Tybalt n'est plus, mais Zippora est encore là. C'est pour elle que Leandro se lève chaque matin. C'est pour elle qu'il s'efforce de dormir et de manger. Il n'a pas le choix. Il doit avancer... Parce qu'elle, elle est toujours là, et c'est tout ce qui compte. Pour autant, ils ne partent jamais dans de grandes discussions. Loin de là, même. Il arrive que des jours et des jours s'écoulent sans qu'ils échangent plus que quelques banalités. Là, Leandro n'a pas parlé depuis la veille en cours d'après-midi, et il profite que Zippora dorme encore pour aller voir si les pièges qu'il a mis en place ont eu du succès. Sans doute que non, parce que ce n'est que des trucs faits main et il n'est vraiment pas certain d'avoir fait cela bien... C'est même tout le contraire. Il n'est pas un chasseur hors pair, même s'il a quelques notions et quelques bases qui lui ont permis une fois, sur un coup de chance, d'attraper un lapin. Il ne sait même plus comment, tiens ! C'était Tybalt le plus doué pour la chasse. En arrivant, d'ailleurs, il n'avait pas les mains vides. Avec lui, il avait de quoi bien manger. Et cela s'est reproduit plusieurs par la suite, qu'il réussisse à attraper des animaux. Secouant la tête dans l'espoir de chasser ces idées de sa tête, Leandro se tend en entendant un bruit qui ressemble fichtrement à un cri humain. Prudemment, il s'avance en direction de l'endroit où cela semblait provenir, sa hache fermement tenue par ses deux mains. Quelques mètres plus loin, il parvient à repérer un homme en très fâcheuse posture. De toute évidence, il est coincé. Leandro s'approche encore, jusqu'à voir ce dont il s'agit... Il a mis le pied sur un piège qui était posé là. « Merde... » Il hésite quelques secondes mais, assez vite, ses vieux instincts reprennent le pas sur le reste il dépose sa hache sur le sol non loin d'eux pour lui venir en aide. Il pourrait faire semblant histoire de faire distraction le temps que ses potes s'approchent dans le dos de Leandro... Mais ce dernier voit bien que ce n'est pas pour de faux. Oh non, loin de là. « Tu sais comment on peut le retirer ? » Parce que lui, il n'en sait rien. Et il a peur de faire une connerie, très clairement...

Pour être tout à fait franc, Leandro ne cherche pas à savoir de qui il s'agit. Dès l'instant où il voit que ce n'est pas un rôdeur, il s'approche et essaye de voir ce qu'il se passe précisément. Une jambe prise dans un piège. OK. Il n'a pas le choix là, va falloir qu'il l'aide. Ce serait quand même con de le laisser là, la jambe bloquée et juste partir sans scrupules. Non, cela ne ressemble pas, mais alors pas du tout, à Leandro. Il est pourtant devenu plutôt égoïste au fil du temps, replié sur le duo qu'il forme avec Zippora. Seule compte leur survie à tous les deux... Enfin, depuis la mort de Tybalt, parce qu'il y avait aussi la sienne qui lui importait. Mais tout ça, c'est derrière lui, c'est derrière eux. « On va voir ce qu'on peut faire alors. » Leandro a bien vu que le type avait une arbalète, mais il a surtout repéré que celle-ci était baissée. Ce n'est pas qu'il se sent particulièrement en sécurité de ce fait, mais il est quand même moins... Angoissé à l'idée de ne pas le regarder et de rester concentré sur lui. Non, il a bien plus important à faire avec ce foutu piège. Ce serait inhumain de laisser ce mec-là, et peu importe qui il est, ce qu'il a pu faire par le passé, etc. Leandro ne se pose pas ces questions à cet instant précis, même s'il reste aux aguets... Au moins un peu. A force d'efforts, et à deux, Leandro et cet homme parviennent à ouvrir le piège. C'était plus facile à dire qu'à faire, et Leandro est à bout de forces, une fois que cela est fait. Il a dû mettre toute l'énergie