L'avoir foutu comme chasseur, mais quelle idée saugrenue ! Vance n'est peut-être pas aussi intelligent qu'il semble le croire et vouloir le faire croire. Dans le fond, il aime ce statut quasi privilégié. Parce qu'il a pas mal de droits que d'autres n'ont pas... Et il n'en profite pas parce que, finalement, c'est agréable d'être dans un endroit comme celui-là. Il y a du monde, de nouvelles personnes à rencontrer... Il y a aussi un toit sous lequel dormir, et de la bouffe à se mettre dans le ventre. Enfin, ceci dépend - en partie - de ses parties de chasse. Le mieux, c'est quand il trouve de gros animaux. Les petits, ça passe aussi... Mais c'est loin d'être suffisant. C'est qu'ils sont nombreux, à Ellia, quand même ! Et Dwight n'est pas né pour la chasse. C'était une mauvaise personne, avant. Même lui n'ira pas prétendre le contraire. D'une certaine façon, on peut dire qu'il lui est arrivé de chasser... Des êtres humains. Qui ne payaient pas leur drogue ou qui en avaient volé une grande quantité à la "famille". Alors il s'en tire plutôt bien. Et surtout, il sait comment manipuler une arme et se la jouer discret. Alors, forcément, cela aide bien. Ils ont de la chance, quand même, que ses intentions ne soient pas mauvaises. Qu'il se plaise suffisamment à Ellia pour ne pas vouloir tirer partie des quelques avantages qu'on a osés lui accorder. Le pire qu'il pourrait faire, c'est glisser un raton laveur qu'il vient de tuer dans sa poche pour en profiter seul et, à la limite, le partager avec une ou deux personnes triées sur le volet. Mais comme il n'est pas vraiment ami avec qui que ce soit... Ce serait surtout par égoïsme, voyez-vous. Encore qu'il ne se l'est pas encore permis. Un jour, peut-être. Quand il sera totalement en confiance et prêt à braver de tels interdits. Cela ne fait, après tout, que quelques semaines qu'il est là. Quelques petits mois tout au plus.

N'empêche qu'on lui a vite remis une arme entre les mains, et que Dwight se sent revivre chaque fois qu'il peut sortir un peu. Seul de préférence. Pour la chasse, il prétend que c'est le mieux histoire qu'on lui fiche la paix et qu'on n'essaye pas de lui mettre dans les pattes un emmerdeur de première. Genre un petit apprenti qui aimerait apprendre à chasser vous voyez ? Encore faut-il que Dwight apprenne, lui, quelques rudiments et on verra hein... Pour l'instant, il se débrouille seul. Et avec une arme à feu par mesure de précaution, mais en général juste avec un couteau qu'il peut lancer et qui ne soit pas trop lourd. Le mieux reste quand même de pouvoir utiliser son arme à feu, histoire de ne pas laisser le temps à une potentielle proie de s'enfuir. Et comme aujourd'hui on lui a enfin filé un silencieux - qu'ils ont dû trouver lors d'une sortie -, Dwight a bien l'intention d'en profiter. Il n'a eu droit qu'à un chargeur plein, mais ce sera tout à fait suffisant. Pas à pas, voilà vingt minutes qu'il avance dans la forêt. Il ne reste pas très loin d'Ellia, voulant pouvoir rentrer vite et bien si nécessaire. Par ici, il y a pas mal d'écureuils et il lui semble même avoir déjà vu une biche. Laquelle il n'est pas parvenu à ramener... Peut-être que ce sera différent aujourd'hui. En veillant, lui, à ne pas faire le moindre bruit, Dwight tend l'oreille et perçoit quelques craquements de branches. C'est discret, à peine audible et le jeune homme devine rapidement qu'il ne s'agit pas d'un animal sauvage. Sinon, il ferait beaucoup plus de bruit... Parce que peu soucieux de ce qui se passe autour de lui. Là, c'est quelque chose de conscient. D'intelligent, même. Dwight fait un pas un chouïa moins discret que les autres sur le côté, et lève son arme. Il la pointe en direction de la provenance du bruit et constate rapidement qu'il avait raison : c'est une silhouette humaine qui se tient à quelques pas de là. Féminine, même. Qui, sur le moment, lui semble familière mais il n'y prête pas plus attention que cela. Il a surtout besoin de comprendre ce dont il s'agit, si c'est quelqu'un d'Ellia ou pas. Alors, d'une voix grave mais calme comme il en a l'habitude, il lance : « Tourne-toi. Doucement. Et les mains sur le côté. » Ce n'est pas le moment de prendre de risque... Mais quoi qu'il arrive, Dwight risque de tomber de haut. C'est juste qu'il ne le sait pas encore.

