KILL ME BUT DON'T EAT ME

Harmony ouvrit les paupières, mais elle ne voyait toujours pas. Seule une faible source lumineuse lui indiquait que face à elle se tenait un feu. La jeune femme l'avait aussi remarqué à la vague de chaleur que le feu de camp lui apportait et entendait les crépitements des flammes. Harmony avait le dos plaqué contre un tronc d'arbre. Elle essayait de se dégager mais ses mains étaient fermement attachées, faisant le tour du tronc. Un morceau de tissus, qui bloquait sa bouche, attaché derrière sa tête l'empêchait de parler ou de crier à l'aide. Ses chevilles étaient aussi liées, l'empêchant de fuir si elle arrivait à se libérer de ses nombreux cordages. Où était-elle ? Etait-ce un cauchemar ou était-elle réellement kidnappée. Un horrible douleur à l'arrière du crâne la fit grimacer, lui rappelant comme elle était arrivée ici. Harmony était occupée à fouiller une voiture lorsque quelqu'un, par derrière, lui donna un violent coup sur la tête, puis plus rien.

La jeune femme se débattait en silence, ne voulant pas attirer l'attention de ses ravisseurs. Mais Harmony arrêta rapidement lorsqu'elle sentit que ses poignets étaient en feu. Elle se pétrifia lorsque des bruits de pas dans les feuilles mortes attira son attention. Quelqu'un arrivait. Cette personne s'agenouilla devant Harmony, qui put sentir son souffle contre sa peau suante de peur. Harmony entendit le sinistre bruit d'une lame qu'on enlevait de son fourreau. Elle ferma les paupières, pensant ne plus jamais se réveiller, puis, lorsqu'elle les rouvrit, vit qu'on lui avait enlever le bandeau qui lui avait empêché de voir. Harmony cligna des paupières, le temps de s'adapter à la lumière prodiguée par le feu. Elle se trouvait dans une forêt aux airs hantés. Le ciel était noir d'encre et couvert d'épais nuages sombres. Face à elle, se tenait une jolie femme à la chevelure brune. Harmony la dévisagea puis son regard se dirigea vers le feu, où une plaque à grillade était posée au dessus, une main humaine cuisant. La jeune femme poussa un petit cri effrayé, digne de l'ultime plainte d'un rongeur, tué par un chat. Harmony n'avait pas l'habitude d'avoir le rôle de la souris, c'était, habituellement, plutôt l'inverse. Savoir que ses ravisseurs étaient des cannibales lui donna une force nouvelle pour tenter de s'enfuir. Harmony se débattait, donnant de violents coups de pieds dans le vide, tirant de toutes ses forces sur la corde solidement attachée à ses poignets, qui saignèrent d'avantage.

Harmony cessa de se débattre. Elle était fichue. Si elle n'avait pas eu cette cordelette attachée autour de sa tête pour ne pas qu'elle parle, la jeune femme aurait pu tenter de parler à cette inconnue, mais ce n'était pas le cas. Elle lança un regard électrique à la femme brune. Mangée par des humains, une mort encore plus pathétique que mangée par des zombies.

 KILL ME BUT DON'T EAT ME

Harmony fixait avec horreur la main, posée au dessus du feu. Elle avait entendu, de quelques survivants qu'elle avait jadis croisés, qu'il y avait plusieurs groupes de cannibales dans le pays, mais Harmony n'en avait jamais croisé, et à vrai dire, elle les redoutait. Maintenant, elle s'était fait prendre, et ça allait bientôt être ses parties du corps qui allaient rôtir sur une branche suspendue au dessus des flammes. Les humains étaient plus faciles à capturer que des animaux sauvages, qui demandaient plus de temps et de patience, et un humain pouvait nourrir bien plus de monde et pendant quelques jours qu'une vulgaire petite souris. Mais Harmony n'était pas un repas sur pattes, elle était une survivante.

