Soit Pierce avait passé l’âge, soit il n’avait jamais été taillé pour ça. Quoiqu’il en soit, le mot ‘intégration’ arrivait difficilement à faire sens. Fallait-il vraiment faire des efforts ? Malia voulait rester et affirmait qu’ici, c’était un bon endroit, qu’il y avait pas trop de problèmes, que ce système était formidable. Formidable en quoi ? Il se sentait plus en territoire ennemi qu’en territoire à conquérir. Déjà que c’était pas un grand conquistador, mais alors là, ça se résumait à une mission suicide. Il avait bien essayé d’en faire part à Malia, de lui expliquer que rester ici, c’était vraiment pas le plan idéal. Mais soit disant qu’il se faisait des idées. Facile à dire pour elle, elle venait d’ici. Mais lui, cet endroit, c’était pas pour lui. Suffisait de se pencher un peu sur les lieux, sur les gens pour le comprendre. À peine arrivé qu’il se sentait comme Néron devenu ennemi public. Néron s’était suicidé, et ce n’était certainement pas ce qu’il allait faire. Franchement, prendre sa vie après toutes les merdes qu’il avait traversé ? Y aurait rien de plus con. Et de toute façon, le suicide c’était pour les lâches, et lâche il n’était pas. Fallait juste qu’il dorme sur la question, qu’il y réfléchisse. Qu’il dénoue le problème, et qu’il décide de ce qu’il allait faire. Enfin de ce qu’il allait faire ... il n’était pas tout seul, et c’était là un problème de taille.

Marchant entre les campements, sans trop s’approcher des uns ni des autres, l’ancien militaire tentait de découvrir l’étendue des lieux. Jusqu’où ça allait ? Avec la forêt, on pouvait difficilement voir. Plus il avançait, plus il avait l’impression que c’était interminable, que ça ne finirait jamais. Autant dire que la quantité de survivants n’était pas pour le rassurer. Autant de monde sur ce bout de territoire ? Comment tous pouvaient parvenir à obtenir ce dont ils avaient besoin, notamment sur le point crucial de la nourriture ? Et puis, la quantité était aussi synonyme d’un manque de contrôle. Pierce était persuadé que personne ne savait vraiment qui était là, le nombre, les identités. L’anarchie quoi. En tout cas, il se serait bien passé de la présence de certaines personnes, et notamment de gang des rousses. Et comme si y penser entraînait une force d’attraction, il se retrouva face à l’une des deux. La plus inoffensive, de toute évidence. La faiblesse incarnée même. « Incroyable qu’tu t’en sois tiré. Mais faut dire qu’tu t’es pas pris une bagnole, toi. Nan, la p’tite rousse a l’cul bordé d’nouilles, elle s’en tire sans rien. » qu’il lâche. C’était la première fois qu’il se retrouvait face à elle. Honnêtement, lorsqu’il l’avait aperçue, il s’était dit que c’était abusé. Si y avait bien des gens qui auraient du y rester à l’Angels camp, elle en faisait partie. Il n’était certes pas resté bien longtemps avec elle, mais ce temps lui avait suffit pour comprendre quel genre de personnes elle était : un poids, de ceux qui sont des boulets qu’il faut se traîner au pied. En bref, de ceux qui ne méritent pas de survivre.