque j’étais arrivée à la Zone et ça ne s’était pas tout à fait bien passé. J’avais seulement compris pourquoi quelques mois plus tard, lorsque Noah était lui aussi arrivé au camp, ou revenu, je n’en savais trop rien. Lui, je ne le connaissais que de vue, et comme je fouinais un peu partout lorsque je m’ennuyais -ce qui était souvent le cas à la Zone- eh bien je n’avais appris que quelques petites choses par-ci par-là, grâce aux bruits de couloirs, comme on dit. Tout cela pour dire que j’avais rapidement compris qu’ils étaient proches et dès qu’il est apparu, tout d’un coup la rousse est devenue beaucoup plus sympathique, alors je lui ais pardonné, même s’il n’y avait pas eu grand-chose à pardonné au final. Elle s’était tout simplement montré un peu froide et pas très bavarde et comme elle était l’un des premiers visages, ou presque, que j’ai croisé à mon arrivée, ça ne donnait pas une très belle image. Surtout que j’étais, de mon côté, d’une humeur splendide, contente d’avoir trouvé un refuge pareil, ce qui avait créé un contraste assez important… Aujourd’hui, tout était oublié, puisqu’elle était même devenue une source de réconfort au fil du temps, malgré notre mauvais départ. On s’était perdue de vue depuis que ce camp avait tombé et j’avais seulement appris qu’elle vivait aussi ici maintenant grâce à Ophelia, celle qui m’avait également mise au courant pour ce mariage et qui m’y avait invité. Je ne connaissais pas très bien la rousse, mais j’avais été contente d’apprendre qu’elle avait survécu à l’attaque à la Zone et je l’avais d’autant plus été lorsque j’avais été mise au courant pour son mariage, même si je savais que ça ne ressemblerait pas à ceux qu'on fêtaient avant. Il y avait quelque chose de réconfortant, dans toute cette histoire. C’était un événement heureux et positif, et ils étaient très rares de nos jours… Certains pourraient croire que c’était absurde de célébrer un mariage aujourd’hui, mais je ne pensais pas ainsi. C’était beau de les voir heureux, de les voir ensemble, toujours. J’avais d’ailleurs trouvé Auregan absolument magnifique dans sa robe et dès la fin de la cérémonie, je l’avais cherché du regard afin de lui dire. C’est seulement une vingtaine de minute plus tard que je l’aperçois à nouveau, prêt du buffet. Je me penche vers Ophelia, chuchotant dans son oreille que je revenais, avant de quitter son bras et de me diriger vers la mariée. « Félicitation » lui dis-je alors, un peu timide. Nous n’étions plus tellement proches depuis tout ce qui s’était passé à la fin de la Zone, je n’avais jamais osé allez de nouveau vers elle avant aujourd’hui, me contentant de lui sourire lorsque je la croisais. « Ta robe était magnifique, elle t’allait très bien » la complimente-je ensuite, glissant une mèche de mes cheveux derrière mon oreille et lui souriant, beaucoup plus honnêtement que j’avais pu le faire ces dernières semaines, depuis que je m’étais installée avec Ophelia. Ça n’avait pas du tout été personnel, je n’étais tout simplement pas dans mon assiette, et je ne pétais toujours pas la forme, mais je remontais doucement la pente et cette belle cérémonie, simple mais charmante à mon goût, avait eu le don de faire naître à nouveau quelques étoiles dans le creux de mes pupilles, quelque chose que je ne croyais plus possible.

