”Bianca, ne sort pas avec tes chaussons, tu vas les salir !”

Je m’en moquais, j’étais une petite fille qui ne se rendait pas compte du monde dans lequel elle vivait. J’avais peur, parfois, de ces monsieurs, de ces madames en charpie qui venaient nous attaquer. Mais les grands m’avaient toujours défendu, et j’avais confiance en eux. Alors pourquoi est-ce que j’aurais peur ? Aucune raison. Et puis j’avais vu un petit carré d’herbe avec des fleurs un peu plus loin du campement. Je m’ennuyais, je n’avais plus la télévision et mes livres étaient déjà lus et relus depuis longtemps… Alors une fleur, c’était l’attraction du moment. Fille unique d’une espagnole d’Europe et d’un américain moyen, je n’avais pas eu l’enfance difficile, mais j’étais une enfant difficile en revanche. De ces enfants qui n’aimait pas les inconnus, jusqu’à ce qu’ils n’en soient plus. Qui restaient dans les jupons de papa et maman en permanence. Sauf quand une fleur m’attirait vers le plus grand danger, qui surpassait de loin les zombies : un homme. Le M.

Il fuyait des Z, et il m’avait vue. Enfin… Pas vue comme un autre me verrait, avec un regard qui analyserait qui j’étais. Non, lui a vue ce qu’il pouvait me faire. Alors, tandis qu’il courait, il me tacla, me balança sur son épaule, sans s’arrêter. J’avais ma tête dans son dos, et je voyais mes parents qui criaient en voyant que je disparaissais dans les bois, ne se concentrant pas sur les Z derrière. Et se faisant mordre à leur tour. J’avais été totalement tétanisée. Que faire d’autre ? Je n’étais qu’une petite fille.

Il m’emmena à son mobil-home, son Antre. Je finis dans une cage, entourée de d’autres enfants, dont Fabian. J’étais catatonique, je ne pouvais pas parler - déjà que je parlais peu. Je ne m’étais même pas défendue ! Après tout, comment aurais-je pu deviner qu’il allait me faire autant de mal ? Il n’avait pas l’air de ces hommes qu’on nous décrivait à l’école, qui voulait nous toucher, mais qu’il fallait crier. Il n’avait pas cet air là, horrible, qui faisait peur.

Oh… Je ne pouvais pas plus me tromper.

”Fabian, garde mes chaussons, il arrive… Il arrive pour moi, je le sais.”

C’était la routine, que j’avais toujours gardée jusque là. Il allait manger dehors, boire un coup si les chapardages avaient été fructueux. Puis, il rotait un bon coup pour venir dans la caravane me chercher. J’enlevais toujours mes chaussons avant, car je ne voulais pas les salir de ce qu’il me faisait. Je ne voulais pas les associer à ça. Ca le loupait jamais. Alors Fabian attrapait vite les chaussons que j’avais retiré à la va-vite, tandis qu’il rentrait, le M, dans la caravane, puis en moi dès qu’il me poussa jusqu’à la chambre. La sienne.

Après ça, je devais ranger, nettoyer. Vider les animaux de leurs entrailles, les préparer pour qu’ils soient bons à manger. Faire en sorte que les cages soient viables. Accepter les remontrances de M, qui les faisait plus pour m’humilier et montrer qu’il avait du pouvoir sur moi, que pour critiquer mon travail - que je savais parfait. J’avais vite compris que la meilleure façon de m’en sortir, c’était de plier l’échine et d’espérer qu’il ne me frappe pas. De toute façon, il le faisait rarement. Il ne voulait pas toucher un hématome géant, après tout, il l’avait dit.

Sauf que lorsqu’il ne me frappait pas, je le faisais à moi-même, afin d’avoir plein de bleus, qu’il ne me touche plus. Au début, c’était passé pour de la maladresse. Ensuite, il avait compris. Et dit que de toute façon, les mômes comme les femmes, c’était pareil, jamais content. Sans rire ? Fabian me convainquit d’arrêter. Que cela ne servirait à rien. Qu’on était de toute façon foutus. Ce n’était pas faux mais… Est-ce qu’il avait réellement raison ? Je n’en savais rien. Mais j’avais arrêté.