Cette femme, Dwight l'a dans son viseur et il n'a pas l'intention de l'en déloger de sitôt. Pas fou pour un sou, il veut d'abord la faire se tourner dans sa direction et prendre le temps de s'assurer qu'elle n'est pas armée. Pour ce faire, il lui demande de pivoter sur ses talons afin de lui faire face. Mais aussi, bien sûr, de mettre ses mains bien en évidence, juste histoire qu'il ne se fasse pas avoir comme un bleu alors que c'est lui, à cet instant, qui a le "pouvoir". Ce n'est pas un bleu, Dwight, justement. Loin de là. Il est plein de jugeote et de bon sens, et ce n'est certainement pas aujourd'hui que cela va changer. Evidemment, la jeune femme lui demande de ne pas tirer. Dwight ne lui répond pas, et il fait bien... Parce qu'il a besoin d'entendre la suite pour se détendre sensiblement. C'est discret, lui-même ne le ressent qu'à peine. Mais un soupçon de soulagement le gagne. Peut-être que, après tout, il n'aura pas besoin de l'utiliser, cette arme à feu. Pas avec cet être vivant en tout cas. « J'attends de voir... Mais d'abord, retournez-vous », ajoute-t-il d'une voix un peu radoucie. Toujours pas complètement rassuré, mais au moins déterminé à faire de son mieux pour ne pas avoir à tirer. Ce serait l'idéal, quand même. Si près d'Ellia, Dwight n'a pas envie de tuer quelqu'un qui, potentiellement, fait partie de la petite ville. Après tout, qu'en sait-il ? Il n'a aucune information la concernant, si ce n'est celle qu'elle s'apprête à lui faire face... Et que Dwight sent son myocarde s'accélérer. L’appréhension. On a beau être le pire des enfoirés, un tueur aguerri qui a déjà éteint une vite plus d'une fois, il y a toujours ce petit instant où on a l'impression de chavirer. Ce n'est jamais agréable, de tuer quelqu'un. Pas pour quelqu'un d'un tant soit peu sain d'esprit. Et Dwight peut se vanter de faire partie de ces personnes-là, il n'a jamais été diagnostiqué d'une maladie psychique quelconque, juste d'un gros penchant pour l'argent. Et peut-être surtout pour l'argent facile, il semble important de le préciser. Enfin, la jeune femme qui s'est redressée se tourne et Dwight peut voir son visage. Quel n'est pas son étonnement, lorsque ses yeux rencontrent ceux, bien connus, de... « Maggie », lâche-t-il dans un souffle qu'il aurait eu bien du mal à contenir. Fallait que ça sorte. L'étonnement est de mise, bien sûr. La surprise. Et aussi vite que son cœur semblait s'être accéléré, c'est comme s'il s'arrêtait un bref instant avant de reprendre un rythme effréné et loin d'être normal. C'est bien Maggie qui se tient là devant lui.