C’était une bien drôle d’idée que d’organiser un mariage par les temps qui court. Mais je dois avouer que c’était quand même agréable de voir les gens sourire et ne pas se plaindre. Tout le monde avait l’air moins crasseux que d’habitude aussi. Faut dire que j’avais l’habitude maintenant des odeurs et que ça ne me dérangeait plus depuis longtemps. Aujourd’hui pourtant, les gens avaient revêtus leurs plus beaux atours (des vêtements à peu près propres en fait ou ce qu’ils avaient réussi à dénicher). Il y avait aussi de l’alcool. On n’avait plus l’habitude d’en boire, donc les gens étaient ivres beaucoup plus rapidement. On m’avait déjà appelé suite à la cérémonie pour faire dégager quelqu’un ayant trop consommé. Et ce n’était que le début. J’avais jamais été garde avant l’épidémie, mais c’était beaucoup plus facile que je le pensais. Je surveillais l’entrée de Yosemite aujourd’hui. C’était peut être pas l’endroit le plus palpitant où être, mais il fallait bien que quelqu’un le fasse. Heureusement je n’étais pas le seul à y être. Parce que je peux vous dire que même si la sécurité est au minimal, j’ai du empêcher quelques imbéciles de causer du tord. Je ne pouvais pas empêcher les gens d’entrer comme je l’aurais habituellement fait. Une arme dans les mains, je ne pouvais que les regarder passer, repérant les troubles faites. Je savais qui j’aurais à sortir d’ici avec coup de pied au cul plus tard. Je me faisais une liste mentale des fauteurs de troubles.  

Pour l’instant tout allait bien. Il n’y avait pas de drame, pas de rôdeur qui tentait de s’incruster à l’événement et pas de voleur venu profiter du fait que tout le monde était rassemblé au même endroit pour entrer dans les cabanes. Ça risquait fortement d’arriver par contre. J’étais nerveux. Ça ne paraissait peut être pas sur mon visage mais j’étais tendu. Sérieusement, qu’est-ce qui pourrait arriver ? C’était ce que j’essayais de me dire pour me faire croire que rien ne pouvait venir ruiner ce moment où les survivants avaient enfin un moment de répit et quelque chose à célébrer. Tandis que moi j’étais planté à l’entrée, essayant d’afficher un air détendu. Pourtant j’ai l’impression de ne pas avoir l’air si sympathique que ça. Quand les gens me regardent, ils froncent les sourcils. À moins que ce ne soit l’arme que j’ai sur moi, c’est vrai que ça fait plutôt menaçant… « C’est à moi sale voleur ! » Je tourne la tête, sachant déjà qu’il y avait un problème à l’horizon. « Je l’ai trouvé par terre ! T’avais qu’à le garder avec toi ! » Une bagarre de soulon, est-ce que j’ai l’air d’un videur ? Je soupir d’agacement et marche vers eux en espérant qu’ils ne soient pas trop difficile à séparer. Je pose une main sur l’épaule de l’un d’eux pour avoir leur attention. « Arrêtez tout de suite! Ou je vous jette tous les deux dehors ! » S’ils ne me prenaient pas au sérieux, c’est un poing au visage qu’ils se prendraient. J’avais pas du tout envie de devoir faire le gardien mais s’il le fallait pour que tout reste en ordre, j’aurai pas le choix.

C’était en venant rendre visite à Emelie, quelques jours plus tôt, que j’avais entendu parler de ce mariage. Je devais avouer qu’au départ, j’étais sceptique face à l’événement. Le mariage signifiait-il encore quelque chose aujourd’hui ? Et puis je ne connaissais personnellement aucun des deux époux. Toutefois, on m’avait bien dit que le parc serait ouvert à tous ceux qui désiraient venir célébrer et je m’étais décidé en voyant passer des caisses d’alcool. Du vrai alcool, de l’alcool d’époque ! Juste à y penser, je salivais. Ces derniers temps, je consommais de façon intermittente lorsque je m’achetais ces liqueurs artisanales au goût de désinfectant que certains survivants fabriquaient et il fallait le dire, cela ne se comparait pas à une bouteille pré-épidémie. Toute cette boisson était pour moi comme du miel pour les mouches.