”Arrête avec ces fichus chaussons, ils partent en lambaux !!”

Il pouvait dire ce qu’il voulait sur mes chaussons, mais je les aimais, ils étaient à moi et je ne les jetterai plus jamais. Alors, parfois quand il les cherchait car il était énervé, je les cachais dans la cage d’Enzo, qui était arrivé depuis bientôt un an. Derrière sa cage, il y avait une sorte de petite trappe, qui permettait de les mettre à l’abri. Et là, il était encore plus énervé, mais… Au moins il ne les avait jamais touchés. On était là tous ensemble. Bianca, moi. Thomas, Enzo, Fabian, mes mecs comme je les appelais.

Enfin. C’était déjà une époque. Car je perdis l’un de mes mecs. Thomas et Fabian avaient été emmené par le M pour chasser, mais ils ont été chopés par des Z. Alors, le M a abandonné Thomas, blessé… Pour qu’il serve de diversion. Le temps qu’ils rentrent. Et il n’aurait pas dû, le M. Car ça a cassé quelque chose en nous, ça a cassé notre dynamique, notre quatuor qui faisait qu’on était encore soumis. Je m’étais encore plus retranchée dans le silence, Fabian était mort de trouille mais n’en pensait pas moins… Et Enzo, lui, il n’a pas tenu longtemps avant de craquer, et de péter un plomb. Cela lui a valu une punition comme on en avait peu connu : le M lui a fait brûler l’oeil. Et il riait, riait au rythme de mes cris, des hurlements de Fabian, on secouait nos barreaux, c’était horrible, on voyait ça, et lui il riait. Quant à Enzo… Je ne sais plus si on criait en symbiose ou s’il avait eu tellement mal qu’il avait tourné de l’oeil. Enfin l’autre, du coup.

Je le soignai moi-même, tandis qu’il me disait comment faire. J’avais peur, j’avais l’impression que j’avais la vie d’Enzo entre mes mains, et… Disons que ça a cassé ce qu’il y avait de fragile en moi. Après avoir fait ça, je pouvais tout faire. Y compris le trahir, lui, le M, le Monstre. J’avais fait de mon mieux… Pour ensuite échaffauder un plan. Un plan risqué, qui pouvait me tuer, mais je préférais la mort à continuer ainsi. J’avais recommencé à me frapper partout, me faisant des bleus, des plaies, et cette fois-ci, les garçons ne disaient plus rien. Car ainsi, avec ces blessures, il n’allait plus vouloir de moi. De toute façon, je commençais à être vieille. Comme le M le disait, trop vieille, je ne valais plus rien, et j’allais avoir mes règles. Il voulait pas avoir de bébé, alors j’avais ma date de péremption. Et le mieux ? Je récupérai une culotte que je portai… Y mettant du sang sortie d’une blessure au bras. Pour qu’il pense que c’était fini pour moi… C’était bon. Il pensait que j’avais eu mes règles. Ainsi… Il ne me toucha plus.

Il prit Enzo avec lui, sans prévenir qu’il sortait pour enlever une petite fille. Mais nous on le savait. On le connaissait par coeur. Et dès qu’il rentra, on eut une ouverture, pour qu’Enzo lui tire dessus. Malheureusement… La petite mourut aussi. Je crus bien que j’allais crever de culpabilité, mais en réalité, j’avais été tellement cassée, que je pouvais à présent retourner les morceaux qui ne me plaisaient plus, pour ne plus les voir, les ignorer.

Nous partîmes.

”Elle fait flipper la gamine avec son flingue à la main et ses licornes aux pieds !”