Le temps que l'information monte à son cerveau, et puis il l'observe plus en détails, avec précision. Son visage est toujours le même. Sa silhouette un peu plus fine peut-être, et ses traits nettement plus tirés. Elle est encore assez loin de lui alors Dwight n'a pas accès à tous les détails de son visage mais ce qu'il voit lui suffit déjà pour en être sûr : elle va bien. Vraiment. Elle n'est pas un de ces rôdeurs - en même temps elle n'aurait pas parlé si tel avait été le cas -, et elle semble plutôt en forme. Ce n'est pas qu'elle est plus réactive et que lui l'est moins, c'est que leurs réactions sont très différentes. Quand elle semble passer par des milliers d'émotions différentes, Dwight, lui, en reste au même point : la stupeur. Une stupeur vive qui le fige sur place et l'empêche de prononcer un seul mot supplémentaire. Elle domine tout, l'empêchant de dire ou de faire. L'empêchant même de penser au pourquoi du comment elle est là, au pourquoi du comment ils se retrouvent après tant de temps et encore moins à ce qui les a menés à être séparés depuis encore bien plus longtemps que l'apocalypse. Une chose est sûre : elle est la première à réagir, à se mettre en mouvement. Dwight n'a même pas encore baissé son arme lorsqu'elle s'approche de lui. Il ne le fait qu'une fois qu'elle est collée à lui, ses bras l'entourant et sa réaction chargée d'émotions ne laissant pas de place au choix du côté de Dwight. Non, il ne peut pas prendre de décision concernant cette approche... Si ce n'est garder son arme dans sa main - en ôtant toutefois le doigt de la gâchette par réflexe - et, à son tour, enrouler ses bras autour d'elle. Ouais, sa première réaction est celle-là. Alors qu'il devrait la jeter, la repousser, jouer les durs, la traiter de tous les noms, peut-être même pointer de nouveau cette arme dans sa direction et la menacer... Il n'en est rien. Sans doute que ses émotions à lui, nettement plus discrètes comme toujours, sont bien là mais terrées sous une couche et demie de maîtrise. Le contrôle, toujours. De sa face, de ses expressions, de tout. Alors il met ses bras autour d'elle mais ne la serre pas. Ne cherche pas à le tenir au plus près de lui, juste à... La maintenir dans cette étreinte un chouïa bizarre. Il n'en a plus l'habitude. N'en a jamais eu l'habitude. En revanche, il est doué de parole, et plutôt bon pour maîtriser ses mots. Alors il va répliquer, bien sûr qu'il va répliquer. Mais d'abord, elle s'écarte de lui. « De même », lâche-t-il en se fustigeant mentalement de manière quasi automatique. Ce n'est pas brillant, pas brillant du tout... Il se pensait capable de mieux. « Ma sale trogne, hein ? », ajoute-t-il finalement avant de laisser retomber ses bras mollement le long de son corps. Il se redresse, relève les épaules. Digne. « T'es du genre à te balader désarmée et à découvert comme ça toi, maintenant ? Je pensais que l'apocalypse endurcissait, pas l'inverse. » Piquant. Vif. Comme pour se protéger de ce trop-plein d'émotions qu'il n'exprime pas mais qu'il sent bel et bien présent là, quelque part dans sa poitrine. Ridicule. Il est pourtant sérieux et pense chacun de ses mots : son expression fermée en attestera.

Dwight est partagé, embrouillé par un maelström d'émotions qu'il est lui-même bien en peine de contrôler. Venant d'une personne comme lui, avouez que c'est surprenant. Mais on ne peut pas dire qu'il ait déjà, par le passé, été confronté à une situation comme celle-là. Il ne s'était pas préparé à se retrouver nez à nez avec Maggie. N'aurait même pas pu le prédire même s'il avait su qu'elle était toujours en vie deux-trois semaines après le début de l'épidémie. Elle a tenu bien plus longtemps que cela et, dans le fond, cela n'est pas si surprenant. Elle est, après tout, une femme pleine de ressources. Elle n'a pas été flic des années durant sans raison. Aujourd'hui, c'est comme si les compteurs étaient remis à zéro : il n'est plus dealer, et elle n'est plus flic. Ils sont tous les deux des survivants purs et durs. Rien que cela. Les années passées à errer ont ôté pas mal de choses de ce qu'ils étaient autrefois. Et, surtout, Maggie n'a plus le pouvoir de le détruire comme elle aurait pu le faire d'un claquement de doigts, il y a si longtemps. Pour autant, Dwight n'oublie pas qui elle est. Et encore moins ce qu'elle a fait, ce qu'elle lui a fait. « Une nonne ne garde pas les cuisses fermées autant que tu le penses », réplique-t-il sobrement, sur un ton qui ne prête pas réellement à la réplique mais, surtout, qui ne montre rien du trouble qui le secoue en réalité depuis qu'il a posé les yeux sur elle. A présent qu'elle s'est éloignée, il peut respirer un peu plus librement malgré tout, et ne la tient plus en joue parce qu'il n'a aucune intention de la tuer. Ce serait bête de sa part. En revanche, il n'a pas l'intention de passer à côté de toutes les opportunités qui se présente à lui pour se foutre de sa gueule et essayer de gagner des points, de prendre de l'avance dans les joutes verbales qui décrivent si bien leur relation. Si on peut ce qu'ils ont un jour pu avoir de "relation". Ne demandez pas à Dwight, la réponse serait négative et il vous foutrait en plus son poing dans la gueule.

