Installé confortablement au volant d’un petit bijou dont il rêvait d’en posséder un identique depuis l’enfance, Zéphyr se concentrait sur la route qui défilait devant lui. Il avalait les kilomètres bercé par le ronronnement caractéristique de la Chevrolet corvette stingray 69. Un bras accoudé à la fenêtre dont la main était venue se perdre sur le menton du gaillard, sa jumelle tenant le volant avec douceur, l’ancien taulard décortiquait les derniers jours en solitaire qu’il avait passé.

Combien de temps s’était écoulé depuis que Toni avait disparu de son horizon ? Combien de temps avait-il erré avant de se décider à continuer à avancer seul ? Zéphyr ne le savait plus. La notion de ce temps avait disparu lorsque le chaos avait ouvert sa gueule pour répandre son engeance. Désormais, la seule chose dont il était certain c’était que chaque matin, lorsqu’il voyait encore le soleil se lever quand il ouvrait les yeux c’était signe qu’il était en vie… encore ! Mais tout pouvait s’arrêter comme ça, en un claquement de doigts. Ça il l’avait bien compris. Pas besoin d’avoir fait une haute école pour comprendre que la mort répandait son souffle putride sur la terre et qu’il fallait avoir du cran pour lui résister. Heureusement, Zéphyr était de ceux qui, comme le chiendent, résiste à tout et à rien. Il n’avait pas enduré les coups et les bassesses en prison pour crever comme un animal à la première occasion. Non c’était trop petit comme idée. Lui il mourrait en bousillant un maximum de saloperies, ça il se l’était promis.

Reprenant le fil de ses pensées, il ne faisait plus gaffe à la route quand le visage de Toni vint danser devant ses yeux. Il se demandait si elle, de son côté, avait réussi à survivre, si elle avait eu assez de tripes pour se battre et continuer le chemin parce que la poulette n’était pas des plus robustes. Toutefois, elle avait de l’énergie à revendre et une sacrée revanche à prendre sur la vie qui ne l’avait pas épargnée. Et depuis qu’il l’avait rencontré, même si au début il aurait bien aimé qu’elle foute le camp de son horizon, il devait admettre qu’elle avait fait du chemin. Elle avait appris à mettre des coups, à se battre, à ne pas baisser les bras quoi qu’il lui en coûte… Zéphyr était assez fier de ce qu’elle avait appris. Peut-être était-ce pour cela qu’elle lui manquait, lui qui n’admettait pas cet état de fait, lui qui ne voulait surtout pas s’attacher et encore moins à une femme et en dépendre. Non, lui il voulait juste l’aider…

*Mais oui c’est ça mon pote…. Mens-toi à toi-même pendant qu’on y est ! Tu délires Zéphyr, franchement. Tu ne vois pas qu’elle te manque… réellement et qu’il va bien falloir que tu t’y fasses. Elle a du chien cette fille et quoi que tu fasses, il faut que tu la retrouves !*

- Ta gueule ! lâcha Zéphyr à sa conscience qui venait le titiller allégrement depuis quelques temps. Et ne faisant pas gaffe à la route, ce fut le bruit sourd et le choc avec le parechoc qui l’avertit qu’il venait de percuter quelque chose ou quelqu’un. Stoppant rapidement l’animal mécanique qui le transportait, il donnait un grand coup de poing dans le volant.

- Fait chier, fait chier, fait chier !

Voilà, ça c’était dit mais encore ? Le regard que Zéphyr lança dans son rétro lui permit de s’assurer que rien ne bougeait encore autour du véhicule et d’un geste rageur, il ouvrit la portière pour en sortir afin d’aller voir si n’était pas une personne encore en vie qu’il avait fauché. Mais le grognement caractéristique des zombies se fit entendre et là… la rage qui montait en lui l’obligea à se pencher dans l’habitacle de la corvette, y saisir la barre à mine qu’il avait trouvé sur un chantier quelques jours plus tôt et prenant son élan, il vint fracasser le reste du crâne de ce qui fut un humain.

- Va crever dans ton coin saloperie de puanteur !

Et Zéphyr s’acharna jusqu’à ne plus en pouvoir. Se redressant, il s’essuya le front du revers de la main avant de prendre la direction de sa voiture, en ouvrit le coffre, saisit un nouveau sweet-shirt et se changea. Hors de question pour lui de monter dans l’habitacle couvert de cette répugnance. Il en profita pour nettoyer son arme et la replaça sur le siège à ses côtés avant d’aller jeter un coup d’œil à l’avant de la voiture. Heureusement le choc n’avait pas été trop violent et la voiture n’avait qu’une bosse… une bosse sur un véhicule de cette classe. Pour un peu, Zéphyr en aurait eu un haut de cœur mais il respira profondément avant d’aller se placer derrière le volant. Heureusement, le zombie qu’il venait d’achever était un solitaire aussi, appuya-t-il rapidement sur l’accélérateur pour redémarrer. Les kilomètres recommencèrent à défiler avant qu’il ne se rende compte que le soir descendait doucement. Levant le pied, il admira l’horizon qui se parait de couleurs chatoyantes avant d’apercevoir, se découpant dans la lueur rougeâtre du soleil, une silhouette qui faisait de grands signes. Instinctivement, il ralentit encore jusqu’à ce que la Corvette se stabilise mais ne sortit pas pour autant du véhicule. Sa main venait de saisir sa barre à mine et il attendait. Combien de voyageurs solitaires s’étaient-ils fait prendre à ce subterfuge de la jeune femme isolée ? Méfiant par nature, il mit la capuche de son sweet-shirt sur sa tête ceci afin d’éviter les projections de verres de la vitre latérale qu’il venait de remonter. Restant dans l’ombre de l’habitacle, faisant vrombir le moteur, près à démarrer si on venait l’attaquer par surprise.

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