qu'il avait en sa possession, même s'il lui en reste encore un peu - encore heureux ! -. Mais c'est désormais fait et Leandro se redresse, soulagé. Passant sa main sur son front en sueur, c'est à ce moment-là qu'ils comprennent tous les deux qu'ils ont plutôt intérêt de partir au plus vite. Avec le bruit qu'ils ont fait - entre les grognements dans l'effort et le cri du mec quand sa jambe a été libérée -, les rôdeurs finiront bel et bien par arriver. Autant qu'ils soient déjà partis à ce moment-là. Leandro n'étant pas non plus le bon samaritain qu'il a pu être par le passé, il estime son devoir accompli, maintenant qu'il a aidé à ouvrir ce piège. Alors il ne cherche pas à aider l'autre à avancer ou quoi que ce soit de ce genre. Pas individualiste, juste réaliste... Et déjà bien assez épuisé comme ça ! Alors Leandro commence à marcher de son côté... Jusqu'à ce que la voix de l'homme se fasse de nouveau entendre, cette fois pour prononcer son prénom. Par automatisme, il relève la tête et pose les yeux sur le mec qu'il vient de délivrer d'une mort quasi certaine. Oh... Maintenant qu'il le regarde bien, son visage ne lui est en effet pas étranger. « Hum... Seth, c'est bien ça ? » Ce doit être la période, Leandro a l'impression de sans cesse retrouver des personnes qu'il a pu connaître par le passé ! Quoi qu'en l'occurrence, cela remonte à la zone, donc ce n'est pas si ancien que ça. Il a quand même l'impression qu'une éternité s'est écoulée depuis la dernière fois qu’ils ont participé à une expédition ensemble.

Seth. Il s'en souvient maintenant, Leandro. Dans l'esprit de ce dernier, la zone est pourtant très, très loin... Au cours des derniers mois, beaucoup de choses se sont produites dans sa vie. Forcément, cela a eu un impact sur les souvenirs pouvant sembler plus éloignés. Mais maintenant qu'il le regarde bien, maintenant qu'il l'écoute avec plus d'attention, Leandro se souvient. Ils n'ont pas partagé tant de moments que cela ensemble aussi... Alors cela rend les choses moins compliquées. Il y a du respect entre eux, et ils s'entraidaient pas mal lorsque c'était nécessaire. Ils ont quand même fait pas mal de sorties hors de la zone ensemble. Rien que tous les deux, parce que leur duo fonctionnait bien et qu'ils ne se marchaient pas sur les pieds l'un de l'autre. « Ouais... Je me rappelle. Et y a pas de quoi. » Toujours pas bavard, le Leandro. Mais il constate qu'il en va (toujours) de même du côté de Seth aussi. Ils sont différents de ce qu'ils étaient à l'époque et en même temps pas tellement... Faut dire que l'essentiel s'est produit au tout début de l'épidémie. C'est là que les plus gros changements peuvent être visibles. Enfin, du côté de Leandro en tout cas. Il ne sait pas si c'est pareil pour tout le monde et, dans le fond, il s'en contrefout pas mal. « Attends... » Trop tard, Seth essaye de monter de lui-même sur la moto qui est visiblement la sienne... Et il s'effondre sur le sol. Comme ça, sans ménagement aucun. En même temps, sa jambe est franchement dans un piteux état. Leandro lui tend la main, dans le but de l'aider à se relever tout en disant : « Je ne suis pas sûr que ce soit très prudent que tu partes dans cet état... » Cela ne l'est même pas du tout en fait. En souvenirs des bons moments qu'il a encore en mémoire, Leandro s'autorise bientôt à rajouter : « Tu peux venir avec nous si tu veux. Ne serait-ce que jusqu'à demain. Mais il faut t'enlever ce garrot rapidement ou tu vas perdre ta jambe. Tu pourras te reposer et repartir aussi vite que tu voudras. » L'ancien flic attend ensuite sa réponse, à la fois pas pressé de rentrer, et impatient de savoir... Les rôdeurs approchent, et il n'oublie pas que le danger n'est pas (plus) loin.