La femme, agenouillée face à Harmony, lui parla d'une voix qui lui était familière. La bimbo se pétrifia lorsqu'elle reconnut Ophelia Ashcroft, la fille d'un célèbre homme des Etats-Unis. Les deux jeunes femmes s'étaient rencontrées lorsqu'Harmony passa une interview à Ophelia pour une paparazzade. Elles s'étaient très bien entendues dés les premiers instants, le feeling était passé, bien qu'elles aient toutes deux un caractère bien trempé. Harmony dévisageait la brune qui appartenait à son passé avec horreur. Elle n'aurait jamais imaginé qu'Ophelia puisse faire partie d'un groupe de cannibales. C'était tellement inhumain de manger des hommes ...

Ophelia lui demanda d'hocher la tête si Harmony ne ferait rien de stupide si elle lui enlevait la corde autour de ses poignets et de sa bouche. La belle brune acquiesça en silence, tremblant lorsque sa camarade lui toucha la peau pour retirer ses attaches. Une fois libérée, Harmony hésita. Elle put voir une bûche posée près du feu, sûrement utilisée comme siège. En un rien de temps, elle pouvait l'empoigner et assommer Ophelia, pour récupérer ses affaires et filer loin d'ici. Mais elle n'en fut pas capable. Si Ophelia venait à la libérer, c'est qu'elle ne comptait pas laisser Harmony se faire dévorer. « Que fais-tu avec des personnes que comme ça, Ophelia ? » chuchota Harmony, à l'affût du moindre bruit. Elle craignait que les compagnons ne se lèvent et les voient. S'ils apprenaient qu'Ophelia libérait leur repas, la cannibale serait sûrement tuée, et finirait par griller au barbecue aux côtés d'Harmony. Il fallait qu'elles se la jouent discrètes, mais en même temps rapides. Harmony ne voulait pas rester ici indéfiniment.

 KILL ME BUT DON'T EAT ME

Harmony se leva lentement, et son regard alla immédiatement en direction des quelques tentes qui étaient alignées, non loin du feu de camp. La bimbo aurait tellement aimé brûler leurs tentes, mais Ophelia faisait tristement partie de leur communauté, et Harmony n'était pas prête à brûler l'aide qu'ils apportaient à son amie. Mais avec ces cannibales, de nombreux survivants finiraient par être pris et mangés comme aurait dû l'être Harmony. Cette dernière frémit. Cela était inhumain. Elle essayait de comprendre l'état de désespérance de ces gens fassent à la famine, mais elle n'y arrivait pas. La belle brune avait autant faim qu'eux, elle connaissait autant bien qu'eux ce que c'était que de passer trois jours sans rien manger. Mais ce qui différenciait Harmony à ces monstres, c'est qu'il lui restait un minimum d'humanité pour ne pas manger ses semblables. Ils méritent de brûler, pesta intérieurement la jeune femme, lançant un regard de braise en direction des tentes, où les cannibales dormaient à point fermé.

Comment si elle avait lu dans ses pensées, Ophelia déclara qu'elle avait besoin de ces gens, qu'elle savait que ce qu'ils faisaient n'était pas bien, mais qu'elle n'avait pas vraiment le choix pour survivre. Harmony n'y croyait pas. Elle pouvait chasser, manger des insectes ou encore manger des fruits des bois, mais pas des humains. La bimbo se pétrifia lorsque son amie déclara qu'elle avait besoin de ces cannibales pour sa fille. Ophelia avait une fille ? Harmony trouvait cela vraiment triste d'être enfant dans un monde aussi violent et sanglant que celui-ci. « Où est ta fille ? Tu as encore le temps de la prendre et de t'enfuir avec moi. Tu seras plus à l'abri à mes côtés qu'avec ces monstres, et c'est plus sain pour l'enfant, crois-moi. » Le regard d'Ophelia se porta non loin des deux belles femmes. Harmony hésita. S'il s'agissait d'un jeune enfant, il pourrait se mettre à pleurer si on le réveillait, ce qui réveillerait ensuite les cannibales. « Je peux la voir ? » glissa tout de même Harmony.