Nous avions marché de longues heures à la recherche de nourriture, d’un rien qui pourrait nous donner un brin de force pour continuer encore et toujours nos explorations. Nous avions une voiture certes, mais parfois certains chemins étaient bien trop abîmés ou tout simplement bloqués pour que nous puissions y accéder alors on se retrouvait à pieds, à marcher jusqu’à ce qu’on finisse par se sentir épuisés. On avait fini par se trouver une cabane, rien de bien luxueux évidemment même si au fond je m’en foutais, ce n’était pas moi qui avais pris l’habitude de fréquenter les hôtels de luxe lors de tournées mondiales. Je l’avais d’ailleurs charrié à propos de ça, une fois de plus, comme je le faisais tout le temps. C’était presque instinctif pour moi de me moquer de lui et je ne pouvais m’en empêcher, en même temps c’était facile, il ne m’envoyait jamais réellement balader, même si je me doutais bien que parfois ça pouvait sincèrement le faire chier. On avait fini donc dans ce trou à rat humide mais nous n’avions plus véritablement le choix. Une fois de plus notre chasse à la nourriture n’avait pas été une énorme réussite et la nuit commençait à tomber assez rapidement. Certes nous étions capables de nous défendre mais on avait pas véritablement d’envies suicidaires pour le moment.

Ma boîte de conserve terminée, je la jetais dans un coin de la cabane en soupirant bruyamment. J’en avais plus que marre de bouffer de la conserve, mais c’était mieux que rien. Et pourtant quoique je mangeais j’avais l’impression d’avoir éternellement faim, ce qui me tapait sur le système à un point incroyable. C’était sans doute pour ça que j’avais fini par aller me coucher dans mon coin, à quelques mètres de Tybalt et que j’avais fini par m’endormir presque instantanément. J’avais jamais eut de problème pour m’endormir quand j’étais jeune ,j’étais toujours une grosse dormeuse mais depuis l’épidémie, je ne dormais jamais entièrement, j’avais toujours une oreille attentive prête à me réveiller si j’entends le moindre grognement suspect. Ce n’était pas parce que nous nous étions en train de dormir tranquillement que les cadavres allaient faire de même ! En plein dans mon sommeil je sentais une main se poser sur mon épaule pour me secouer et évidemment le premier réflexe que j’eus fut d’attraper mon couteau que je gardais toujours près de moi et de me retourner brusquement vers celui qui osait perturber mon sommeil. J’arrêtais ma main armée en me rendant compte qu’il ne s’agissait que de Tybalt, merde mais quel idiot ! J’aurais pu lui exploser la cervelle à celui-là « Mais quel con ! » Grognais je en secourant brusquement l’épaule pour que sa main ne dégage de là. quelle idée avait-il eut de me réveiller en pleine nuit hein ? Il n’y avait pas de danger apparent et ce n’était pas comme si j’avais trop dormi ou quoi ! J’en avais besoin de ce sommeil. « Merde mais ça va pas ?! Quoi t’as fait un cauchemar et t’as peur de dormir ?! » J’étais généralement de mauvaise humeur le matin, mais comme il pouvait le voir maintenant c’était encore pire quand on me réveillait d’un sommeil réparateur et profond.  

Mais qu’est-ce qui lui avait pris àc et idiot de me réveiller de la sorte ? C’était pas comme si on avait souvent l’occasion de pouvoir se reposer sans qu’un putain de cadavre vienne nous réveiller, c’était vraiment pas le moment de raccourcir en plus nos nuits ! Bon d’accord, j’étais véritablement insupportable quand on me réveillait et là pour le coup il risquait de le sentir passer. « Tu me réveilles pour un putain de rêve à la con ?! » m’exclamais je en jetant presque rageusement mon couteau au sol. Monsieur fait un petit rêve de rien du tout et il me réveille, comme si j’en avais quelque chose à faire de ce dont il pouvait rêver ! Tout ce qui m’importait pour ma part en cet instant c’était pouvoir dormir et manger, et comme je n’avais plus vraiment de quoi manger, je préférais me reconcentrer sur l’autre option, sans compter que j’étais épuisée. Je poussais un long soupir, le problème c’est que maintenant j’étais réveillée, c’était bien trop tard pour me rendormir. Il me faudrait au moins deux heures et je n’étais même pas sûre que nous les avions devant nous. C’est pas comme si nous étions en vacances, bien loin de là, les grasses matinées n’existaient plus pour nous depuis bien longtemps et pourtant cela m’aurait fais du bien, déjà pour chasser les cernes que je devais avoir sous les yeux. Je passais une main dans mes cheveux en me redressant tout en l’entendant me dire que j’étais beaucoup plus sympa dans son rêve. Attends quoi ?! J’étais dans son rêve ? Je haussais un sourcil assez suspicieux, de quoi avait-il pu rêver celui là ? « Mais depuis quand tu rêves de moi toi ? » Je fronçais les sourcils cette fois-ci, trouvant ça quand même étrange. Et puis maintenant, il venait sincèrement de pincer ma curiosité.

