La respiration saccadée, l'ex-profiler fait claquer sa langue d'un air agacé avant de glisser sur l'asphalte pour se faufiler sous le minuscule espace de planches pourries. Les talons de ses assaillants derrière elle sont comme un cri sourd contre ses tympans. Contrôler sa respiration. Inspirer. Observer. Ses genoux se déplient comme un ressort alors qu'elle bondit avec flegme sur l'escalier de secours. Bondissant et jouant avec les obstacles telle une cascadeuse citadine. Dieu bénisse l'armée et toutes ces vertus gymnastes. C'est le chasseur chassé. Durant sa carrière au F.B.I, Clover avait l'habitude des courses-poursuites. L'idée d'être à présent la proie s'ést petit à petit fourrée dans sa caboche mais jamais complètement. Ses poursuivants sont loin de se douter qu'ils en ont après une louve âprement impétueuse et prête à en découdre. L'acier rouillé de l'échelle crisse et menace de s'effriter entre ses dextres alors qu'elle varappe à toute vitesse, contournant de justesse un projectile qui explose une brique sur son passage. Une balle ! Ces cinglés tirent à vue alors que les morts rôdent dans les parages. La survivante n'est plus très éloignée de son objectif. Elle reconnaît un carrefour menant au Aventura Mall.

Inspire, expire.

Le vent fait voleter quelques mèches de cheveux devant ses opales, formant une barrière de filets brun.

« - Elle est sur le toit !  

Dans vos rêves les plus fous, pecnots.

Alors que son souffle manque, Clover ne peut s'empêcher de constater avec ironie qu'elle devient décidément trop vieille pour ces conneries. Note pour elle-même, travailler sa cardio plus souvent malgré les tentations de parachronismes engendrées par une malheureuse petite Apocalypse. La bonne blague. C'était trop beau pour être vrai, tout avait été trop calme des jours durant. L’exaltée sent son palpitant détoner dans ses tympans alors qu'elle tire sur chaque muscle avant de foncer vers la porte du toit. Elle est littéralement sur celui de ce satané centre commercial.

Parfait.

Clover passe le battant de la porte et une balle ricoche à ses pieds, brisant le plâtre au passage. Un bout de métal explose avant de se planter dans sa cheville, mais la quarantenaire se contente de comprimer les crocs tout en dégringolant les marches la menant droit vers les bureaux du commerce. Un énorme centre commercial totalement pillé. Ou presque. La liste des ingrédients idéaux tourne dans sa cervelle alors qu'elle continue de sprinter pour sauter par-dessus une balustre et s'échouer sur le carrelage. Ses talons claquent à peine alors que Clover saute jusqu'au premier rayon. Fiévreuse, elle étaille chaque produit en rayon bricolage et agrippe ce qui l'intéresse. Les bruits de courses de ses assaillants ne tardent pas à exploser dans le centre. La sueur perle sur sa nuque et elle jure tout en agrippant un extincteur accroché au mur. Le nombre d'allées est à son avantage. Par chance, l’extincteur est proche d'une carte du bâtiment. La brune mémorise rapidement les points cardinaux et tourne vers la gauche pile poil au moment où un nouveau coup de feu retentit, brisant la carte au passage.

- 'Chier ! qu'elle crache entre ses lippes, sentant le liquide chaud de son hémoglobine couler lentement de sa cheville.

- Elle est là !»

La réserve, il faut qu'elle chope la réserve. Clover barguigne entre doutes et empressement. Droite, gauche ? Le plan lui revient en tête alors qu'elle bénit sa mémoire eidétique, mais crache un énième juron tandis qu'elle réalise qu'elle doit faire demi-tour. Et chargée comme une mule, qui plus est. La jeune femme fourre tout dans son sac et ses prunelles s'arrêtent sur une prise idérale. Rapidement, ses doigts accrochent la tête de rayon qu'elle escalade furtivement. A présent en hauteur, elle est aussi visible qu'une cible. C'est seulement maintenant qu'elle décide de sortir son flingue tout en s’accroupissant pour limiter le risque d'être abattue. Trois rayons plus tard, la survivante avise exactement ce qu'elle voulait. La jeune femme détaille les sols pour être certaine que la voie est libre, saute à pieds joints et se précipite vers la réserve. Elle a suffisamment de temps pour échafauder son piège. Et lorsque l'extincteur est pendu est accroché, la jeune femme se plante derrière la porte, corde en main. Le premier qui pénétrera dans la réserve aura une mauvaise surprise et un sacré mal de tête.