En même temps, petit idiot, si tu évitais de nous attaquer quand on se repose, hé bien, tu aurais pas flippé de me voir avec mes licornes. On a pas idée… L’heure de la bouffe, c’est l’heure de la trêve. Depuis deux ans que nous voyagions - vagabondions plutôt - avec Fabrian et Enzo, nous avions instauré le repas au chausson de licorne. C’était mon moment où je pouvais me détendre, mon rituel quotidien qui faisait que je ne perdais pas la tête. Mais lui… Il venait pour nous piller. Pas de bol, je l’avais vu du coin de l’oeil et l’avait pointé du fusil que nous avions pu voler sur des corps. Simplement, il n’était pas chargé et servait surtout de moyen de dissuasion. C’était ce que je voulais faire : le dissuader de venir.

Sauf qu’il avait vraiment faim ce mec, et Enzo s’était amélioré dans l’approche furtive. A peine s’était-il mis en tête de venir nous attaquer qu’Enzo l’avait troué dans la jambe, pour l’achever ensuite. Et si la mort ne me pesait plus depuis un moment, je devais avouer que j’en avais un peu assez que mon ami soit une machine à tuer. Okay, les adultes ne s’étaient pas montrés très sympathiques, et si nous étions encore en vie, c’était parce que nous étions méfiants, débrouillards et surtout, on ne nous voyait pas venir quand on attaquait. Mais ç’en était trop, et surtout, il y eut ce dernier événement qui me décida, avec Fabian, à rejoindre un groupe. Les Sauveurs.

L’événement en question ? Une gifle. Enzo m’a giflée, sur cette même joue que le M avait lui-même visée. Et j’avais longuement hésité à le lui claquer dans la gueule. Mais tandis que Fabian m’avait protégée de lui, je lui avais simplement répondu de ne plus jamais faire cela. Car la prochaine fois, ce sera la dernière, et je saurai lui faire regretter. Comment, je ne savais pas encore. Mais les regrets seront sincères.

Au moins il nous a suivi chez les Sauveurs…

Mais nous n’avions pas pu rester longtemps. A peine le temps passa-t-il que les bombes nous rejoignirent faire coucou au sol. Pour certains, ce fut le dernier coucou. Pour nous, ce fut un retour à la vie sauvage, d’une certaine façon. Cependant, nous avions dû nous séparer, je me demande encore pourquoi… Nous devions nous retrouver à un endroit précis de la forêt. Un endroit qu’on connaissait bien, et quand Fabian et moi y arrivons en premier… L’endroit fut infesté de zombies attirés par une bombe qui était tombée non loin. Ils nous prirent par surprise, Fabian et moi. Il succomba d’une chute, qui avait rompu son cou. Mais surtout, je me rendis compte à ce moment là qu’il m’avait menti pendant tout ce temps, qu’il avait été mordu. Car il se releva, après. Mort mais pourtant encore là.

J’avais dit que je ne ressentais plus grand chose face à la mort.

Mensonge.

Je ne pouvais pas tuer Fabian comme on avait tué d’autres Z qu’on ne connaissait pas de leur vivant. Je m’étais donc enfuie, le plus rapidement que je le pouvais. Et à force de courir, je m’étais perdue, et j’étais à nouveau tombée dans un renfoncement de la forêt, entre des racines, assommée.

J’ai été retrouvée un temps après, un jour ou deux peut être ? Inconsciente, par un petit groupe. Ils m’avaient donné à boire, à manger. Et petit à petit, ils sont parvenus à avoir ma confiance temporaire. Temporaire… Jusqu’à ce que je retrouve Enzo. Car ils ont accepté de m’accompagner sur le lieu de rendez-vous, et il n’y avait personne. Je savais que Fabian était mort, il ne me restait plus que lui, et l’espoir qu’il était en vie. Et mes rollers aussi. Même s’ils ne remplaçaient pas mes chaussons de licorne qui, eux, étaient définitivement partis, dans le sac que portait Fabian quand il était mort.

”Pfff. Je ne les aimais même pas ces chaussons.”

Tyler I. Maxxens a l'immense plaisir de te valider !
Félicitations, tu rejoins le groupe de Shit happens  
Elle est trop chou cette petite Bianca j'ai hate de la voir en action et surtout de voir le duo Enzo/Bianca aka le Bianzo (voila j'ai déjà votre nom de ship ) je viendrais surement te proposer des liens ! Voila bon jeu


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