Bon, de toute manière je n’allais pas dormir de sitôt maintenant qu’il m’avait parfaitement réveillé, je me redressais pour me retrouver en position assise, à l’indienne avant de planter mon regard dans le sien. Il avait d’ailleurs une manière étrange de me regarder depuis son réveil, cette façon de me fixer comme si il attendait que je fasse quelque chose alors que franchement… mise à part le gifler au début, j’avais vraiment eut aucune envie de faire le moindre geste. « Je peux savoir ce que c’était ton rêve ?! » Questionnais je quand même avec une sacrée méfiance, en même temps c’était un mec et vu l’état actuel de notre monde il ne devait pas avoir touché une nana depuis un sâcré bout de temps alors qu’il m’ait foutu dans l’un de ses rêves érotiques ne m’étonnerait pas mais franchement qu’il ne vienne pas me réveiller pour ça parce que sinon là pour le coup la gifle allait partir. « Oh peut-être que t’as rêvé que je te disais finalement que j’étais fan de tes musiques ? Parce que ça pour le coup, ça restera toujours un rêve. » Nouvelle pique, je ne pouvais pas m’en empêcher et en même temps depuis le temps qu’on faisait un bout de voyage ensemble il avait bien du voir que je n’étais pas la plus aimable au réveil.  

L’espace d’un instant je me demandais s’il n’avait pas trouvé un peu de cocaïne lors d’une de nos expéditions parce que là, il me semblait vraiment bizarre. Genre, plus que d’habitude en fait et puis c’était un chanteur, comme la plupart d’entre eux il ne devait pas être vierge en la matière. Bref, ce qui m’intéressait en fait pour l’instant c’était de savoir de quoi il avait rêvé, non pas que cela m’importait mais quand même, j’étais dans le rêve. « T’avance pas trop là dessus… » Soufflais je en haussant les épaules alors qu’il m’apprenait que même moi j’aurais aimé le rêve. Et depuis quand il pensait savoir ce que j’aimais ou pas au juste ? C’est pas comme si on avait de longues discussions sur nos goûts, à la limite ce qu’il savait c’est que je n’aimais pas sa musique parce que ça, je lui rappelais de nombreuses fois ! Assise en tailleur, je posais mes coudes sur mes cuisses et ma tête contre mes mains pour la soutenir, même si j’étais réveillée, j’étais quand même physiquement crevée et puisque visiblement nous étions partis pour une longue conversation -chose rare- autant se mettre en place. « Joue pas sur les mots, tu m’énerves. » Grognais je en levant les yeux au ciel. Il ne pouvait pas aller tout simplement droit au but ?

Finalement, son rêve devait être assez réaliste étant donné que même là il n’arrivait pas à me faire aimer sa musique. C’était pas ma faute, je n’avais juste pas du tout les mêmes goûts que lui en la matière. Bref, j’avais quand même envie de savoir ce que je pouvais bien faire dans son rêve et sa réponse me laissa un bon moment perplexe, un sourcil relevé en cherchant de comprendre la raison. Moi, tenter de le faire chanter de nouveau alors que ce que j’appréciais chez lui c’était qu’il ne se mette pas à me chanter ses tubes à la con à longueur de journée ? C’était vraiment étrange comme rêve. Et c’était quoi cette histoire de nouveau monde ? Et pourquoi NOTRE nouveau monde ? Genre notre monde à lui et moi ? Non là franchement, il venait de me perdre totalement et cela pouvait se lire clairement dans ma façon de le regarder. « Mais pourquoi je chercherais à faire que t’aille mieux au juste ? » Bon, depuis cette épidémie il fallait avouer que je n’étais pas prête à être nommée « fille avec le plus de tact » mais la question était sortie toute seule. « Tu veux pas m’expliquer clairement ? Parce que franchement je ne pige rien. » Soupirais je en passant une main dans mes cheveux. Et cette façon de me regarder avec autant d’intensité, c’était presque inquiétant ! Il était en train d’envisager de me bouffer ou quoi ? En tout cas c’était ce que son regard me faisait ressentir, ou bien je ne comprenais vraiment rien à ce qui se passait dans sa tête, ce qui était fort probable. « Il te plaisait tant que ça ton rêve ? » demandais je alors en entendant à son soupir qu’il aurait voulu y retourner. C’était quand même très bizarre.

C’était à se demander pourquoi on restait fourrés ensemble comme ça, après tout on ne s’appréciait pas forcément. Sans non plus en arriver à être des ennemis, disons qu’on était deux étrangers qui trainaient ensemble pour aller chercher de la nourriture. C’était assez bizarre en fait, même si jamais l’idée de partir définitivement et de le planter seul ne m’avait pas traversé l’esprit. J’aimais bien trop l’embêter pour ça ! « Pas trop longtemps quand même. » Rétorquais je avec une ironie évidente. Même si au fond j’étais un peu sérieuse dans mes paroles. Non pas que je ne supportais pas au sens propre de l’entendre parler plus de deux minutes, mais disons que si on commençait à se lancer dans une vraie discussion, on risquerait de finir à bien s’entendre et finalement peut-être même devenir amis, ce qui m’angoissait assez. Je n’étais pas du tout associable dans ma vie précédente mais depuis la perte de ma petite soeur je m’éloignais de tout contact trop humain. Perdre quelqu’un de proche faisait beaucoup trop mal pour que je ne fasse la connerie de recommencer.