C'est évident que Seth ne pourra pas partir en l'état actuel des choses. Leandro essaye donc de le convaincre, n'écoutant, pour une fois, que son envie d'aider autrui. A croire que tout n'est peut-être pas encore perdu pour lui. L'ancien flic réside toujours là, dans un coin de sa tête. « Malade ? Qu'est-ce qu'elle a ? », ne peut-il s'empêcher de demander, sourcils froncés. Il est curieux là, pour le coup. Il a conscience, pourtant, que Seth pourrait mal prendre ses questions. Après tout, il ne lui doit rien, aucune explication, rien du tout. Mais cela n'ôte rien à la soudaine curiosité de Leandro. Il a envie de savoir, et si Seth refuse de lui répondre... Et bien, tant pis. Au moins, les questions auront été proposées et il n'aura rien à se reprocher. D'autant qu'il insiste quelque peu pour qu'il vienne avec lui... Avec eux, plutôt. « Alors on y va. Appuie-toi sur moi si besoin. » La moto ferait mieux de rester ici, et Leandro ose espérer que Seth en a conscience. Après, s'il a vraiment envie de la tirer jusque là-bas, c'est à voir... Mais Leandro estime que ce n'est pas là que réside leur priorité. Sur le chemin du retour - c'est ce que c'est pour Leandro en tout cas -, une question s'échappe de la bouche de Seth et Leandro comprend qu'il n'en a pas (encore) assez dit sur le sujet. « Oui, je ne suis pas seul. Il y a juste une autre personne, ne t'en fais pas. » Personne qu'il puisse craindre, en plus. Pas que Zippora soit faible et fragile - ce n'est pas du tout l'idée qu'il a derrière la tête, le Leandro - mais elle n'est pas méchante. Au contraire, elle est parfois même trop gentille... Et c'est ce qui lui plaît tant, à Leandro. « De ton côté, il n'y a que toi et ta femme ? » Ce mot s'échappe de la bouche de l'ancien flic et laisse place à une légère grimace sur son visage. C'est toujours bizarre pour lui de prononcer ce terme, parce que cela le ramène forcément à son propre passé. Et il se perd un peu dans ses pensées l'espace de quelques secondes, en attendant la réponse de Seth et en avançant toujours en direction de la petite maison où il faudra lui enlever ce garrot au plus vite.

Et oui, entendre le terme "malade" fait frissonner n'importe quel survivant à présent. Leandro est rassuré d'entendre la réponse de Seth. Ce n'est qu'un rhume. Un rhume de rien du tout. Il ne peut pas s'empêcher de noter, malgré tout, le fait qu'un rhume peut vite tourner à quelque chose de beaucoup plus grave... Il ne le dira pas à voix haute néanmoins. Il n'est pas fou. N'a pas envie de mettre en colère Seth ou de le pousser à faire quelque chose d'insensé juste pour retourner auprès d'elle. Enfin "juste", ce serait quand même légitime. Mais Leandro garde cette information pour lui. Cela vaut mieux. « Malheureusement, c'est devenu logique de se méfier dès qu'on entend ce mot. C'est vrai. » Il hoche la tête dans son coin, histoire d'appuyer un peu plus encore sur ses paroles. La discussion se poursuit, et Leandro se montre un peu plus curieux qu'à l'accoutumée. Depuis la fin de la zone, il se comporte de manière très différente. Ses crises de colère et moments d'absence se sont espacées jusqu'à s'estomper complètement. Ils continuent d'avancer tous les deux, et Leandro s'assure que Seth n'est pas sur le point de tomber ou quoi que ce soit de ce genre. Il doit faire attention. C'est logique, normal. « Moi non. Je suis avec elle depuis la zone. » Il n'en dit pas plus parce qu'il ne le veut pas... Et ne le peut pas non plus en réalité. Il ne se sent pas d'en dire plus. Il n'a pas non plus envie d'entrer dans les détails et de commencer à parler de sa propre femme. Non, ce n'est pas ni le moment ni le lieu. Et cela ne sera jamais ni le moment, ni le lieu. Leandro crèvera avec ces informations pour lui et rien que pour lui. « Il reste encore quelques dizaines de mètres... Tu te sens de les faire ? » Il l'espère... Parce qu'il ne sait pas comment ils feront, sinon.

