Le cul bien posé sur le matelas en piteux état qui lui sert de lit, Dwight a tout de l'allure du caïd qui se fait chier. Ses jambes pas assez longues pour toucher le sol - en même temps son dos est contre le mur ce serait dur de faire autrement - pendent dans le vide. La fenêtre à côté de lui est grande ouverte, à la fois parce qu'il fait plutôt chaud - bon, en réalité - aujourd'hui, et aussi parce que c'est sa manière à lui de ne pas déranger ses colocs. En fait, il est seul ici depuis quelques jours. Le type qui était là avant n'a pas tenu le choc et a finit à l'isolement, paraît-il. Pour Dwight, c'est une chance inouïe... Enfin, jusqu'à ce qu'on lui annonce que quelqu'un va le rejoindre. Une femme. Il semblerait que ce soit déjà un exploit qu'on l'ait prévenu avant alors il ne va pas broncher. Lui n'a pas envie de finir au trou. Il y a passé plusieurs mois, juste avant le début de l'épidémie et ce n'était pas franchement le top. Il est bien où il est. Par contre, va falloir que ce soit bien clair pour la femme qui va débarquer : c'est son territoire avant d'être le sien. Et Dwight n'échangera pas son lit. Il a pris le meilleur, ce n'est pas pour le céder à la première personne venue. Tiens, d'ailleurs, la voilà qui débarque. La porte n'est pas fermée à clés - comme toujours -, alors elle n'a pas de difficultés à se glisser dans la caravane qui sera désormais également la sienne. Dwight plisse les yeux, analysant d'ores et déjà celle qui vient de débarquer. De là où il est, il a l'impression qu'elle n'a que la peau sur les os. Son teint est blafard, ses traits tirés... Elle est en piteux état. Et Dwight croit déceler certains indices d'un truc qu'il connaît bien. Comme il n'a pas envie d'être le premier à lancer la discussion, il la laisse faire. Et avant de répondre à sa petite tirade, il prend le temps de porter à ses lèvres la cigarette qu'il avait laissé jusque-là dans l'embrasure de la fenêtre ouverte, juste à côté de lui. Il en tire une longue latte, avant d'aller jeter les cendres par l'ouverture et, pour l'instant, d'y laisser son bras. Le temps de recracher la fumée, et il décide enfin de lui répondre. « Tu m'as tout l'air d'une toxico toi, tiens. Je vais évoluer dans un environnement familier au moins. » Bah quoi ? Lui aussi a sa propre façon de dire bonjour. Chacun son truc. « Qu'est-ce que tu leur as fait pour mériter d'avoir cette gueule-là, dis-moi ? » Brut, cash. Au moins, il est honnête. Avec lui, pas de mauvaise surprise (pas au début en tout cas) : il dit ce qu'il pense. Mais faut pas non plus croire qu'il est facile à cerner. Ce serait bien mal le connaître, justement.

Une fois n'est pas coutume, Dwight est fidèle à lui-même. Tranchant, sarcastique, un chouïa trop peut-être. Surtout avec la parfaite inconnue qui vient de débarquer dans la caravane, et qui arrivera donc à partir de maintenant. Mais sa réponse étire un sourire sur le visage de Dwight, un peu plus sincère et réel que les autres auxquels il est nettement plus habitué. « Avec plaisir », rétorque-t-elle sur le même ton qu'elle. Bah quoi ? Il ne va pas essayer de lui faire comprendre ce qu'il a vraiment voulu dire par là. Donc pas qu'elle a une sale gueule, juste qu'elle a tout l'air d'une droguée en manque. Elle a peut-être compris, dans le fond. Et, pour tout dire, Dwight s'en fiche un peu. Qu'elle soit dans le vrai ou pas, cela ne l'intéresse pas réellement et surtout il ne se sent pas du tout concerné. Elle ne pourra pas le tuer dans son sommeil quoi qu'il arrive parce que Dwight ne dort que d'une oreille. Il l'entendrait s'approcher. « Je vois... On a de la chance ou on n'en a pas. » Rien à dire de plus là-dessus. Dwight continue de l'observer, tout en portant une nouvelle fois sa cigarette à sa bouche. Il inspire une bouffée de celle-ci, replace son bras à l'extérieur puis expire la fumée doucement. Entre temps, elle a pu correctement s'installer - même si ça a l'air inconfortable plus qu'autre chose -. « Effectivement, ce n'est pas si simple que ça. » Disons que ce n'est pas suffisant d'aller dans un magasin abandonné depuis des lustres, pour le fouiller et trouver une pépite. Il y a bien un semblant de magasin ici, à Ellia... Mais faut payer pour avoir quoi que ce soit. Dans le fond, c'est sans doute normal. Cette normalité qui les a abandonnés depuis une éternité et qui n'est pas si compliqué à accepter, une fois qu'elle est de retour. « Faut travailler pour gagner sa croûte, disons. T'as été assignée quelque part déjà, j'imagine ? » Il est curieux d'en savoir plus sur celle à qui il va avoir affaire pendant encore un moment. Dwight n'a aucune intention de quitter Ellia, contrairement à pas mal d'autres personnes qui ressemblent à des lions en cage... Et il va partager sa caravane avec elle qui vient juste d'arriver, alors sans doute qu'il s'en accommodera. Et elle aussi. Même si ce ne sera pas simple.