Je haussais de nouveau les épaules à sa question, ne voyant vraiment pas ce que je pouvais faire dans son rêve, mise à part si c’était pour dégommer des zombies, là oui j’aurais ma place sans aucun doute. « J’en sais rien Tybalt, je sais pas ce qui peut bien se passer dans ta tête. » Répondais je d’un ton relativement calme. Non je n’étais pas non pus un doberman qui montrait toujours les crocs, je pouvais aussi savoir me montrer correcte parfois. Surtout que je voulais vraiment savoir ce que je pouvais faire dans son rêve et je savais que ce n’était pas en poussant un peu trop le bouchon que j’allais avoir mes réponses. La suite des explications de son rêve me laissa perplexe pour de nombreuses raisons. Déjà par le fait que nous avions finalement trouvé cette fameuse zone où tout le monde serait en sécurité alors que moi-même je n’espérais pas la trouver. Non pas que je ne voulais pas, mais je ne préférais pas me faire de faux espoirs et continuais d’avancer en me disant que si on tombait dessus, ce serait bien. Ensuite, par let ait qu’il n’utilisait que le mot « on » pour nous décrire alors que nous étions plutôt un « lui » et « moi » ou bien encore un « eux ». Enfin, pas un « on », pas quelque chose qui semblait unis. Je penchais légèrement ma tête sur le côté, me mettant à le fixer à mon tour avec attention. « Et dans cette fameuse zone tu vas me faire croire qu’on trainait encore ensemble alors qu’on pourrait avoir chacun la paix ? » Demandais je en préférant passer par une question détournée pour avoir le fin mot de cette histoire, bien que je commençais à soupçonner quelque chose, même si ça m’angoissait grandement. S’il avait osé imaginer quoique ce soit… Non. je fronçais de nouveau légèrement les sourcils en voyant son regard aller vers mon ventre pendant quelques secondes avant de revenir vers moi. « Et… On avait l’estomac bien rempli, c’est ça ? » Soufflais je avec un regard soupçonneux posé dans le sien. Son regard vers mon ventre m’avait interpellé et je lui laissais une chance de s’expliquer, une chance d’ailleurs qui ressemblait plus à une échappatoire qu’autre chose bien que la saisir serait stupide. « C’était qu’un rêve mon coco, retour à la réalité, on est toujours dans cette cabane pourrie, affamés et on est pas copains. »

Il devait avoir l’habitude que je lui envoie des vannes avec le temps, si bien que je n’étais pas certaine qu’au fond il continue de m’écouter. En même temps, c’était compréhensible mais cela ne me dérangeait pas, j’aimais bien le vanner, c’était amusant et à la fois très détendant. Il était un peu mon anti-stress même si je ne reconnaissais pas de manière officielle, Tybalt m’aidait quand même à rester vachement zen. « Ouais, mais ça détend. » Soufflais je en haussant simplement les épaules de haut en bas, bien plus intéressée par le rêve qu’il venait de faire plutôt que par ce qu’il pouvait penser actuellement de moi. D’ailleurs plus il me parlait de son rêve et plus je me rendais compte que je semblais avoir un rôle important dedans, sans réussir à mettre non plus le doigt sur ce rôle précisément. Une meilleure amie ? Je doutais que cela soit un jour réalisable, voilà sans doute pourquoi je me mis à sourire en levant les yeux au ciel tandis qu’il me disait que nous étions inséparables. « Carrément ? Et tu me dis que ça te semblait très réel ce rêve ? » me moquais je en secouant la tête de gauche à droite en soupirant doucement. Même s’il était vrai que nous passions beaucoup de temps ensemble -parce qu’il fallait l’avouer, nous étions un bon binôme pour les missions- ce n’était pas pour autant qu’on était très proches, on l’était même pas du tout à vrai dire. On se contentait de rester l’un à côté de l’autre en faisant ce qu’on avait à faire sans vraiment prendre le temps de parler comme on pouvait être en train de le faire maintenant.

