Le temps était pourri, l’air sec et lourd.

Le tout ne présageait rien de bon. Mais malgré tout ça, on envoyait bibi au casse-pipe parce qu’on manquait de vivre. La belle affaire ! Si j’avais su, je me serais fait porter pâle.

En fait, au début, je croyais que je serais avec quelqu’un, un ou deux gars pour une patrouille, ou un ravitaillement. Mais non. Je devais voyager seul. Et loin en plus, tant qu’à faire ! Je devais aller là où personne n’était encore allé, parce qu’évidement, c’était là que se trouvaient les ressources…

La logique était tellement chiante, des fois...

J’avais démarré ma petite bagnole préférée, celle qui m’avait accompagnée jusqu’à la zone 51 et que je ne comptais pas quitter comme ça. Mon éternelle crosse de hockey avec moi, un flingue et un petit stock de nourriture était mon maigre cortège pour cette expédition triste à pleurer. Je me demandais si les rôdeurs pouvaient rire… Si c’était le cas, ils crèveraient tout seul en me voyant arriver dans leur coin…

Je pouffai stupidement sur la route. Une carte m’avait été donnée et j’y jetai un petit coup d’œil avant de reporter mon regard sur la route. Ma mission officielle : trouver des vivres, évaluer les activités dans la zone et accessoirement, si je trouvais d’autres choses utiles à faire, c’était bienvenu aussi… En clair : trouver à bouffer et rentrer vivant…

J’étais de mauvaise humeur, ouais. Comme un mec à qui on aurait fait un coup bas. Les belles promesses des chefs volaient une à une en éclat. La vie de rêve promise à la Zone 51 était un beau voile d’illusions qui se déchirait doucement. A croire qu’on ramenait des survivants pour remplacer ceux qui avaient pigé le truc… malheureusement un instant avant de se faire bouffer.

Mais oh, quoi ! Je me surpris à pester comme un vieux con, à grommeler dans ma barbe de trois jours et à rouler vite. Je comptais bien me calmer, et vite ! Mon répertoire musical défila dans ma tête et je me décidai à entonner les paroles bon enfants et ensoleillées des Beach Boys. Good Vibrations, était ce dont j’avais le plus besoin !

Et histoire de détruire cette petite atmosphère joviale que je venais d’instaurer dans la voiture, une ombre surgit depuis le nord. Grande, imposante, ancienne. Je tournai le volant en soupirant, stoppant ici mes élans nostalgiques. Identifiant un bâtiment, repérant une potentielle réserve de bouffe, je dirigeai le véhicule vers la bâtisse à l’abandon. Arrivé en bas de la colline sur laquelle la bestiole de briques et de bois se juchait, mon humeur perdit encore de sa verve : les lieux étaient sinistres, glauques. Le manoir lui-même semblait le hurler, comme un avertissement à tout ceux qui s’approchaient : attention, il va t'arriver une bricole !

Un long soupir plus tard, je sortis du véhicule avec ma crosse, un sac militaire vide, une lampe de poche et mon revolver à ma ceinture. Lorsqu’il fut chargé, je grimpai la colline et avisai la ruine avant de me diriger vers une fenêtre du rez-de-chaussée. La pauvre était complètement défoncée, le bois même témoignait de la violence du choc : bombé, il avait résisté comme un diable pour ne pas être arraché. Néanmoins l’espace était suffisant pour que je me faufile à l’intérieur, dans ce qui ressemblait à un grand salon, attentif à chacun des bruits que lâchait ces vieux murs. Allez savoir ce qui pouvait se terrer là-dedans…

J’avais toujours eu pour habitude d’écouter un moment ce qu’il se passait dans les endroits où j’arrivais. Figé sur place, je laissais mes oreilles prendre le relais et chercher les sons qui pouvaient résonner à l’intérieur de la bâtisse.
Rien ne semblait émaner de ce coin paumé par excellence. Mon regard se promena dans le salon où je venais d’arriver, la pièce était dévastée. Comme si une tornade avait foutu le bazar partout. Meuble pétés, coussins éventrés… Avec une super couche de poussière pour tout conserver.

Le moins rassurant restait les traces de sang que je pouvais voir un peu partout. Ca avait repeint les murs et les meubles… Ce qui était passé par là, c’était pas une tornade, mais une putain de marée de chair putride et grommelante.

Je fis deux pas dans le salon pour voir comment je pouvais visiter les lieux le plus rapidement possible. J’étais pas très superstitieux concernant les fantômes et les revenants (autres que les nos chers rôdeurs), mais rester le moins longtemps possible dans cette baraque était pour moi la meilleure idée.

Et je retins un soupir quand je distinguai dans l’embrasure de la porte, la silhouette figée d’un gosse. Genre… quinze, seize ans. Je penchai un peu la tête le temps de le jauger. Il avait l’air gringalet, le genre de gosse que je pouvais envoyer au tapis facilement s’il commençait à être chiant…

- Salut…fis-je avec un brin d’hésitation.

Ma crosse baissée, je fis un ou deux pas vers lui. Lentement. Je voulais pas lui faire peur…Mais je sentais que cette expédition allait être plus longue et compliquée que prévue…

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