Je sirotais seul dans mon coin verre par-dessus verre, observant la scène qui se déroulait dans le parc. Je n’avais pas encore aperçu Emelie, mais cela ne m’inquiétais pas de rester sans compagnie. Si June avait encore été avec moi, elle n’aurait jamais accepté de venir ici. Elle n’y aurait vu qu’un gaspillage de temps et de ressources, mais je ne voyais pas les choses du même œil depuis que j’étais arrivé. Je devais admettre que le mariage était une réussite malgré mes réticences initiales. La mariée était sublime et le couple semblait heureux, et il s’agissait là du véritable succès d’un mariage. Ce que June aurait considéré comme futile, je le pensais désormais comme essentiel. Nous avions besoin de vivre une journée comme si nos lendemains n’étaient pas en péril. Sans quoi, nous risquions tous de devenir fou.

À quelques mètres de moi, j’entendis le bruit d’une bagarre, là où deux hommes ivres se disputaient pour un objet quelconque. Il fallait dire que le bar avait grandement baissé depuis le début de la célébration… Un troisième homme s’approcha des deux enragés et les sépara. Ils se jetèrent des regards noirs avant de s’en aller chacun dans leur coin, attendant peut-être le moment et l’endroit propice pour recommencer leur dispute. « Certaines personnes ne savent plus boire, c’en est presque ridicule », dis-je en m’avançant vers celui qui avait désamorcé le conflit. Se faisant, je me pris les pieds dans une irrégularité du terrain et je m’étalai de tout mon long, renversant mon verre de plastique à moitié plein sur ma chemise que j’avais déniché pour l’occasion.

Je me relevai en riant. L’alcool m’avait plus amolli que le croyais. « Vous voyez ce que je dis ? » Aussi bien prendre la situation avec humour. Contrairement à ces deux hommes de tout à l’heure, boire m’avait toujours rendu plus heureux, plus insouciant, mais jamais plus agressif. Il fallait croire que j’avais juste besoin d’une pause (et peut-être d’un verre d’eau). Je ne savais pas ce qui m’avait incité à engager la conversation avec le responsable de la sécurité, mais il s’agissait d’une bonne décision tout compte fait. L’homme était visiblement sobre et la discussion me retiendrait de retourner au bar pour remplir un nouveau verre de vin, de whisky ou de gin.

Ses prunelles ahurit observent. Ses dextres serrent une bouteille de bière, tandis que son pied droit gigote. Ca lui gratte la nuque. L'étiquette du costume qu'Auregan lui a trouvé est presque parfait, à l’exception qu'il est légèrement trop petit, donc trop saillant. Noah souffle longuement, pose sa bouteille non loin de sa « nouvelle » Femme et retire sa veste de smoking. Si jamais les choses se gâtent, il risque d'être dans l'incapacité de trancher deux trois vicaires sans faire craquer les manches. Fred est à côté de lui. Le survivant l'observe, stupéfait. Il se demande comment les filles ont réussi à lui trouver un costume. Le nain a l'air ravi et jure que c'est le comble de la classe, prétextant être enfin reconnu en tant qu'homme de prestige. L'intéressé lève enfin les yeux vers la grande tige, hausse un sourcil et lâche dans un rire nasillard:

« - Je rêve où tu stresses ?

Dans le fond, Peter s'égosille d'une voix de pochetron. Un truc à propos d'un objet qui lui appartient. Mais le blond décide de l'ignorer et de s’intéresser à son ami tranquillement installé sur une chaise.

- Je stresse pas du tout, grommelle Noah en fixant la foule. C'est juste que … Y a plein de monde. Pourquoi y a autant de monde ? J'veux dire, si on avait été dans un univers normal, ç'aurait été peu. Et crois-moi qu'on aurait sans doute jamais pu souffler. Mais là, vu les circonstances … qu'il souffle avant de baisser les yeux à nouveaux vers Fred. Non mais sérieux, pourquoi y a même des têtes que je connais pas !

Fred inspire et expire à son tour, ses iris s'élevant au ciel avec une exaspération non feinte.