A ses yeux sur on ventre, je n’avais pas pensé à autre chose qu’au fait qu’il devait il y avoir de la nourriture dedans dans son rêve. Ou alors c’était peut-être parce que moi même j’avais très envie qu’il y en ait, car le dernier bon repas que j’avais fait remontait à une éternité à mes yeux. Je ne comprenais pas pourquoi il se mit à éclater de rire comme un idiot, d’ailleurs en fait ça m’agaçait parce que là, il se foutait littéralement de ma gueule ! Je me contentais de froncer les sourcils à sa réponse, comme si je sentais bien qu’il me manquait un élément du puzzle pour comprendre totalement ce qu’il voulait dire. Ca m’énervait ça aussi qu’il ne me dise pas franchement les choses, je n’aimais pas vraiment les énigmes, encore moins quand je n’arrivais pas à trouver les réponses ! Même si son rêve semblait être beau à ses yeux, il ne fallait pas quand même qu’il reste trop ancré dedans, ne serait-ce que parce que le retour à la réalité risquait de lui faire très mal. Moi altruiste ? Je voulais surtout éviter qu’en se mettant à rêver il ne soit plus capable d’être sur ses garde si des rôdeurs étaient dans le coin oui ! De nouveau à sa phrase je fronçais les sourcils ,visiblement perdue. Inséparables mais pas amis, le ventre plein… Puis brusquement j’ouvrais grands les yeux. Il se foutait de moi là ?! On était ENSEMBLE dans son rêve ? Genre en couple ?! « Attends… T’as rêvé qu’on était en couple en fait ! Et en plus que j’étais enceinte ?! » Oui, j’avais finalement compris l’allusion au ventre, enfin ! En même temps c’était bien la dernière chose qui risquait de me venir en tête quand je me trouvais en face de Tybalt ! On était bien loin d’être un couple quand même. Et même si on était pas les meilleurs amis du monde, on se supportait quand même assez, au point que sa phrase suivante me fit hausser les sourcils d’étonnement. Il pensait que je le détestais, sincèrement ? Pourtant non, si c’était le cas je ne pourrais même pas rester près de lui, c’était certain. « Je ne te déteste pas Tybalt. » Répondais je alors tout simplement, encore étonnée.

J’aurais peut-être mieux fait de ne rien demander au sujet de son rêve car je commençais à voir qu’on parlait un peu trop. Non pas que je détestais parler, c’était juste que c’était comme ça qu’on commençait à apprendre des choses sur les gens et qu’on se mettait à les apprécier, et ça je préférais nettement éviter ! Dans le monde dans lequel nous vivions actuellement, la personne qu’on commençait apprécier finissait généralement entre les dents d’un cadavre en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire. Et après ça, on se retrouvait tout seul comme un con, un peu comme je m’étais retrouvée quand ma petite soeur avait été mordue. Je n’étais pas assez masochiste pour avoir envie de recommencer à vivre ça, et c’était pour ça que je préférais m’éloigner de tout le monde tout en restant consciente qu’il me fallait quand même un groupe pour survivre. Chose assez contradictoire d’ailleurs qui me donnait souvent du fil à retordre dans mes relations avec les autres membres, je me retrouvais pratiquement toujours à la place de celle dont on avait pas vraiment confiance à cause de son silence mais quand même temps on gardait car c’était un bon élément. Au fond il ne s’en rendait peut-être pas compte, mais Tybalt était celui avec qui je parlais le plus, si on prenait en compte toutes les horreurs que je pouvais lui balancer en pleine tête. « Ecoute, j’vais essayer d’être sympa et de te dire ça d’une manière agréable, mais merde bordel, on est pas dans un film Tybalt ! Faut que tu te réveilles, on fait tous des rêves à la con où tout va bien mais faut savoir qu’il y a toujours un moment où l’on revient à la réalité ! » Bon, j’avais pas forcément été très douce dans mes propos, mais il ne pouvait pas se laisser aller à penser à ce rêve et espérer qu’il devienne réalité, que tout aille mieux pour tout le monde car pour l’instant, on était toujours dans une belle merde. Je faisais ça pour lui quand même, c’était toujours mauvais de confondre rêve et réalité.

Enfin je comprenais ce qu’il me cachait depuis le début ! Le fait que dans son rêve, nous n’étions pas ennemis mais …En couple. Et il osait me dire que ce n’était pas bizarre ? Mais bien sûr que si ! S’il y avait bien une personne qui dans l’un de ses rêves n’avait pas la place de compagne, c’était bien moi ! « Oh que si ! C’est bien le truc le plus invraisemblable au monde ! Même avec un zombie ça aurait été plus réaliste ! » Tybalt et moi n’avions rien d’un couple en formation, ni même de deux personnes fricotant ensemble. Oh certes, si c’était dans un monde sans zombie et sans mon caractère devenu assez merdique, certainement que oui, j’aurais posé mon regard sur lui. A ma grande époque, j’aurais peut-être même sorti le grand jeu pour l’avoir. Disons qu’avant s’il était entré dans mon bar, l aurait eut le droit à des consommations gratuites. Il fallait se montrer franche, Tybalt n’était pas moche, bien au contraire, seulement je tentais de passer outre ce fait et de me concentrer sur ma survie, et cela passait par le fait de ne pas me rapprocher trop près de quelqu’un. D’ailleurs, à ces mots suivants je poussais un long soupir d’agacement en haussant les épaules. il voulait quoi au juste ? Qu’on devienne les meilleurs amis du monde ? « Oh parce que tu préfèrerais sans doute qu’on se mette à se raconter nos petites vies ? Puis oh pourquoi pas faire comme dans ton rêve et finir en couple avec un bébé en marche ? Et dis moi, dans ton putain de rêve, y’avait le moment où l’un de nous crève et que l’autre fini par rester seul et totalement paumé avec l’envie de se faire dévorer à son tour pour ne plus avoir mal ? Tu m’excuses, ce genre de conneries, je préfère les éviter. » Finalement, il savait maintenant.