C'est vrai qu'un rien peut nous tuer, maintenant. Leandro en a conscience et, de toute évidence, Seth aussi. En même temps, faut pas être un génie pour le deviner. Et Seth le vit justement, puisque sa femme a quelques soucis de santé en ce moment. Rien de trop grave en temps normal, mais on ne sait jamais par les temps qui courent... En tout cas, Leandro ne peut qu'être désolé pour lui, et l'aider du mieux qu'il peut. Pour l'instant, il ne peut que lui proposer de se joindre à eux, Zippora et lui, dans la maison à quelques mètres de là. Histoire qu'il se repose et que Leandro s'occupe de lui enlever le garrot avant que sa jambe ne soit plus récupérable. Imaginez survivre dans un monde comme celui-là avec une seule jambe... Impossible. Ou presque. « C'est sûr qu'elle va s'inquiéter, mais si tu pars maintenant il y a juste moins de chance que tu la rejoignes... En te reposant un peu, tu pourras la retrouver dès demain normalement. » Leandro ne peut rien lui promettre, c'est sûr. Mais il fera tout ce qui est en son pouvoir pour lui venir en aide en tout cas. L'apocalypse réveille peut-être le pire chez la plupart des gens - et chez Leandro le premier d'ailleurs - mais il n'oublie pas d'où il vient. Et ce par quoi lui-même est déjà passé. En tout cas, l'ancien flic s'assure que Seth va tenir jusqu'à la maison - ça a l'air d'être le cas -, avant de poursuivre sa route tant bien que mal. Il doit l'aider un peu, et s'assurer qu'il tienne debout mais tout va bien se passer, il en est sûr. Il va veiller à ce que ce soit le cas. « Sûr qu'elle ne sera pas très contente », réplique-t-il sur le même ton un peu bourru que lui. Ce n'est pas de la plaisanterie mais ça s'en approcherait presque quand même... Bref, ils arrivent bientôt près de la fameuse maison, et Leandro passe le premier pour lui ouvrir la porte, et aussi prévenir Zippora. Elle doit être à l'étage alors il fait s'installer Seth sur le canapé. « Je te laisse là juste deux minutes, d'accord ? Le temps d'aller prévenir Zippora, qu'elle ne panique pas en te voyant », lui demande-t-il avant d'attendre sa réponse. Vaut mieux être sûr de son accord avant toute chose. Faudra quand même qu'il lui fasse assez confiance.

Leandro peut comprendre le sentiment d'impuissance qu'il sait être là, chez Seth. C'est logique. Il a failli tout foutre en l'air sans le vouloir, et même en croyant bien faire. Ce qu'il voulait, c'était récupérer des vivres. Aider sa femme, lui prêter main forte et lui permettre de se reposer pour se remettre au mieux de sa maladie. A sa place, Leandro aurait fait exactement la même chose. Zippora n'est pas sa femme, mais c'est tout comme malgré tout. Et puis, ils traînent ensemble depuis si longtemps qu'il ne la laissera pas tomber. Jamais. Alors ouais, il aurait fait pareil. Avec les mêmes conséquences peut-être, mais il aurait fait pareil en tous les cas. Ce qu'il veut, c'est sa sécurité ainsi que son bien-être. Zippora, elle compte pour lui. Et c'est donc elle qu'il va voir le plus vite possible, une fois Seth installé sur le canapé. Il la prévient, et elle préfère rester en retrait pour le moment. Leandro peut le comprendre, ils n'ont jamais eu véritablement de chance en rencontrant des survivants jusque-là. Alors il ne va pas la forcer à quoi que ce soit. Lui en revanche retourne aux côtés de Seth. Tout du moins dans la même pièce, mais il reste à une certaine distance de lui malgré tout. On ne sait jamais, hein. « Alors, comment ça se présente ? », lui demande-t-il en constatant qu'il a retiré son garrot. S'il est là, c'est surtout parce que Leandro s'imagine mal le laisser seul une éternité. Pas seulement parce qu'il pourrait faire un malaise, n'allons pas non plus imaginer que l'ancien flic est juste un bon samaritain qui vient toujours en aide à ceux qui se présentent à lui. Non, il est aussi, et surtout, méfiant. Alors le laisser seul ? Non, certainement pas. En étant là, à ses côtés, Leandro peut s'assurer qu'il ne fait aucune connerie. Et il croise les bras sur son torse en regardant tout ça de loin, attendant tout de même de voir qu'il va bien. Ce n'est pas non plus un enfoiré de premier. Disons qu'il est mesuré, à mi-chemin entre les deux et qu'il reste sur ses gardes sans non plus oublier ses vieux principes d'antan. Finalement, peut-être que tout n'est pas perdu pour lui.