A la réponse de Maggie, Dwight fronce les sourcils avant de baisser la tête pour regarder en direction de ce qui est son arme, donc. Elle n'a pas été assez rapide pour la dégainer et, à vrai dire, il ne lui en a pas laissé le temps. Un petit sourire en coin étire les lèvres de Dwight, lorsqu'il relève le visage dans sa direction. Mais n'allez pas croire que c'est contre son gré, Dwight ne sourit que lorsqu'il en a réellement envie. Là, c'est le cas. Parce qu'il n'a pas envie de lui répondre et de la taquiner une fois de plus - pas encore tout du moins -. Et il fait bien, parce que la suite ne tarde pas. « C'est mon passe-temps favori, je croyais que tu le savais », dit-il à moitié sur le ton de la plaisanterie, et à moitié sur celui d'un sérieux plat. Maggie reconnaîtra l'ironie dans sa voix, elle le connaît normalement suffisamment pour cela. Quoi que... C'était il y a si longtemps de ça, qu'elle a dû tout oublier. Et surtout qu'il a aussi bien changé. « Gardien, moi ? Tu veux rire ? J'aurais refusé net et préféré une place à l'ombre. » S'il prend le ton de la plaisanterie, Dwight pense chacun des mots qu'il prononce. Lui, gardien... Quelle idée saugrenue ! « J'ai été nommé chasseur figure-toi ! » Et ouais, qui l'eût cru ! Certainement pas lui en tout cas. Il n'a jamais eu la moindre expérience dans le domaine... A moins que poursuivre des drogués essayant d'arnaquer un de ses sbires peut être considéré comme de la chasse... A moitié perdu dans ses élucubrations, Dwight doit en sortir soudainement lorsque la voix de Maggie se fait de nouveau entendre. Il re-plonge ses yeux dans les siens, les étudiant attentivement et notant, sur eux, un truc bizarre mais indéchiffrable. « Tu... Poses beaucoup trop de questions d'un coup, je trouve. » Que lui dire ? Expliquer en détails sa sortie de prison ? Expliquer comment il a fait pour survivre, où il est allé et avec qui il a traîné des années durant ou des mois pour certains avant qu'il ne s'en lasse ? « Commence par une seule question et on verra si j'estime que la réponse en vaut la peine. » A son tour de croiser ses bras sur son torse, son arme toujours dans sa main mais déchargée. C'est sans risque. Pour lui. Pour Maggie, rien ne dit que cela l'est totalement. Après tout, qui dit qu'il n'a pas encore en travers de la gorge qu'elle l'ait laissé moisir en prison ? « Mais, pour info, je trouve que tu aurais dû te douter que je survivrais et trouverais un moyen de sortir de là. » Tout comme il aurait sans doute dû se douter qu'elle s'en sortirait. Elle est maligne, Maggie. Et forte. Mais non, ne te laisse pas amadouer par se yeux clairs et ce côté femme forte qui vit pour et par elle, Dwight.

La surprise est de mise, bien sûr, mais Dwight semble désormais passé au-dessus. A moins que ce ne soit qu'une illusion, une de celle dont il a le secret et qu'il est très compliqué de percer. C'est un homme étrange, Dwight. Un homme qu'on pense parfois saisir, cerner, et que l'on se rend très vite compte qu'il nous a échappé. Parce qu'il souffle le chaud et le froid, le tendre et la violence. On ne sait jamais, en somme. Pour l'instant, il semble plutôt détendu et en capacité de contrôler ses réactions. Il a mis de côté l'étonnement de la retrouver là, la joie de la savoir vivante... Et il plaisante avec elle. Parce qu'elle le fait aussi, parce qu'elle est capable de passer outre les apparences qu'il se donne. « J'y réfléchirai », fait-il mine de préciser alors qu'il n'en sera rien : lui, porter la moustache ? Plutôt mourir ! La barbe à la limite, mais la moustache ? Non, pas son style. Quoi qu'il dit ça mais il ne sait pas de quoi demain est fait. Ne jamais dire jamais, paraît-il. Ne pensait-il pas, après tout, qu'il ne reverrait pas Maggie ? Pourtant, elle se tient bien là devant lui. Elle plaisante, elle le taquine. Sans jamais franchir la ligne, elle a toujours été douée pour ne pas le faire. A croire qu'elle le connaît mieux qu'il veut bien le croire et l'accepter. Elle sait qu'il peut parfois être instable et sanguin... Dans le contrôle, pourtant, mais ce n'est qu'une apparence : la personne sombre qui sommeille en lui n'est jamais bien loin. Et s'il est en capacité de la surpasser et l'empêcher de trop s'exprimer la plupart du temps, il est arrivé plus d'une fois qu'elle s'exprime. Il est comme ça. Et elle le sait. Alors quand il plante ses yeux surmontés de deux lignes de poils haussés, il sait qu'elle saura. Qu'il ne rebondit volontairement par sur ses paroles. Que tout ça lui passe au-dessus et qu'il ne trouve pas de quoi répliquer parce qu'il n'a pas envie de chercher. Tout simplement. « Qui sait ? » Question purement rhétorique et elle saura. Comme le reste.