Je n’arrivais pas du tout à comprendre ce nouveau Tybalt, c’était quoi tout à coup cet intérêt soudain pour la vie et cette envie de profiter de ce jour comme si c’était le dernier? Bientôt il allait me proposer d’aller vider une bouteille de vodka et de danser autour d’un feu ou quoi ? On ne pouvait pas se permettre de ce genre de bêtises alors que des millions de rôdeurs étaient dans notre pays ! Il avait perdu la boule peut-être ? Ou alors ce rêve bizarre lui avait vraiment tourné la tête au point qu’il ne savait même plus ce qui était important ou non. « A quoi ça sert ? A éviter de crever dans une heure justement ! Tu feras moins ton baba cool quand tu te retrouveras tout seul Tybalt. » Murmurais-je sobrement en poussant un long soupir. Je ne me souvenais que trop bien de la dernière fois dont je m’étais un peu laissée aller durant cette épidémie et cette erreur m’avait coûté ma petite soeur. Je fermais quelques secondes les yeux, pinçant l’arrête de mon nez alors que les images de cette soirée là me revenaient en tête brusquement. On avait ri un peu trop fort, euphoriques car j’avais réussi à trouver des bonbons pour notre dessert. Ce soir là on avait bien mangé, le meilleur repas depuis des jours et des jours et on avait eut envie de célébrer ça, et puis Becca avait ri trop fort, ce qui avait fini par attirer les zombies qui avaient mis fin à notre rêve à nous. Je rouvrais brusquement les yeux et poussait un nouveau soupir, ce n’était vraiment pas le moment de penser à ça. Pas avec Tybalt qui pétait les plombs en face de moi.

J’avais sincèrement du mal à voir où il voulait en venir avec son rêve. Quoi ? Il voulait qu’on se mette en couple parce que dans ses songes il nous avait vu ensemble et qu’il nous avait idéalisé ? Je devais être quand même sacrément différente que dans la réalité, parce qu’au fond, on serait déjà ensemble non ? Non, c’est vrai que je m’interdisais tout rapprochement alors c’était difficile. Il avait du rêver d’une Victoria différente, celle que j’étais dans le passé par exemple. Finalement ce fut à mon tour de craquer et de hausser la voix. Enfin lui ne s’était pas énervé, ça c’était mon truc, mais son raisonnement me faisait sortir de mes gonds, il n’était réellement pas responsable pour un sou ce soir et ça commençait à m’inquiéter ! Je n’avais pas besoin d’un bisounours à mes côtés, mais d’un combattants de zombies ! Finalement, je semblais même l’avoir vexé car il commença à me tourner le dos pour se rallonger. Sérieusement ? Il allait bouder en fait là, non ? C’était un truc de fille ça. « Non mais ! » Je poussais un long soupir, j’avais envie de lui répondre et en même temps, je ne me sentais pas la force d’engager une dispute, déjà parce que j’avais la capacité de gueuler vraiment fort quand j’étais énervée, et qu’en pleine forêt infestée de rôdeurs, ce n’était sûrement pas une bonne idée. Finalement je me coupais dans mon élan, haussant les épaules avec lassitude. « Vis dans ton rêve si t’en as envie, mais laisse la Victoria de l’époque tranquille, c’est tout ce que je te demande. » Oui, pour moi celle qu’il décrivait était plutôt celle que j’étais avant. A une époque je me serais réjouie de ce rêve si on avait été ensemble, mais là, je ne pouvais pas. Je ne voulais pas commencer à m’imaginer que je puisse apprécier quelqu’un et risquer de le perdre à nouveau. Force ou faiblesse j’ignorais ce que c’était.

Cette conversation commençait à me mettre presque mal à l’aise, enfin c’était surtout le changement radical de manière de penser de Tybalt qui m’inquiétait sérieusement. Est-ce qu’un rêve pouvait faire autant dé dégâts ? Dans ce cas là c’était quand même quelque chose d’assez extrême, car c’était un changement du tout au tout ! Si je ne prenais pas le temps de le connaître réellement je ne l’avais jamais vu débordant d’optimisme. Ainsi, le voir commencer à parler de profiter de la vie avant qu’elle ne s’arrête me dérangeait un peu, c’était tellement… Etrange ! Ce rêve bizarre m’intriguait vraiment de plus en plus et je regrettais presque de ne pas pouvoir le voir moi aussi ! On était vraiment bien dedans ? Non mais ! Voilà que je commençais à dérailler moi aussi dans ma tête, ce type commençait un peu à déteindre sur moi et ce n’était pas bon, vraiment pas ! « Connerie. » Grognais je alors pour couper court à la discussion, parce que là ça devenait vraiment trop dangereux pour moi. Au point que je commençais presque à avoir envie de savoir ce qu’il avait ressenti dans son rêve, ce bien être et cette sécurité dont il parlait… Etait-ce possible ? Mais non bon sang, ce n’était qu’un simple rêve ! Rien d’autre ! Rien qui ne devait nous faire oublier ce pour quoi nous étions là : Trouver de la nourriture, survivre.

