Il y a toujours quelque chose à faire à l’intérieur du village. Que ce soit pour travailler, ou pour passer du bon temps. Mais il y a un endroit où Mason passe bien plus de temps qu’ailleurs, mise à part le mur de sécurité qui entoure Ellia. C’est ce bar où il faut allonger les tickets pour obtenir un verre. Là où ils jouent souvent au poker, les gardiens, là où ils se montent le bourrichon les uns les autres tout en passant un bon moment. Là où il a été amoureux une fois. Là où ça fait toujours mal d’aller s’asseoir, parce qu’il a l’impression de la voir encore assise sur ce siège après avoir distribué les verres. Là où elle a bu pour la première fois avec lui, là où tout a commencé ce jour-là. Là où tout aurait du s’arrêter pour que les choses ne deviennent pas aussi difficiles, compliquées, tordues, douloureuses. Mason n’aime pas entrer dans le bar, depuis. Il préfère être à l’entrée, à côté d’une table qu’on sort pour eux sous prétexte qu’il fait bon dehors et qu’ils ne veulent pas s’enfermer à l’intérieur. La serveuse leur ramène des verres, qu’ils payent toujours plus cher juste parce que le trajet pour venir jusque là est plus loin, et moins pratique que s’ils étaient dans le bâtiment.

Ils passent tous un bon moment, généralement. Ils s’enivrent, mais Mason préfère avoir un joint entre ses lèvres que de l’alcool, ces derniers temps. Will n’aime pas ça, mais il le fournit de temps à autre parce que ça permet à son frère de palier le manque de nicotine qui se fait de plus en plus présent. Mais ce qui lui manque le plus, c’est sortir. Il a l’impression qu’il ne pourra respirer que lorsqu’il sera de l’autre côté du mur, que lorsqu’il n’aura plus une vue perçante sur la caravane maudite. Pope s’est créé lui-même un besoin de sortir du village, et lorsqu’il est sûr le mur, il ne pense qu’à ça. Ce n’est pas encore fait, Mason, il n’a pas encore eu la chance de voir Salomé et sa mère, d’entendre Salomé désirer le suivre, de la voir arriver avec sa casquette et son sac à dos. Bientôt, il va devoir sortir, s’enfuir, mais le militaire n’a pas la moindre idée de la façon dont les choses vont tourner.

“ - Bon, va s’y, lance !” Pope parle, rigole alors qu’il manque de s’étouffer avec sa fumée lorsque son équipier se décide enfin à agir. “ Putain, mais t’es à chier !”

Ils se mettent tous à rire, parce que celui qui vient de lancer le couteau pour qu’il se plante dans la planche de bois accrochée au mur extérieur du bar, n’a même pas réussi à le planter correctement. La lame tombe au sol, tout le monde se met à rire avant même qu’il ait pu enlever le bandeau qui lui cachait les yeux. Le jeu est stupide au final, parce qu’il n’y a pas d’intérêt à être le meilleur pour lancer une lame dans une cible avec la vision bloquée. Mais c’était parti de quelque chose de sain, au début. Des enfants étaient venus pour poser des questions à ces grands hommes qui les protègent des monstres de l’extérieur, et une chose en amenant une autre, les enfants se sont retrouvés assis derrière eux, pour voir lequel de tous les gardiens présents seraient le meilleur. Une sorte de concour de celui qui aura la plus grande et grosse kékette, en gros. C’est quelque chose qui lui change les idées, et même si Mason aurait participé à ce genre de truc sans alcool, sans fumer, et sans l’ombre de la caravane dans son esprit, ce fut un moyen parfait pour décompresser.

C’est à son tour de se lever, il prend le couteau qu’on lui tend, et même s’il n’aime pas les enfants, Pope, il est content de faire son malin devant des gens, de rire avec eux, et surtout de donner envie aux gamins derrière d’un jour prendre leur place. Parce que ce n’est pas ce qu’essaye de créer Vance et ses hommes, au final ? Un endroit sécuritaire qui va durer dans le temps. Un endroit que d’autres vont devoir protéger, un jour, et les enfants d’aujourd’hui seront les soldats de demain.

Plus fort et agile que son collègue, il parvient à planter la lame qui se retrouve à quelques centimètres du centre de la cible. Mais Mason sait que ce n’est pas lui qui gagnerait si Blaze était là. C’est peut-être pour ça qu’il n’a pas ce bon goût en bouche comme lorsqu’il réussit quelque chose. Mais les enfants sont déchaînés, et il baisse son bandeau au moment où la porte s’ouvre. C’est la serveuse qui sort, il la reconnaîtrait entre mille à force de voir le sommet de sa tête passer dans le bar d’une table à une autre. Celle qui a donné les fruits pour Salomé, celle qui semble avoir bien meilleur oeil que lui pour cerner les gens. Un oeil plissé, le joint retrouve ses lèvres alors que le bandeau encore attaché dans son cou couvre la cicatrice faite par la corde, qu’il ne cherche plus vraiment à cacher maintenant qu’il est passé à autre chose, à pire et à meilleur à la fois.

“ - Hey, princesse, déesse, t’aurais pas un truc à boire pour les gamins ?” Demande celui qui a perdu en faisant tomber sa lame par terre. Est-ce qu’il drague, ou est-il simplement bourré. “ Ils crèvent de chaud la langue pendue, regarde les, ils vont bientôt nous faire pitié !”

RP archivé suite au changement de personnage d'Olga.