Les explications surviennent. D'un côté, puis de l'autre. Dwight lui dit qu'elle aurait pu deviner qu'il survivrait. Il n'est pas homme à se laisser tuer si facilement. Et elle n'est pas femme à abandonner rapidement... Alors elle est venue chercher dans la prison, sans l'avoir trouvé. OK, il ne s'y attendait pas à celle-là. Déstabilisé une micro-seconde, ça ne dure jamais bien longtemps avec lui. Et puis il enchaîne, ou plutôt rebondit sur ce qu'elle vient de dire. En faisant mine de rien, foutue habitude qui lui colle à la peau. « Qui a dit que j'avais eu besoin des gardiens de prison ? Ils n'étaient pas assez fous pour nous laisser sortir quand ça a commencé à partir en couilles. » Faut bien qu'elle le sache, quand même. Qu'il s'est débrouillé par lui-même et que ces enfoirés de lâches étaient déjà loin, pour la plupart, quand le virus a commencé à se répandre dans la prison et que certains se sont transformés. Dwight n'a pu compter que sur lui-même. Comme toujours. A une époque, pourtant, il lui arrivait régulièrement de placer sa confiance en cette femme qui lui fait désormais face. Qui parle de sa sortie de la prison comme s'il était normal qu'il y soit, de base. La première question de Maggie balaye toutes les interrogations qui commencent à l'envahir et c'est sans doute mieux comme ça. Pour elle comme pour lui. Très vite, une autre plaisanterie survient et Dwight sourit légèrement. Décidément, elle ne peut pas s'en empêcher. « Non, je n'ai pas l'intention d'utiliser cette arme aujourd'hui. Pas contre toi, en tout cas. » Contre des animaux de toute sorte peut-être, mais il ne va pas s'en prendre à Maggie qui, de toute évidence, vient d'Ellia. Il n'est pas encore complètement con. Et, dans le fond, il sait qu'il n'en serait pas capable. Quoi que... Il n'est pas toujours sûr de savoir lui-même ce dont il est capable. « Pour te répondre, je n'ai pas été dans beaucoup de groupes. Aucun qui se soit installé où que ce soit en tout cas. Et non, pas de nonnes à l'horizon. J'aurais bien aimé mais je n'ai pas pensé à tenter les couvents... J'aurais peut-être dû tu me diras... » Après tout, personne n'a dû penser à aller là-bas - hormis les personnes impliquées religieusement peut-être, ce qui n'est pas son cas de toute évidence -. « Et toi, t'étais où ? A Ellia depuis longtemps ? » Il est curieux, lui aussi. Et il a besoin de comprendre comment ils ont fait pour ne se croiser qu'ici. Qu'aujourd'hui.