Finalement ce fut lui qui me tourna le dos en premier, mettant fin définitivement à notre discussion ce qui n’était pas plus mal car je sentais bien que s’il continuait à me parler un peu trop de son songe, j’allais finir par craquer et me laisser embarquer moi aussi dans ses conneries et ça, c’était tout simplement hors de question ! Je le laissais me tourner le dos, restant un long moment assise en tailleur sur le sol, mes doits dessinant des ronds sur le sol poussiéreux de la cabane. J’étais encore très sceptique après cette conversation. Que penser de tout ça en fait ? Normalement rien, il aurait pu tout simplement se rendormir et se dire que ce n’était qu’un rêve mais il avait préféré partager ce qu’il venait de vivre avec moi. Pourquoi ? Avait-il sincèrement espéré retrouvé la Victoria de son rêve ? Et bien non, ce n’était pas possible car elle n’existait pas ou plutôt, elle n’existait plus désormais. Elle était bien enfouie loin au fond de moi. Finalement je me laissais tomber en arrière et fermais les yeux pour me rendormir bien que la nuit fut très courte à cause de ce réveil. Quand quelques heures plus tard notre groupe entier se mit en marche, j’attrapais mes affaires en vérifiant que je n’oubliais rien, la tête encore un peu dans le brouillard avant de me lever et de me mettre en marche dans la forêt, toujours au aguets. Je me demandais vaguement si Tybalt avait retrouvé la raison où s’il était encore dans son délire de la nuit avant de chasser cette question de mon esprit, après tout depuis quand j’avais besoin de m’en faire pour lui hein ? Connerie. Comme d’habitude je me plaçais en fin du « convoi », je préférais toujours rester en retrait de toute manière, ne supportant pas ces conversations futiles que pouvaient parfois avoir les autres. Et puis comme ça j’étais tranquille, personne pour me raconter son rêve !

Cette nuit avait été pénible, très pénible aussi bien physiquement que mentalement. Même si ce n’était pas moi qui l’avait eut, ce putain de rêve me trottait désormais en tête, bravo Tybalt ! Bon sang, ce type était un nid à ennuis et je ferais bien mieux de l’éviter, le plus possible. Encore plus encore que je pouvais déjà le faire maintenant. ce fut pourquoi quand tout le monde se réveilla, je préparais mes affaires et me mettais en fin de groupe. De toute manière il fallait bien quelqu’un pour être en dernier non ? Et valait sans doute mieux que ce soit moi car j’étais avec Tybalt et un autre, l’une des meilleures combattantes. Sans doute parce que je n’avais rien à perdre, voilà. Je me mettais donc à la fin, continuant de marcher sans vraiment chercher à savoir quel était le sujet de discussion général. Même si j’étais quand même vachement en retrait par rapport aux autres, lorsqu’ils s’agissait de sujets importants comme une excursion pour aller chercher de la nourriture ou de la direction à prendre, ils me faisaient quand même signe de venir vers eux, tout simplement parce que c’était souvent moi -accompagné de mon binôme de choc, Tybalt- qui finissait par me proposer pour partir en mission. C’était sans doute pour ça qu’ils me gardaient, parce que j’étais un bon élément et non pas parce que j’étais appréciée mais cela m’était totalement égal car au final, moi non plus je ne les appréciais pas vraiment. Bon sang, vu comme ça je me sentais comme un berger allemand.


Je ne cherchais même pas à savoir où était Tybalt, en fait j’avais presque la frousse qu’il débarque pour revenir me parler de son rêve idiot. Je préférais faire une croix sur ce qui c’était passé cette nuit et faire comme si il ne m’avait as du tout parlé de ces bêtises, mais c’était sans compter que lui ne semblait pas de cet avis. Une main sur mon épaule, mon réflexe fut le même qu’à chaque fois : dégainer et frapper sans même chercher à comprendre qui pouvait être derrière moi. Ceux qui me connaissaient savaient que c’était une très mauvaise idée et s’abstenaient de le faire, tandis que les autres étaient généralement des rôdeurs qui finissaient par mourir bien vite. Mais là ce fut différent, je me retrouvais contrée dans mon attaque par Tybalt, et l’espace d’un instant je haussais les sourcils de surprise. A quoi jouait-il bon sang ? Entre ça et le réveil de cette nuit, il avait envie de mourir ou bien? Enfin même si là, il avait réussi à parer mon attaque, sans doute parce qu’il me connaissait dans ma façon de me battre. Mais ce fut surtout ses mots qui me surprirent le plus… Il était carrément en train de me faire la morale ! Je le regardais, ébahie devant ce qu’il était en train de me dire et une nouvelle fois, j’étais choquée de ce changement radicale de penser. « Mais putain, à quoi tu joues ?! » Grognais je en faisant mine de n’avoir strictement rien à foutre de ce qu’il venait de me dire, alors qu’au fond c’était faux. Mais ça m’agaçait, ça m’énervait vraiment. Tout comme cette façon qu’il avait de vouloir me faire changer d’avis, de me forcer à nouer des liens. Quand il me relâcha, je laissais échapper un juron, réellement agacée par son geste. D’ailleurs, en fait j’étais totalement énervée, par ce que je sentais parfaitement mes poings se serrer, surtout que le reste du groupe était assez en avant quand même, bien loin de cette petite querelle stupide. Je le rattrapais rapidement l’attrapant par le bras pour le retourner sans aucune douceur vers moi, à deux doigts même de le frapper en fait. « Tu vas me foutre la paix oui ou merde ?! Parce que si tu crois que tu vas me faire la morale encore longtemps, tu te fourres le doigt dans l’oeil ! Oublie ces conneries ! Sinon j’te préviens j’me tire ! »