- Tu veux pas te détendre un peu ? Y sont cools ok ? … Bon, pas tous. Mais on a des gars qui surveillent. Toi, aujourd'hui, tu te calmes sur la vigilance et tu profites de ton jour. Y en aura pas deux des comme ça. Non mais tu l'as bien regardé ?

- J'étais là j'te signal, on en reparlera le jour où tu verras la plus belle des nana avoir la folie d'accepter de te supporter jusqu'à la fin de ses jours.

Haussement de sourcils.

- Y a plus d'avocats, elle est foutue ! Qu'il beugle assez fort pour que la rousse l'entende. Un sourire étire ses babines alors qu'il l'observe. Elle a troqué sa robe contre un tailleur chic, mais confortable. Il regrette la robe, mais la prudence est de rigueur.

Le blond approche de la jeune femme, passe une main sur sa taille et marmonne à son oreille.

- Ce pantalon te protégera peut-être des rôdeurs, mais pas de moi.

- EUW ! J'ai tout entendu j'te signal ! Beugle Lucy, cachée derrière le buffet.

D'un air courroucé, la petite rouquine tourne les talons.  Lui se contente de rire, trop heureux pour s'en soucier.  Constatation qui le choque.  Le voilà qui ressent enfin à nouveau quelque chose de positif.  Elle est bien bonne celle-là !

Pourtant, deux minutes plus tard à peine, Lucy braille d'un air hystérique. Attitude qui ne lui ressemble pas du tout.

- OH, UN P'TIT CHIEN !

Un p'tit chien ? Qu'est-ce qu'un chien foutrait là ? Le blond fronce ses arcades, tourne les talons et aperçoit le dit chiot, vite rattrapé par …

- Oh, Clint,  souffle la rousse d'un ton beaucoup plus désinvolte.

Tandis que la demoiselle d'honneur s'en va, le marié observe l'intéressé.

- J'peux savoir ce qu'il fout là, lui ? »

Bonne humeur qui éclate comme un ballon de baudruche.

C'est vrai qu'organiser un mariage par les temps qui courent, c'est assez fou. Et même complètement fou. Mais Auregan ne songe pas à ça. Comme toujours, elle préfère voir le positif, et particulièrement dans cette situation-là. Il ne faut pas penser au pire, pas tout de suite. Il y a bien sûr des aspects négatifs à tout ça, mais il suffit qu'elle regarde les visages souriants et moins crasseux qu'à l'accoutumée pour que tout le positif reprenne le pas sur le reste. D'ailleurs, une jeune femme (Abby) qu'elle connaît et avec qui elle a déjà eu plusieurs discussions vient de s'approcher d'elle pour la féliciter. « Merci beaucoup à toi. J'espère que tu ... » Les voix qui s'élèvent, non loin de là, la font relever la tête. Elle les repère vite, les deux zigotos qui sont en train de ficher le bazar. « T'amuses bien. » Elle finit sa phrase, quand même. Mais elle n'en oublie pas ce qui se passe à côté. Quelque chose qui ne lui plaît pas du tout. « Excuse-moi un instant. » Il faut bien qu'elle intervienne, qu'elle dise quelque chose. Sur le passage, la voix de Noah la fait reconsidérer sa trajectoire. Clint est là. Elle plisse les yeux, mais ne dit rien. Ce n'est pas le moment de s'énerver, pas le moment d'engendrer plus de tension que nécessaire. Alors elle se contente de passer à côté de Noah, qu'elle voit bouillir lui aussi. Non, ce n'est pas le moment. « Allez, ce n'est rien. Laisse-le profiter lui aussi et fais comme s'il n'était pas là. Il n'y a que comme ça que ça se passera bien. » Elle ne peut pas faire mieux de toute façon. Et Noah non plus, ne peut pas faire grand chose face à ça. Elle n'a pas envie de voir toute cette petite sauterie gâchée par quelques personnes qui se tapent l'incrust. Quoi que tout le monde est invité, il faut juste que chacun puisse se comporter convenablement. Auregan arrive face à Samuel et Iain -les noms lui reviennent automatiquement bien qu'elle ne les connaisse pas plus que ça-. Elle veut s'assurer que tout est réglé. « C'est bon, tout se passe bien ? » Elle leur sourit, se montrant aussi agréable et avenante que possible. Ce n'est plus vraiment difficile, pour elle. Bien qu'elle appréhende un peu la réponse. Et si tout ne se passait pas aussi bien qu'elle le souhaite ?

