"Ce qui est incroyable, lança-t-il, c'est qu'avec vous, tout est histoires et que toutes les histoires sont belles..."
Il l'avait rencontré à l'hôpital, elle l'avait soigné. Ou plutôt pansé. Elle avait pansé son petit coeur qui venait d'être écrasé par cette salope de vie. Elle lui avait sourit et il a fondu. Alors il l'a invité, a été flâner dans le magasins en se demandant s'il n'était pas trop mal habillé pour elle, a passé des nuits entières à lire ses romans préférés pour lui en parler, il l'a vu et revu, il l'a aimé tout simplement. Elle, elle a meublé l'appartement, installé son petit jardinet sur le balcon où ils ne pouvaient plus mettre un pied parce qu'elle avait trop de plantes, elle a remplit leur petit nid d'odeurs de nourritures maison et de café frais, elle lui a rendu son amour. Et puis le temps a passé et comme elle aimait les livres il lui en a offert un. Dans un vieux carnet, manuscrit, pas très bien écrit. Un roman épique dans un style maladroit. Leur histoire, leur amour couché à jamais sur papier par ses soins et une fin hasardeuse, une fin en suspend. "alors ce jour là, peut être la princesse acceptera-t-elle de l'épouser..."

"Ils ne demandaient rien d'autre que d'être heureux ensemble. Même pas heureux d'ailleurs, ils n'étaient plus si exigeants. D'être ensemble, c'est tout. "
J-7 avant le grand jour. Ils en avaient rêvé, ils allaient bientôt le faire. Tout était près, les plans, la liste, le traiteur, le fleuriste, la mairie et surtout la robe. Bon sang ce qu'elle avait pu coûter cher cette robe! Mais nul doute qu'elle serait des plus magnifiques. Dans un semaine, ils seraient mariés. Dans une semaine... Mais la mariage attendra jusque là, pour l'instant les hôpitaux se remplissaient de malades étranges, de gens racontant des histoires abracadabrantesques. Puis  ils évacuèrent les hôpitaux et peu de temps après, la ville. Elle refusait de partir la petite, elle voulait aider. Alors elle est resté. Lui aussi est resté, pour eux un peu, pour elle surtout. Il l'a aidé, protégée. Ensemble ils ont barricadé, fortifié, soigné, cherché. Ils ont surtout rêvé. Parce qu'ils y croyaient, que ce qu'ils faisaient ici même avait de l'importance et qu'un jour tout irait mieux. Ils le savaient, ils en étaient sûrs. Parce que rien ne les arrêtait et qu'ils pouvaient encore se serrer l'un contre l'autre. Oh, elle doutait bien parfois que la vie puisse redémarrer parce que la vie, c'est pas un ordinateur, le mode sans échec n'existe pas. Mais elle le regardait et aussitôt elle y croyait. Tant qu'il était là, tout irait bien. Tant qu'ils seraient ensemble rien ne les abattrait. Tant qu'ils étaient ensemble...

"On ne peut jamais prévoir. Ni comment les choses vont se dérouler, ni pourquoi des trucs tout simples prennent soudain des proportions démentes."
Ils avaient besoin de médicaments. Des antibiotiques auraient été inespérés. Ils en avaient besoin alors ils avaient été un peu plus loin que d'habitude pour tenter d'en trouver. Rien à signaler, rien non plus sur les étagères. Elle commençait à ne plus y croire, à avoir peur pour ses camarades, mais Maïl l'en empêchait : Ne pas se laisser abattre est la clef de la survie, qu'il disait. Alors elle inspirait une grande bouffée de cet air devenu putride avec le temps et repartait en exploration. C'est là qu'elle tomba nez à nez avec un étrange jeune homme solitaire et sans doute inconscient des dangers de ce monde si l'on en jugeait par ses cris. Il se précipita vers elle, elle ne comprit pas et l'empêcha de faire tant de bruit en lui mettant les mains sur la bouche avant de regarder son fiancé d'un air interrogateur. Ils tentèrent alors d'engager une conversation mais le pauvre garçon était incompréhensible... Bredouillait des excuses, parlait d'une jeune femme qu'elle ne connaissait pas. Elle ne pût 'empêcher malgré tout de l'intégrer à son groupe. Il n'avait pas l'air des plus dégourdis, plutôt épuisé et n'allait sans doute pas tenir bien longtemps tout seul dans la nature. Alors avec les encouragement de Maïl elle se débrouilla pour l'intégrer à leur nouvelle petite famille.