Il avait véritablement le don de m’exaspérer, don acquis depuis très peu de temps, en même pas quelques heures Tybalt était devenu une véritable tête de con. En plus sa cible c’était moi maintenant alors que cela avait toujours été l’inverse. Pensait-il pouvoir inverse les rôles si facilement ? C’était bien mal me connaître ! S’il se la jouait grande gueule, celle qui était la plus douée dans ce petit jeu-là c’était moi et je comptais bien lui prouver. Sa démonstration était stupide, personne n’aurait eut le temps de contrer mon attaque, personne qui me ne me connaissait pas en tout cas. Encore moins un rôdeur, alors à moins qu’il ait envie de m’attaquer, sa réflexion était stupide. Tout comme cette nouvelle lubie qu’il avait maintenant de vouloir m’apprendre à profiter de la vie, non mais c’était quoi ce nouveau délire sérieusement ? Et pour pourquoi moi, merde ? Ne pouvait-il pas aller emmerder quelqu’un d’autre ?! Moi je voulais juste qu’on me fiche la paix, manger, dormir, survivre, point barre. Pas faire des feus de camps et me mettre à pousser la chansonnette avec les autres membres du groupe en se jurant une amitié éternelle jusqu’à ce que les rôdeurs nous dévorent ! Mais lui visiblement avait envie de me faire rentrer dans ce délire là, dans cette espèce de secte. « T’es vraiment allumé c’est pas possible ma parole ! Qu’est-ce que tu comprends pas quand je te dis de me foutre la paix ?! Que je veux pas de toi ! » M’emportais-je sans pour autant perdre les pédales au point de me mettre à crier. Tybalt pouvait bien me mettre en rogne, je n’étais pas du genre à mettre les autres en danger parce que je m’emportais. Il me mettait hors de moi, j’avais envie de l’étriper, mais je ne pouvais pas, j’étais quand même pas devenue impassible à ce point là. Tuer un humain ce n’était pas mon genre. Sauf bien sur en cas d’extrême urgence.

J’étais parfaitement consciente que je n’avais pas énormément de fan dans notre groupe, voire même pas du tout. Ou alors un ou deux qui l’espace de quelques jours avaient pensé pouvoir me sauter quelque part dans la forêt, avant que mon regard noir ne leur fasse comprendre d’oublier très vite cette idée. Bref, franchement je savais qu’on ne m’appréciait pas pour mes qualités de coeur, mais plutôt pour les qualités de survie. Ils étaient quand même bien contents que je sois là parfois pour leur ramener de la bouffe quand je partais en mission avec l’un d’entre eux, ou que j’aidais à les défendre ! J’ignorais totalement sa question, non pas parce que je n’avais pas de réponse, mais parce que je ne voyais pas quoi répondre. Ce n’était pas comme si je pensais que tout le monde m’aimait ! Non, j’acceptais juste la vérité, point barre. Je passais une main dans mes cheveux, avant de lâcher un rire mesquin à sa phrase. « Tu devrais foutre cette phrase dans une de tes chansons, ça ferait un carton, mais garde tes fausses phrases philosophiques pour tes petites groupies. » Rétorquais je dédaigneusement. Ce type me rendait dingue, depuis hier à vrai dire il me faisait vraiment monter les nerfs, si bien que, je me rapprochais de lui, non pas d’une manière provocante comme si je voulais l’allumer non, plutôt comme si je voulais le provoquer en duel. « C’est quoi au juste ton problème ? Tu m’harcèles carrément là ! Mais merde, tu me veux quoi au juste ? Tu peux pas juste me foutre la paix ?! »

Tybalt devait avoir un sâcré problème dans sa tête pour venir me chercher autant que ça aujourd’hui. C’était depuis son foutu rêve qu’il était devenu bizarre ! D’habitude il se taisait en acceptant les remarques cinglantes que je lui envoyais en pleine face et là, il s’amusait à vouloir inverser les rôles. Sauf que moi, contrairement à lui j’étais parfaitement capable de lui dire qu’il me prenait la tête et que je ne voulais plus l’entendre me parler. C’était aussi simple que ça d’envoyer chier une personne et si lui n’avait jamais eut le courage de le faire, je n’allais pour ma part, pas me retenir ! « Bah ouais parfaitement ! Si tu l’avais pas compris l’égalité ne fait plus parti de ce monde. » Que croyait-il au juste ? Que le monde s’était remis à tourner correctement et que tout allait s’arranger ? Il avait depuis hier un comportement de baba-cool qui commençait sérieusement à me taper sur le système. Egalité, fraternité, toutes ces conneries n’existaient plus, on était désormais dans un monde où même dans certains groupes, les plus faibles étaient mis de côté. C’était la loi du plus fort, un point c’est tout. Plus besoin de sentimentalisme ou de longs discours sur l’amitié, cela n’existait plus ! Même dans notre propre groupe, j’étais persuadée que plus de la moitié s’en irait en courant s’ils pouvaient sauver leur peau plutôt que d’aider en cas d’attaque.