Par chance, ils avaient décidés de quitter d’eux-mêmes. On dirait que parce que les gens ne buvaient plus, lorsqu’ils tombaient sur un verre d’alcool, ils devenaient complètement fous et insupportable. Je n’avais jamais été un gros buveur par le passé et je me souvenais maintenant pourquoi. Les gens faisaient n’importe quoi sous l’influence de l’alcool. Et certains semblaient avoir oubliés que nous n’étions pas complètement dans un environnement sécuritaire. Je regardais les deux ivrognes s’éloigner et me promettais de garder un œil sur eux. Il suffisait que d’une bourde pour créer une catastrophe après tout. Et ces deux là en seraient probablement la cause si c’était pour arriver. On m’adressa la parole et je me retournais pour voir de qui il s’agissait. Je ne connaissais pas vraiment l’homme. Je l’avais peut être déjà vu mais il ne me disait rien. S’il restait à Yosemite, c’était depuis peu parce que je ne me souvenais pas l’avoir croisé souvent par ici. Je fronçais les sourcils en le regardant s’étaler de tout son long par terre. Il n’était pas vraiment mieux que les deux autres malgré ce qu’il venait tout juste de me dire. Non, les gens ne savaient pas boire, lui y comprit. Il semblait trouver ça amusant mais moi j’étais réellement préoccupé par l’état de certains. On ne pesait pas fort dans la balance si on se faisait attaquer par un groupe de bandit ou de rôdeurs.

« Vous devriez peut être vous tenir loin du bar. C’est juste un conseil. » C’était un conseil que d’autres devraient également appliquer. J’espérais qu’ils soient bientôt à court de boisson, on serait tranquille. « Ils servent de l’eau également, pas que du whisky et de la vodka. On dirait que les gens ont oubliés que les comas éthyliques existent encore. Les rôdeurs ne seront pas plus drôles même saoul, malheureusement. » Essayer de tuer un zombie en état d’ébriété ? Non merci. Je vois quelqu’un s’approcher de nous. Il me semble que c’est Auregan, la nouvelle mariée. Qu’est-ce qui l’amène ici au juste ? Elle devrait être en train de célébrer là-bas, avec les autres. Lorsqu’elle nous demande si tout se passe bien, j’hausse les sourcils et tourne la tête brièvement pour regarder l’homme à mes côtés. Qu’est-ce que je suis censé répondre à ça ? J’abaisse les yeux quelques secondes avant de lui répondre en la regardant. « Pour l’instant oui, ça se passe bien. Mais ils devraient peut être surveiller à qui ils refilent de l’alcool avant que quelque chose de sérieux n’arrive. » Je vois peut être du danger où il n’y en a pas vraiment, mais il vaut mieux prévenir que guérir.

Le garde [Samuel] affichait un air préoccupé et je me demandai si ma présence l’importunait. Mon but était uniquement de faire passer le temps, aussi bien pour moi que pour lui. D’habitude si solitaire, l’alcool me déliait la langue ce soir. Et puis être l’un des rares invités qui ne festoyait pas ne devait pas être amusant pour lui. Tout le monde savait ce que cela faisait d’être la seule personne sobre de la fête. L’homme me recommanda de m’éloigner du bar, puis me rappela qu’il y avait également l’eau et pas seulement la vodka qui était transparente. J’aurais pu prendre cette remarque comme un reproche, mais je voyais plutôt là les mots d’un homme préoccupé par son rôle de garde. Il s’agissait de conseils plutôt que d’insultes. Il était vrai qu’en cas d’attaque, il ne pourrait pas compter sur les fêtards pour lui prêter main forte.

