Seattle était devant ui désormais. Sa vue se fixa pour regarder les buildings qui découpaient le ciel, là, derrière le lac. Une nouvelle fois les hommes s'étaient unis pour relier ciel et terre, et une nouvelle fois ils avaient été punis, dispersés sur la Terre sans aucun moyen de communiquer les uns avec les autres. Un léger sourire s'étira sur le visage d'Abel. Cette fois-ci, Dieu avait ajouté une légère difficulté en plus: des morts qui erraient pour dévorer les vivants. On ne pouvait pas dire qu'Il manquait de ressources, sur ce coup. Abel sourit à nouveau. Parfois, il aimait à penser que les mythes chrétiens qu'on lui avait inculqué alors qu'il était enfant étaient réellement fondés. Aujourd'hui, il était dans un de ces jours où il s'imaginait quelle interprétation en aurait fait son père, ou plutôt le pasteur de celui-ci. Ainsi les morts reviendrait hantés les vivants, châtiment du Berger qui donnerait son troupeau en pâture parce qu'il aura trop péché. Le plus bête dans tous ça, c'était qu'Abel n'était pas franchement en désaccord avec cette idée. Il aimait à croire que tout ça n'arrivait pas pour rien. Que le monde tel qu'il existait devait être détruit et, s'il n'avait jamais souhaité ni même imaginé une telle horreur, il savait lui trouver quelques avantages. Position difficile à avouer, mais qu'il ne pouvait feindre d'ignorer.

Abel reprit sa route. Il était encore tôt, mais il lui restait encore de la marche avant d'arriver en ville, loin des forêts protectrices où les survivants qu'il suivait depuis un moment maintenant s'étaient établis. Les forêts étaient devenus de véritables refuges depuis l'invasion. Abel, lui, s'en servait déjà de refuge quand il était las des villes. Maintenant que les hommes pullulaient dans les forêts, il fuyait ces dernières pour les villes. Ironique, pas vrai ? Il appréciait néanmoins retrouver la compagnie de ces gens. C'était reposant de pouvoir baisser la garde quelques instants. Et puis il s'entendait relativement bien avec eux. Enfin ! Il ne valait mieux pas penser à ce qu'il quittait, mais plutôt à ce qu'il trouverait. La dernière fois qu'il avait mis les pieds dans la ville, il y a plus d'une semaine, deux peut-être, les marcheurs pullulaient dans les rues. Néanmoins, ils commençaient maintenant à sévèrement manquer de nourriture. Abel espérait qu'ils se seraient mis à chasser plus loin, et à laisser un accès plus libre aux ressource dont regorgeait Seattle. Il avait promis aux survivants de leur ramener quelques babioles qu'on ne trouvait pas dans les forêts.

Depuis qu'il était parti la veille, il n'avait rencontré aucun zombie. C'était peut-être le signe qu'ils commençaient à migrer ? Trop tôt pour le dire, mais Abel venait à penser que son périple était, jusqu'à maintenant, des plus reposants. Étonnamment, chaque paysage paraissait plus beau quand il n'était pas envahi par des morts vivants. Pourtant, son enthousiasme disparut bien vite quand il vit une silhouette étendue là, près de la rive du Lac Washington. A cet instant, il n'y avait pas de doute pour Abel: c'était forcément un rôdeur. Mort peut-être ? Plusieurs choix s'offraient à lui: aller vérifier, ou le contourner. Il jeta un rapide coup d'oeil aux environs. Apparemment, ils étaient seuls aux alentours. Il pourrait l'éliminer rapidement, sans faire de bruit. Ca en ferait toujours un de moins sur le chemin du retour. Il s'approche. Ses mains serrent la lance de fer qui lui servait jusqu'à alors de bâton de marche. Il lui suffirait de lui planter dans la tête, et tout serait terminé aussi vite que ça avait commencé. Ses doigts s'agitaient un peu autour de la hampe de son arme. Bientôt il distingue mieux la créature. Une femme. Elle n'a pas l'air en si mauvais état mais, à ce moment encore, il n'imagine pas qu'elle puisse être vivante. Il est à deux pas d'elle. Il arme son coup. Ses yeux s'ouvrent. Elle parle. Il n'en revient pas.

« - Qu'est-ce que vous foutez là ?» Il avait l'air surpris, et un peu énervé. Il avait failli commettre l'irréparable. « - J'aurais pu vous broyer le crâne. »

Malgré qu'il était consciente qu'elle n'était pas l'une de ces choses, il garda son arme à la main. Il avait depuis longtemps compris que les pires n'étaient pas ceux qui cherchaient à dévorer les autres.