” Darkness Around the Sun „

Une patrouille. Rien de plus. Elle en avait fait tellement. Tellement souvent. Seule. Ou accompagnée d’un autre de son groupe, à Saint Louis. Elle savait affronter les zombies seule. Elle avait survécu, seule, même si elle avait rencontré les autres en chemin. Aujourd’hui, on lui avait collé quelqu’un dans les pattes. Une petite brunette. Elle était plus vieille qu’elle, c’est vrai, mais elle lui semblait si jeune. Si innocente. Si fragile. Calla la détailla de la tête aux pieds quand elle la rejoignit en bordure de leur campement. Soit. Calla jouait un peu avec son katana, le faisant tourner entre ses mains, passant ses doigts cornés le long de la lame effilée. Finalement, elle haussa les épaules. Elle n’avait pas besoin d’un fardeau, de quelqu’un sur qui elle devait veiller. Elle voulait juste aller se trouver un tas de zombies et foncer dedans. Découper leurs têtes et les voir voler en tout sens. Ça lui plaisait. Elle aimait sentir l’adrénaline courir dans ses veines. Elle jeta un nouveau coup d’œil à Gyselle, car c’était bien son nom, et se mit en route. — Aller. Ça ne sert à rien de trainer. — Avec Calla, ce n’était jamais vraiment de la surveillance. C’était comme si elle était un aimant à ennui… ou peut-être les cherchait-elle. Peu importait au final. Elle espérait juste que la demoiselle n’allait pas se faire bouffer sous sa surveillance. Elle rengaina son sabre, qui émit un chant particulier en se glissant dans son fourreau, et s’éloigna du campement.

La ville semblait déserte. Comme toutes les autres. Comme tout le pays. Comme chaque endroit qu’elle avait jamais visité dans sa quête d’un médecin. Et maintenant ? Maintenant qu’elle était si loin de chez elle, était-il encore nécessaire de chercher ? Elle était partie pour chercher de l’aide pour les siens. Mais étaient-ils encore vivants ? Le temps qu’elle revienne sur ses pas, avec un médecin ou un équivalent, seraient-ils encore au même endroit ? Elle les avait laissé sur place, sous la tutelle de son compagnon d’infortune… mais aujourd’hui… Elle mordit l’intérieur de sa joue alors qu’elle marchait. Ça faisait plusieurs minutes qu’elles avaient quitté le camp. Elle jeta un coup d’œil par dessus son épaule. Gyselle suivait. Elle n’avait jamais vraiment fait la discussion avec les autres. Ça ne l’intéressait pas vraiment. Rien ne l’intéressait. Parce que sinon, elle risquait de se lier. D’éprouver des sentiments. De la compassion. Quelque chose qui les rendrait chers à son cœur. Et elle ne pouvait se le permettre. Elle avait déjà souffert de la perte de ses amis. Elle se revoyait, à chaque fois que ses paupières se fermaient, enfoncer la lame de son sabre à travers leur crâne, détruisant leur cerveau. A chacun d’eux. Parce qu’elle avait fui. Elle avait pris ses jambes à son cou dès qu’un début de compréhension s’était fait dans son esprit. Dès qu’elle avait compris que ce n’était pas juste un béquotage. Elle ralentit finalement un peu le pas pour que Gyselle arrive à sa hauteur. — J’espère que Jackie t’a appris quelques trucs. — De nouveau, elle la détailla de la tête aux pieds. Elle-même ne devait pas avoir l’air d’une guerrière, mais il ne fallait pas se fier aux apparences à ce qu’on dit. — Tu faisais quoi, avant ? — Il n’était pas vraiment utile de signifier ce qu’elle entendait par avant. Avant l’épidémie. Avant que le monde ne vire complètement barge. Depuis quand des zombies existaient-ils, franchement ? Mais il fallait bien se faire une raison à force. Ils étaient là.

Calla secoua vaguement la tête. Le monde n’était plus que survie maintenant. Plus rien n’importait. Il n’était plus question de vivre. Plus question de prendre du plaisir. Il n’y avait plus de plaisir. A part celui qu’elle ressentait, mêlé d’adrénaline et d’appréhension, quand elle combattait ses horreurs. Elle inspira une grande bouffée d’air étrangement frais, maintenant qu’il n’y avait plus de véhicules constamment en circulation, et ferma les paupières une seconde pour… reprendre le contrôle d’une certaine façon. — Aller, avançons encore. Je veux être sûre qu’il n’y a aucune de ces créatures stupides dans le coin. — Peut-être espérait-elle même tomber dessus, au final. Elle entendit un bruit, comme un morceau de métal qui racle le sol. Calla haussa un sourcil et se tourna à peine vers Gyselle. — Peu importe l’arme que l’on t’a donnée, il serait temps de la sortir. — La jeune femme elle-même dégaina son sabre presque silencieusement. Elle avança prudemment jusqu’au coin de la rue et passa la tête pour voir ce qu’il se passait de l’autre côté. Un vilain sourire se dessina sur ses lèvres alors que s’étalaient un peu plus loin plusieurs zombies. — Je crois qu’on va se faire quelques têtes. — Le katana attrapa un rayon de soleil. Et Calla se lança dans la ruelle sans attendre la réponse de Gyselle.