Dwight est étonné, parce que Maggie l'est aussi. Mais ils sont dans cet état pour des raisons très différentes : Maggie ne comprend pas comment il a fait pour sortir de prison et Dwight, lui, ne comprend pas comment elle fait pour ne pas comprendre. Vous voyez un peu la complexité du truc ? En tout cas, cela n'empêche pas l'ancien taulard de sourire, fier de lui. Fier de pouvoir -enfin- raconter cette évasion. Enfin, il n'entre pas réellement dans le détail mais uniquement parce qu'il ne sait pas -encore- sur quel pied danser avec elle. Il hésite. Mais se lance rien qu'un peu. « Bah oui je me suis débrouillé. Il y avait peu de prisonniers encore en vue quand j'ai réussi à sortir de ma cellule. » A-t-elle réellement besoin de savoir ce qu'il a fait pour se tirer de là ? Non, parce que cela signifierait aussi lui raconter sa réaction quand son voisin de cellule s'est transformé. Autant dire qu'il préfère garder ce genre d'infos pour lui. Au moins une chose sur laquelle Dwight n'a aucune hésitation : c'est la fierté qu'il arbore désormais. Il pourrait presque bomber le torse et lever la tête, tiens. Mais Maggie lui dit être impressionnée, et il n'a aucune envie d'entrer dans les faux-semblants et de faire comme si cela ne l'atteignait pas. Il apprécie entendre ce genre de mots, et ne s'en cache pas. Mais il n'oublie pas qui elle est, ni ce qu'elle a pu lui faire - ou ne pas lui faire d'ailleurs - par le passé. « Enfin... Elle est sûrement loin cette biche », fait-il remarquer en l'observant toujours du coin de l'oeil. Il la rejoindre bouger, épie chacun de ses gestes et observe les traits de son visage. Qui bougent, s'animent au gré de leur discussion, au fil des paroles échangées. Et son sourire à lui peine à le quitter. Il le regrettera plus tard, quand il sera seul et pourra songer librement à cette discussion qu'ils viennent d'avoir. Il s'en voudra de n'avoir pas su imposer plus de distance entre eux, sans doute. Mais c'est plus fort que lui et là, tout de suite, il n'a pas très envie d'y penser. Il se laisser porter par le vent, voilà tout. « Le cow-boy solitaire, j'aime la comparaison. » Cela lui va plutôt bien, avouez-le.

Le sujet Ellia est brûlant car d'actualité. Visiblement, Dwight n'est pas le seul à s'interroger sur le sujet. A vouloir savoir depuis combien de temps Maggie est là. Indirectement, il y a aussi toutes les questions qui tournent autour de sa vision des choses, de ce qu'elle pense de Vance et de comment elle sent ce village pour la suite. « Non je ne suis pas là depuis très longtemps. Et effectivement tout est très... Différent ici. Mais on s'y fait je crois », explique-t-il avant de hausser les épaules, l'air de dédramatiser l'ensemble de cette discussion. Peut-être bien qu'ils pourront s'y pencher plus longuement par la suite. Mais pour l'instant, Dwight attend une réponse de la jeune femme. Qui finit par arriver, auréolée de doutes et d'interrogations sur les réelles intentions de Dwight. Celui-ci hausse les sourcils dès qu'elle a ouvert la bouche, mais il ne l'interrompt pas. Non, il attend de savoir ce qu'elle a à lui dire, et d'en savoir plus sur ce qu'elle a fait au cours des dernières mois. Dernières années en réalité. Une fois qu'elle a terminé son petit discours, Dwight conserve le silence et se contente de la fixer. Cela dure un sacré bout de temps, sans mentir. Mais il l'observe avec la curiosité de celui qui réfléchit en réalité à ce qu'il convient de dire. C'est le cas. Bien qu'il ne soit pas non plus dans la perspective de choisir soigneusement ses mots. Pas avec elle. Pas alors qu'elle le connaît si bien - ce qu'il pourrait regretter s'il y réfléchissait deux secondes -. « Je n'ai jamais dit que ça m'intéressait... Mais cela ne veut pas pour autant dire que je me fous de toi. » Vous n'y comprenez rien ? Normal, c'est le but. « Je connais l'Angels Camp de nom, effectivement. Je ne savais pas que tout était parti en vrille là-bas aussi. » Mais cela ne l'étonne pas, et Maggie le lira très certainement sur son visage. « Ce qui ne me fait que dire qu'il y a des chances pour qu'il en aille de même ici à un moment ou un autre. » Légèrement fataliste, mais surtout réaliste le Dwight. Il n'a pas envie d'être pris au piège, voilà tout. « Et j'imagine qu'ils t'ont donné un poste à la hauteur de ce que tu étais autrefois ? » Là, par contre, il se fout d'elle. Clairement. Mais cela a toujours été un sujet de désaccord - si tant est que l'on puisse le qualifier ainsi - entre eux.