"L'amour, le vrai, est cannibale et destructeur. En vérité, il tue. Posséder l'autre, c'est le faire mourir. Etre possédé, c'est mourir aussi."
Se faire kidnapper par celui que vous avez aidé était un risque à courir ces derniers temps. Les gens n'avaient plus de moral. Pourtant elle ne lui en voulait pas, non, elle s'en voulait à elle même d'être si naïve. Quand il est venue "la sauver", elle a regardé Maïl. Elle ne voulait pas le quitter, le laisser là. Elle n'a pas eu le choix. Elle s'est dit qu'elle le ferait sortir, ils l'ont invité à diner. Ils la terrifiaient, lui mettait la pression. Et ce gars, à côté d'elle, qui la regardait toujours de cet air étrange lui faisait froid dans le dos. Elle se demandait d'où venait toute cette viande, ils ne répondaient pas. Ils ne répondaient à rien. Finalement, elle mangea et ses hôtes se détendirent un peu, le sourire aux lèvres. Il l'emmena dans une pièce pauvrement meublée, elle sentit comme un froid la traverser. Il avait toujours été étrange, voir effrayant parfois mais ce soir là, il était terrifiant. Il s'approcha, lui prit la main et lui arracha son anneau du doigt. Sa bague... Celle que Maïl lui avait offert pour leurs fiançailles, celle qui aurait dû être remplacée depuis le temps par une alliance. Elle le supplie de la lui rendre, lui ne fait que lui sourire, lui montrant sa bague. Il lui dit qu'elle n'en aura plus besoin, elle ne comprend pas, essaye de la reprendre tandis qu'il la jette par la fenêtre. Alors elle coure aussi vite qu'elle peut pour la retrouver avant qu'il ne l'en empêche. Elle se jette dans l'herbe, la cherche d'un air complètement paniqué. Quand enfin, elle la retrouve, il est déjà là. Elle s'y accroche comme si elle allait perdre la vie en la perdant une nouvelle fois. Ce qui n'était pas vraiment faux, elle allait vraiment perdre sa vie ce soir là. Il se répète, elle ne comprend toujours pas alors il décide de lui montrer, tout simplement. Elle ne le croyait pas, il le lui a montré.  Du sang, partout. A lui  apparemment. Mais un bout de viande, découpé, peut être à n'importe qui. Alors, tétanisée, elle le refuse toujours. L'idée d'avoir mangé un de ces congénère était déjà insupportable, alors celle de la mort de Maïl... De ne pas lui avoir dit au revoir et de l'avoir mangé... Elle recula, les yeux écarquillés, les bras croisés sur la ventre et se heurta à une benne. Elle se retourna, baissa les yeux et tomba sur une tête. La sienne. Ses jambes se coupèrent, ne la soutenant plus. Maïl...  Elle n'y croit pas, elle n'a pas put, ils n'ont pas osé, ce n'est pas vrai. Elle hurle de toutes ses forces, pleure, vomit aussi, un peu. Elle a l'impression de mourir, elle voudrait mourir. Qu'il l'achève à cet instant, qu'il mette fin à ses souffrances. Mais il avait l'air d'avoir d'autres projets pour elle.

"Le rêve, un moyen de locomotion rapide, fulgurant, on pourrait même aller au-delà de la galaxie si on éprouvait le moindre désir des délices qui nous attendent là-bas. Pourtant quelle misère d'en être réduit aux joies de l'esprit. Mieux vaut encore être un chien en bonne santé qui court, saute, avale hargneusement sa pâtée."
Elle avait réussi, elle en était sortie. Combien de fois en avait-elle rêvé? Combien de fois l'avait-elle déjà tenté? Elle avait faillit abandonné mais ses souvenirs de l'homme qu'elle aime lui avait permis de tenir. Elle se refusait de croire qu'elle avait fait tout ca. Ce n'était qu'un mauvais rêve dont elle n'arrivait pas un sortir. Mais on ne peut pas rester endormis éternellement, n'est ce pas? Alors elle essayait de penser à autre chose en attendant que ca passe. Penser à sa liste de mariage, à vérifier les compositions florales et surtout ne pas oublier de répéter la chorégraphie de leur première dance. Tout serait parfait dans peu de temps et après ces deux jours de fête incroyables, ils s'envoleraient pour l'Irlande, pas vrai?  

"La vie, même quand tu la nies, même quand tu la négliges, même quand tu refuses de l'admettre, est plus forte que toi. La Vie est plus forte que tout."
C'était certainement sa plus grande conviction. Tout du moins avant. Maintenant, elle regrettait d'avoir tant été dans le vrai. A chaque nouveau jour elle se demandait un peu plus comment elle allait faire pour tenir debout, s'il ne valait pas mieux s'arrêter simplement de marcher et l'attendre là. Mais même assise là, par terre, ce n'était pas si simple. Elle ne venait jamais, la mort. Alors elle continuait chaque jour un peu plus, forcée par la vie et pas ces quelques rencontres qui lui faisait encore penser qu'elle était vivante. Elle, elle leur donnait tout ce qu'elle pouvait. Son âme, ses soins, de l'attention et même de la nourriture si elle en avait. Parce qu'après tout, un mort vivant, qu'il se décompose ou non, ca n'a plus besoin de grand chose. Alors elle donnait, tout, à quiconque le demandait, à tout le monde. De toute façon elle ne continuerait plus bien longtemps. Il n'était plus là, plus grand monde n'était là de tout évidence et sans doute allait-elle subir le même sort bien rapidement. Elle ne croyait plus en rien, hormis en ca peut être. Elle croyait en sa fin, elle l'espérait presque.