Leandro n'aurait pas pu se résoudre à le laisser dans sa merde. En même temps, difficile de faire demi-tour quand on voit quelqu'un dans pareille situation. Certains n'auraient sans doute pas hésiter, pourtant. Mais pas lui. Quand même pas. Quand il revient dans le salon, il essaye de savoir comment il s'en sort, et comment sa blessure se présente. De là où il se trouve, Leandro peut déjà voir qu'il saigne moins. Ce n'est pas extraordinaire, mais c'est déjà un bon début. Et ils le savent sans doute tous les deux. Il ne peut pas non plus s'attendre à un miracle, Seth. Il ne peut qu'en avoir conscience. « Oui, de l'alcool ce sera mieux pour désinfecter », réplique-t-il sur un ton neutre. Sur le moment, il ne réagit pas tout de suite. Et en voyant Seth fouiller dans son sac, il se dit qu'il doit en avoir avec lui, de l'alcool. Ce n'est visiblement pas le cas puisqu'il sort de là une bouteille d'eau. Leandro réagit tout de suite... Ou presque. Seth a quand même le temps de lui faire savoir qu'il va en foutre de partout, avec un air tout à fait désolé. L'ancien flic hausse les épaules avant de dire : « Ce n'est pas grave. Mais attends. On en a trouvé de l'alcool, quand on est arrivé ici pour la première fois. » Et sur ce, Leandro se met en mouvement. Juste le temps de se rappeler où se trouve cet alcool. Dans la cuisine, bien sûr. Parce qu'ils ne l'ont pas laissé où ils l'ont trouvé, c'est-à-dire dans le salon. C'est quand même une denrée rare qui peut vite s'avérer très importante. Preuve en est, elle va leur être utile sitôt trouvé, ou presque. Tant pis si ce ne sera pas pour lui, Leandro ne peut quand même pas le laisser gâcher de l'eau juste parce qu'il n'a pas d'alcool. Et puis, avec de l'eau, les germes restent malgré tout. L'alcool, en revanche, élimine tout. « Tiens, ce sera quand même mieux », dit-il en lui tendant la bouteille de vodka trouvée quelques temps plus tôt. Il est allé la récupérer et est revenu de la cuisine en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. « Et avant que tu dises qu'on pourrait en avoir besoin, dis-toi bien que ce n'est pas la seule que l'on a. » Ce qui n'est pas faux : ils en avaient trouvé dans d'autres planques. Alors ils ne sont pas non plus à sec à ce niveau-là.

Leandro ne peut pas faire grand chose. Il n'a pas non plus envie de prendre les devants et de se mettre à jouer les infirmières... Ce n'est pas son genre. Avec Zippora à la limite, il pourrait le faire. Mais pas avec Seth, qu'il connaît à peine. En revanche, cela ne le dérange pas de lui donner un coup de main en lui permettant de désinfecter sa plaie. A ses yeux, c'est même tout à fait normal de le faire. Alors quand Seth le remercie, il se contente d'un hochement de tête à son intention - qu'il ne verra peut-être même pas -. En effet, il semble surtout se concentrer sur la tâche qu'il a à effectuer. Désinfecter sa plaie avec de la vodka. Autant dire que c'est douloureux, et pas franchement recommandable. Surtout que, en l'occurrence, ce n'est pas un petit bobo de rien du tout. Seth a pris cher. Bref, Leandro le regarde faire sans rien dire, ne souriant surtout pas et ne cherchant pas à montrer quoi que ce soit. Peut-être juste un peu de compassion, mais cela s'arrête là. Et ce n'est pas par sadisme qu'il le regarde souffrir, lorsque l'alcool entre en contact avec sa chair à vif. C'est juste pour marquer son soutien et s'assurer que tout se passe bien. Il n'a franchement aucune envie que Seth crève après tous les efforts qu'il a fournis pour lui jusque-là. Bref, Seth achève de désinfecter sa plaie en versant de la vodka dessus, et en le regardant. Il souffre, cela se lit sur son visage désormais baigné de larmes, et aussi dans l'expression globale qu'il affiche. Leandro ne dit toujours rien pendant un temps. Mais voyant qu'il ne finalise pas ce qu'il a à faire, préférant boire quelques lampées de la vodka qui doivent le requinquer un chouïa, il demande : « Tu sauras te faire le bandage, c'est bon ? » Parce que ce serait franchement dommage d'avoir désinfecté la plaie, pour la laisser à l'air libre ensuite... Mais Seth n'est pas bête, et n'en arrivera sans doute pas là. Leandro préfère juste s'en assurer pour être sûr qu'il n'ait pas perdu la boule. Faut bien vérifier qu'il sait encore ce qu'il fait, et que les effets de la vodka ne le privent pas de son bon sens.