Dwight ne sait pas encore comment vont se passer les choses entre eux. Une chose est sûre : il ne fait pas (encore) de très gros efforts pour que ce soit agréable à vivre. Qu'importe. Il lui pose des questions sur ce qu'elle fait et d'où elle vient, c'est déjà un bon début... Voire même un très bon début. Il est curieux aussi, et il a besoin de savoir avec qui il va vivre. Déjà que ça le fait profondément chier de ne plus être seul... Bon, elle a été nommée à un poste de pompier, alors c'est plutôt bon signe pour la suite. Cela prouve qu'elle n'est pas totalement inutile. Et pas non plus réfractaire à l'idée de vivre ici. Quoi qu'elle l'est peut-être tout autant que lui à l'idée de partager cette caravane. Peu importe. « C'est pas mal pourtant. Y'en a qui nettoient les chiottes, tu devrais être contente de ne pas en être », rétorque-t-il sur un ton neutre, apaisant ainsi des propos qui auraient pu être entendus comme durs, trop durs. Ce n'est pas son intention première. Il ne cherche qu'à lui expliquer les faits tels qu'ils sont. Et puis il est assez cash par nature alors va falloir qu'elle s'y fasse. S'ils doivent partager cette caravane encore un moment, elle n'aura pas le choix. Et lui aussi c'est vrai.. C'est pour ça qu'il cède, et accepte de répondre à la question qu'elle vient de lui retourner. Elle l'a fait elle aussi, alors c'est juste normal de lui rendre la pareille. « Je suis là depuis quelques semaines. Et j'ai été nommé chasseur. » Sa discrétion naturelle a pris le pas sur le reste. S'ils savaient que cette discrétion lui vient d'avoir tué quelques personnes par le passé... « Pendant qu'on y est... Pompier ? Vous faites quoi avec ton équipe ? Y'a vraiment des feux à éteindre ici ? » Il fronce les sourcils, ne comprenant pas réellement le but de ce poste. Peut-être qu'ils font office d'infirmiers, d'ambulanciers ou que sait-il encore... En tout cas, puisqu'elle est là, elle pourra mieux lui expliquer, et lui éviter de tergiverser des heures sur ses interrogations. Tout sera plus clair d'ici quelques instants. Enfin, normalement.

Il ne sait pas trop comment, mais ils en sont rapidement arrivés à discuter de leur métier respectif, tous les deux. Dwight n'en est pas vraiment gêné. Etant chasseur depuis qu'il est à Ellia, il ne peut pas en avoir honte et préférer le garder sous silence vous voyez... Et puis, c'est aussi une bonne façon de lui faire savoir qu'elle a plutôt intérêt à filer droit ou, en tout cas, à ne pas le faire chier. S'il est chasseur, c'est quand même qu'il est plutôt bien vu. Enfin, c'est ce qu'il se dit pour se rassurer. Dans le fond, il se doute bien que cela pourrait être encore mieux. Genre, il pourrait obtenir une chambre à la ferme... Mais non, faut pas rêver non plus. Il se contente de ce qu'il a quoi qu'il en soit, parce que très conscient de sa chance. Il aurait pu obtenir moins, voire pire. « En effet, ça l'est », répond-il avant de hausser les épaules. Après lui avoir demandé ce qu'un pompier peut bien avoir à foutre ici, dans un village pareil, Dwight profite de sa soudaine quasi logorrhée verbale pour tirer une nouvelle taffe sur sa clope. Puis une deuxième, la dernière celle-là. Comme en signe de rébellion face à ce qu'elle lui dit, il lâche son mégot par la fenêtre, sachant de toute façon très bien ce qui se trouve en-dessous ; c'est-à-dire rien qui craint, rien qui risque de prendre feu. Manquerait plus que ça, tiens ! Il crache ensuite sa fumée, en rentrant son bras à l'intérieur. Enfin, il peut lui répondre, elle vient de terminer ses explications en disant peut-être un peu plus de choses que ce qu'il avait initialement demandé. « Je vois. » Ce n'est pas qu'il s'en fiche, hein... Mais il ne sait pas trop quoi répondre à cela. Il ignore qu'elle s'est à moitié foutue de sa gueule, c'est déjà bien sympa de sa part. De préférence, cette cohabitation fonctionnera alors il est plus que nécessaire que Dwight ne la ramène pas trop. Même si elle s'emballe un peu. « Démineur, hein ? Tu risques pas d'avoir du taff là-dedans ici en même temps. Mais c'est pas mal, pompier. Surtout si vous ne foutez pas grand chose. » Faut être réaliste ! Y en a qui ont bien plus de boulot à faire... Et cela ne doit pas être brillant. Genre ceux qui nettoient les chiottes, pour en revenir à son exemple précédent. « Bon et t'es arrivée toute seule ? Qu'on mette au point certaines règles, je préférerai que chacun ne ramène personne dans la caravane... » Va falloir qu'ils se mettent d'accord sur un certain nombre de sujets. Sinon, cela ne fonctionnera jamais... Et en provoquant des étincelles, Dwight pourrait vite finir à l'isolement, perdant son statut quasi privilégié. Autant dire qu'il n'a aucune envie que cela se produise !