Sonya & Jackie

Les premiers rayons du soleil commençaient à chatouiller la toile de la tente dans laquelle je me trouvais lorsque je finis par ouvrir doucement les yeux. Difficilement au début, j'inspirai profondément en découvrant cette nouvelle journée de survie. En temps normal, chaque réveil était parsemé d'une légère déception en constatant que l'horreur que vivait l'humanité depuis des mois n'était en rien un simple cauchemar mais bel et bien la vérité. Cependant, ce n'était plus vraiment le cas. Plus depuis dix jours désormais. La raison à cela ? Lui. En effet, levant un peu la tête comme pour me donner la force de me lever, je pris un instant pour le considérer. William était là, endormi, dans un apaisement quasi enfantin qui me poussa à afficher un petit sourire en coin. Mon bras gauche encore enroulé le long de son torse dénudé, je le retirai doucement avant de venir l'embrasser tendrement sur la joue. Je ne voulais pas qu'il se réveille. Il paraissait si détendu. A peine vêtue d'un débardeur et d'une petite culotte, j'attrapai mon jean usé que j'enfilai discrètement, suivi de mes baskets puis je sortis en catimini de la tente, prenant grand soin de refermer la fermeture éclaire de l'entrée derrière moi. Je jetai un coup d’œil aux alentours pour être sûr que personne ne m'ait vu tout en enfilant ma petite chemise à carreaux pour partir me décrasser à la rivière juste à côté. Il ne me resterait plus qu'à me recoucher dans mon propre abri incognito afin qu'aucun des membres du groupe ne se rendent compte de notre relation. Nous n'étions pas près à le dévoiler aux autres.

Deux heures plus tard j'émergeai à nouveau comme tout le monde. Je pris mon petit déjeuner sous le regard observateur de William. La journée débutait et chacun avait des tâches bien définies aujourd'hui. Mon quadragénaire préféré partait à la chasse avec deux autres mecs tandis que moi j'étais de corvée de linge pour mon plus grand désespoir. Mon dieu c'est dingue comme je n'étais définitivement pas faite pour les travaux de femmes. Un vrai garçon manqué, et j'assume ! Heureusement, cette fois-ci je me coltinais cette corvée avec Sonya, une femme respectée parmi les nôtres et que j'appréciais assez dans son genre quand bien même elle avait tendance à un peu trop me couver à certains moments. J'avais parfois l'impression qu'elle oubliait le fait que j'avais tout de même survécu pendant des semaines toute seule en traversant des états entiers avant de les trouver. Ça me faisait doucement sourire, surtout que ça partait d'un bon sentiment.

Portant une grande corbeille de linges entre les mains, je peinais à avancer à la même allure que Sonya qui semblait plus à l'aise que moi. Environ cinq cent mètres séparaient le courant d'eau du campement. La marche se fit en silence, un petit sourire complice par ci par là mais rien de plus. Pour être honnête, mon esprit vagabondait sur les souvenirs de cette nouvelle nuit passée à ses côtés. Je ne pouvais m'empêcher d'y penser, si bien qu'il m'arrivait parfois de m'inquiéter d'éventuels regards de la part de Sonya. Pouvait-elle lire en moi ? Non, je ne pense pas. Tout du moins j'espérai expressément que cela ne soit pas le cas. Une fois arrivée aux étendoirs, je commençai à poser les vêtements sur les fils prévus à cet effet. « J'en ai marre d'être choisi pour jouer les femmes de ménage ! », finis-je par balancer à qui voulez bien l'entendre ; le tout sur un ton exaspéré. Un pantalon passa entre mes mains, puis un autre, un t-shirt et se fut au tour d'une chemise que je connaissais bien. Elle appartenait à William. Je la reconnus immédiatement pour lui avoir arracher le soir où tout a basculé. Je ramenai une mèche rebelle derrière mon oreille, le vent frais du matin soufflant dans ma chevelure crépue et dépareillée.