Leandro essaye tant bien que mal d'aider Seth, sans non plus empiéter sur son territoire. Le mec, quand même, est en position de faiblesse. Et s'il se met deux secondes à sa place, Leandro peut, sans problème aucun, comprendre ce qu'il ressent... Ce sentiment d'impuissance, cette folle envie de tout foutre en l'air pour aller où bon nous semble. Bref, il essaye donc de lui rendre la tâche un peu plus aisée - autant que possible en tout cas -. En veillant, par exemple, à proposer son aide pour le bandage sans non plus l'obliger à se faire aider. après tout, il pourrait vouloir se débrouiller tout seul, l'ancien flic le comprendrait sans mal. « OK... » Leandro s'est proposé alors, maintenant, bien sûr qu'il va le faire. Se déplaçant un peu, il lui prête donc main forte. S'aidant du premier tissu à sa portée, Leandro l'arrache, le déchire aussi proprement que possible avant de l'enrouler autour de sa plaie. Faut faire vite et bien, alors l'ancien flic s'en charge. Il y arrive plus ou moins, espérant que cela suffira tout en ayant conscience que Seth perdant encore un peu de sang... Ce ne sera peut-être pas fonctionnel très longtemps mais il aura essayé. « Bon... Il faut que tu te reposes maintenant. Alors je vais te laisser tranquille. » Leandro jette un oeil en direction de la porte d'entrée, vérifiant que celle-ci est bien fermée. C'est le cas. « C'est tout bon pour toi ? Il te faut autre chose ? » Pendant qu'il y est, hein... Autant aller au bout des choses. Leandro n'a pas pour habitude de faire les choses à moitié, voire même moins que cela.

C'est vrai que sa question est bête, Leandro s'en rend compte une fois qu'elle est posée. Mais trop tard, c'est fait. Et la réponse de Seth, sans non plus l'étonner, a le mérite de le faire sourire. Un peu. C'est vrai qu'il ne dirait pas non à un burger avec des frites, lui aussi. Mais c'est perdu d'avance, et ils le savent tous les deux. Alors Leandro ne lui répond pas, et se redresse. Le bandage est fait, il n'y a plus rien qu'il puisse faire pour arranger les choses. Seth va devoir laisser du temps au temps et prendre son mal en patience. La douleur s'estompera avec le temps. Et Leandro, ne peut que l'autoriser à se reposer ici. Ce ne serait pas son genre, quand même, de le foutre à la porte dans cet état-là. D'autant que le soleil est couché à présent, et que Seth n'est juste pas en capacité de bouger. Alors Leandro se recule, et constate finalement que Seth est en train de s'endormir. Il l'a remercié, ajoutant qu'il avait une dette envers lui, avant de laisser le sommeil l'emporter. Très bien, c'est ce dont il a besoin à présent. De dormir, en sécurité et au chaud. Leandro finit donc par se lever, décidant de le laisser tranquille. Comme il n'est, malgré tout, pas en confiance avec l'idée d'avoir une tiers personne au rez-de-chaussée, Leandro s'enferme dans la chambre où il passe la nuit avec Zippora, et sécurise la porte. Sans dire qu'il a peur de Seth, il ne lui fait pas entièrement confiance non plus. Et puis... Ce n'est sans doute pas une bonne idée d'être fataliste, mais Leandro envisage aussi l'idée qu'il puisse mourir et se transformer pendant la nuit. Un minimum de sécurité, donc. La nuit se passera de toute façon sans encombre et chacun repartira de son côté au petit matin.