J’allais répondre à l’homme avec une réplique humoristique, histoire qu’il se détende un peu, mais nous fûmes interrompus par un troisième interlocuteur. Pas n’importe quelle visite, non, mais bien la mariée en personne ! Je ne la connaissais pas beaucoup, pas du tout à vrai dire. Je savais qu’elle s’appelait Auregan, que son mari s’appelait Noah, mais là se trouvaient les limites de mon savoir. La reine de la réception nous demanda si tout se passait bien. Je me senti quelque peu gêné d’être là ainsi devant celle dont c’était le grand jour, sans véritablement la connaître, avec une chemise tachée de vin rouge sur tout le devant. Néanmoins, son approche semblait amicale et non accusatrice. L’homme à mes côtés lui répondit par l’affirmative, mais exprima son inquiétude quant à l’abus d’alcool de la part de certains invités.

Ce fut mon tour de répondre et je me sentis intimidé. J’avais la bouche pâteuse après avoir bu toute cette boisson et j’avais peur de cafouiller. « Ça va très bien de mon côté. J’ai eu un petit accident (je pointai le devant de ma chemise), mais je vais suivre le conseil de monsieur ici présent et m’en tenir à l’eau pour le reste de la soirée. » La nervosité et l’alcool me transformaient en vrai moulin à paroles. Je sentais que je devais justifier ma présence ici. « Félicitations pour votre mariage. La réception est très réussie. » Commencer par des compliments ne pouvait pas faire de mal. « Je me présente. Je m’appelle Iain, je passe souvent par Yosemite. Je vis plus ou moins sur le sofa d’Emelie Grahams, si vous la connaissez. » Je ponctuai cette dernière phrase d’un petit rire idiot. Je sentais le rouge me monter aux joues à force de tant d’attention. Pourquoi avais-je ressenti le besoin de discuter quelques secondes plus tôt déjà ?

Le blond éprouve certaines difficultés. Certaines sont plus coriaces que d'autres. Et ses vices ont la vie dure. Ejecter le sale emmerdeur qui vient pourrir la fête démange les dextres du survivant. Noah fixe Clint sans rien dire, mâchoire serrée. Ils sont nombreux à lui avoir fait remarquer qu'il n'a pas la gueule la plus sympathique du monde lorsqu'il prend quelqu'un en grippe. Il est très sympathique. Mais pas avec les connards. Noah ignore pourquoi, mais il a toujours su déceler chez autrui le moindre digne d'affabilité ou au contraire, de perfidie. Et Braxton n'a rien du parfait petit éleveur de chiot de plein air. D'ailleurs, l'animal fait tristement tâche dans ses bras. Le marié inspire longuement. Auregan a raison. Il a même tendance à penser qu'elle pourrait sincèrement lui en vouloir, s'il décide d’éjecter lui-même l'intrus. Tout le monde a été invité. Clint n'a juste pas été prévenu, et tout aurait été parfait si pour une fois, l'emmerdeur n'avait pas décidé de déroger à ses propres règles en allant se mêler à la foule. Des gars qu'il n'a jamais vraiment croisé se propose de décuver rapidement, assez raisonnables pour comprendre qu'il ne sert à rien d'envenimer la situation. On les félicite pour les noces. Mais les félicitations sont à peine sincères. L'ancien militaire s'en fout complètement. Ses prunelles se détachent enfin de Clint alors qu'il observe Auregan et Samuel.  Puis à nouveau vers Clint.

« - Le marié aussi aime faire la fête, qu'il lâche d'un ton caustique en levant les yeux au ciel. Allez, tout le monde retourne à ses occupations, s'il-vous plaît ! Merci Sam, ça devrait aller, qu'il ajoute à l'intention du brun.