Je remarquais son pincement de lèvre à l’évocation de sa passion et je remarquais surtout qu’il ne me répondait pas sur ce point là. Point qui serait donc sensible ? C’était quelque chose à retenir, si un jour véritablement il me faisait trop chier et que je voulais le blesser. Je n’étais pas fondamentalement méchante mais juste prévoyante et puis au fond, dans ce monde à la con tout le monde se servait des faiblesses des autres pour survivre, c’était ça les nouvelles règles. « C’est pas ma faute si moi j’ai les couilles dont toi tu manques pour dire que tu me fais chier avec tes remarques à la con ! Et c’est quoi ce délire de m’attaquer par derrière pour essayer de me faire la morale ? Et d’abord, d’où tu me fais la morale hein ? Tu peux pas juste te contenter d’en avoir rien à faire de ma vie et me laisser survivre en paix ? Bon sang, c’est pas si compliqué que ça ! » M’emportais je en le regardant comme si c’était le dernier des crétins. Au fond là…. C’était vraiment ce que je pensais ! De lui et de son retournement de situation. « C’est la fin du monde Tybalt, pas le début d’une nouvelle ère pour toi et ta secte de baba-cool à la con » Grognais je alors qu’il tournait le dos, ce qui me ferait d’ailleurs de bonnes vacances ! Même si j’étais maintenant de mauvaise humeur pour le reste de l’heure, au minimum. J’en étais presque à espérer que l’on se fasse attaquer pour pouvoir me défouler tiens, c’était dire à quel point ce mec pouvait me mettre hors de moi parfois !

Si je devais bien reconnaître une qualité à Tybalt, c’était qu’il était très persévérant, au point de s’en prendre plein la tête depuis le début sans jamais lâcher l’affaire. Et aujourd’hui il semblait particulièrement déterminé à me faire ouvrir les yeux sur le fait que cette vie valait quand même la peine d’être vécue, de son point de vue. Il y mettait pas mal de forces, mais ce n’était pas ça qui allait me convaincre, pour ça il me faudrait encore une raison d’avoir envie de me battre alors que moi même je faisais tout pour éviter de la trouver. Je savais parfaitement - vu que je me connaissais quand même un minimum- que si je trouvais quelque chose ou quelqu’un qui me redonnerait envie de me battre pour profiter de la vie, c’était aussi un risque de perdre ça. Et ça, je ne pouvais pas le supporter, pas une seconde fois. Alors oui, je préférais plutôt me priver que risquer de souffrir à nouveau, et ça Tybalt ne semblait pas le comprendre. Libre à lui d’apprécier et de se rapprocher de n’importe qui pour ensuite souffrir comme un idiot, mais je ne ferais pas parti de cette histoire. Le plus énervant en fait, c’était qu’il essayait de me forcer, alors que j’étais bien dans mon petit coin, loin de toute relation sociale. « J’en sais rien non plus, p’être que secrètement tu fantasmes sur moi en fait. » J’avais lâché ça d’une voix totalement moqueuse bien sûr, je ne pensais pas sincèrement qu’il pouvait faire une telle chose. Ce n’était pas que je n’étais pas désirable, bien que le manque de nourriture avait quand même pas mal brisé mon capital séduction, c’était juste que je ne le voyais pas fantasmer sur moi alors qu’au fond, on s’appréciait pas du tout.

Finalement je craquais, ou plutôt je lâchais ce que je pouvais pour lui donner vraiment l’envie de s’en aller, de plus venir me parler. Parce qu’en fait, je me sentais un peu étouffée avec ses tentatives de me faire changer. Je me sentais oppressée un peu plus, comme si j’étais au bord du précipice et qu’il allait me pousser du bout du doigt pour me faire tomber dans un fossé de sentimentalisme et d’humanité duquel j’étais sorti depuis la mort de ma petite soeur. Ainsi, je préférais le repousser, une fois de plus, une fois un peu plus dure que les autres. J’ignorais sa remarque sur l’importance de chaque vie, ce n’était pas quelque chose qu’il m’apprenait ! Je savais parfaitement que depuis le début de l’épidémie, chaque vie sauvée était précieuse et que chacune perdue nous rapprochait un peu plus de la fin du monde, je n'étais pas débile quand même ! Seulement voilà, je préférais m’occuper de la mienne toute seule. Alors qu’il commençait à marcher de nouveau et que j’étais toujours arrêtée, je levais les yeux au ciel en haussant les épaules et en parlant assez haut, pour qu’il puisse m’entendre  « Wow merci tu m’apprends quelque chose, bientôt tu vas aussi me dire que… » Ma phrase fut interrompue par un léger cri de surprise que je poussais quand je sentis une main -sans doute en putréfaction vu l’odeur- m’attraper la cheville, me faisait tomber violemment face contre terre. Un regard sur le côté m’apprit qu’un rôdeur debout s’approchait également de moi alors que j’étais en train de me débattre de mon pied libre pour tenter de faire lâcher l’autre. Putain, sans cet idiot et ses leçons de morale j’aurais pu les entendre venir !