Le blond jette un coup d’œil à ceux qui campent autour de nouveau groupe, curieux de voir la suite des événements. Il ne laissera rien arriver. Hors de question qu'on foute son mariage en l'air. Noah approche du fauteur de trouble, attrape une carafe d'eau et la lui tend.

- Pour le chien, et toi si ça te chante.

Noah tourne les talons sans plus de cérémonie, approche de sa femme et lui tend son bras.

- Tu me dois une bonne vingtaine de danses, tu te souviens ? »

Ses babines s'étirent en un sourire large et sincère.
Il espère que l'autre guignol acceptera son drapeau blanc, au moins le temps de cette journée.

Il fallait, bien sûr, qu'il y ait son lot de problèmes à cette petite cérémonie. Auregan s'en doutait, mais ça n'en est pas moins désespérant de le voir de ses propres yeux. Elle s'efforce néanmoins de conserver son calme et, dans le même temps, de gérer les quelques incidents qui peuvent se produire à droite et à gauche. Celui qui semble s'être désigné garde - ce qui est une très bonne chose, d'ailleurs -, @Samuel Clayton prend son rôle très à cœur. Auregan s'en rend vite compte. Cela dit, il ne s'amuse pas et ce n'est pas difficile de le voir. « Je vais essayer de leur faire passer le mot. Mais, en théorie, personne ne peut passer outre les grillages de protection. » Et les gardes, qui n'ont pas voulu se mêler à la fête et qui s'occupent donc de garder les entrées, ne laisseront pas passer quelqu'un qui semble ivre mort. Croyez-le bien, ça se voit ! Encore plus de nos jours, alors que l'alcool se fait rare et est donc fort peu consommée. Faut être fou, pour prendre de tels risques quand la sécurité n'est pas. L'autre homme, @Iain Parks semble faire partie de ces gens qui profitent de cette occasion particulièrement pour boire. Loin de s'offusquer de son apparente ivresse, Auregan lui sourit. Rien ne pourra lui gâcher cette cérémonie, elle se l'est promis. « Merci beaucoup. Enchantée, Iain. J'espère qu'on aura l'occasion de se recroiser dans le futur. » S'il vient souvent à Yosemite, elle ne voit pas pourquoi ça n'arriverait pas. D'autant qu'elle est un peu le médecin de tout le monde ici - un peu. Comme un incident n'arrive jamais seul, l'autre trouble-fête de cette cérémonie débarque à ses côtés : @Clint R. Braxton. Elle le connaît. Elle l'a déjà côtoyé. Et, plus que tout, elle connaît sa réputation. Elle reste droite, l'air sûr d'elle sans trop en faire non plus. Ce n'est certainement pas elle qui va lancer les hostilités ! Même si, en l'entendant s'adresser à Samuel de cette façon, elle a les poils qui se hérissent. Il fait de son mieux, s'assurant juste que chacun puisse être sain et sauf d'ici à la fin de la journée. « Merci bien, Clint. N'hésite pas à aller ... » Te servir au banquet. Pas le temps de finir sa phrase, @Noah Campbell-Heathcliff vient de lui apporter de quoi se désaltérer. Visiblement, il est prêt à enterrer la hache de guerre. Au moins pour aujourd'hui. Auregan lui sourit, assistant silencieusement à l'échange qui suit. « Une vingtaine, carrément ? Tu crois que je vais pouvoir supporter ton rythme ? » Un petit rire lui échappe. Elle se tourne brièvement en direction des trois hommes qu'elle est sur le point de délaisser leur faisant un rapide signe de la main en lâchant un « Amusez-vous bien. », avant d'attraper le bras de Noah et de s'éloigner avec lui.
Elle n'a plus qu'à espérer pour que tout se passe bien, et qu'il n'y ait pas de dérapages par ici.