La matinée était déjà bien entamée, lorsque le Colombien rapporta les provisions de sa pêche. Danielo s’était, comme chaque jour depuis son arrivé à Ellia, déjà bien asticoté avec la marchande, qui n’approuvait absolument pas ses méthodes. Évidemment, il respectait chaque fois les consignes d’hygiène pour les poissons, mais c’était bien la seule chose qu’il acceptait de faire et seulement pour la survie des autres “prisonniers”. Danielo restait particulièrement fermé avec les gérants de ce foutu camp, dépassé par le système qu’il jugeait tyrannique. Comment osaient-ils imposer ce train de vie aux survivants présents ? Pourquoi n’avaient-ils pas instauré un système offrant le choix aux participants de ce projet ? Dan avait clairement l’impression d’être un prisonnier, et il savait qu’il échappait au dernier niveau du camp, “les déviants” seulement parce qu’il le voulait bien, et parce qu’il ne s’écoutait pas. Sinon... il aurait déjà fini au trou depuis longtemps. Dan avait collé son nez au recoin de son t-shirt, constatant la puanteur de celui-ci, alors qu’il n’avait pas encore eu l’occasion de se nettoyer. Les poissons déteignaient rapidement sur les vêtements, et bien qu’à l’époque, cela ne le dérangeait pas, aujourd’hui, alors qu’il avait goûté à la douche presque quotidienne, cela le répugnait. Son comportement restait assez limite avec les autres, ou du moins, il faisait sa propre sélection, chaque fois qu’il rencontrait quelqu’un de susceptiblement utile, ou non. Cela excluait, bien évidemment sa sœur jumelle, et les rares camarades qu’il avait eu la chance, ou pas, de retrouver ici. Danielo était sortie de son interrogatoire, et donc de sa captivité depuis deux jours maintenant, aussitôt accueillit par sa moitié, qui n’avait pas non plus était libéré depuis longtemps. Il n’avait pas vraiment croisé énormément de monde pour le moment, barricadé par les restrictions de son “groupe” suspect. Tirant la pince métallique de sa corde, attaché au bateau derrière lui, il était sur le point de ranger sa vieille barque délabrée, lorsqu'il fut brusquement interrompu par l’un des responsables. Madame la marchande avait encore cafté on dirait... saloperie. « Hey Gomez, tu fais déjà des tiennes après deux jours à ton poste ?! Ellie est là pour prendre le relai, pas pour se taper ta mauvaise foi ! Tu aurais pu clairement lui dire que tu avais terminé, et que le poisson l’attendait dans les frigos, au lieu de lui faire prendre du retard, tu penses pas ? Maintenant, à cause de toi, personne ne va manger à l’heure... ». Sur ses mots, Danielo avait éclaté de rire. « C’est sûr, la ponctualité est viiitale à notre époque...» Le gérant lui avait agrippé l’épaule, l’éloignant des oreilles qui traînaient. « Écoute, j’peux comprendre que cette situation ne te convienne pas, mais les autres n’y sont pour rien, si tu as fini dans le mauvais lot, OK ? Maintenant, si tu ne veux pas que ta situation ne se détériore... je te conseille de faire le taff, et point barre. J’dis ça pour toi p’tit...». Danielo avait soupiré, dissimulant son envie de casser tout le matériel. Il avait déjà pris connaissance des alentours du lac, et probablement que, lorsqu’il aurait retenu et compris tout le système et son fonctionnement, il envisagerait de se tirer de là. En attendant, il n’avait pas pris la peine de répondre à son interlocuteur bien gradé, le jugeant plus conciliant, qu’emmerdant. Ce dernier l’avait laissé finir, alors que Danielo accrochait la barque sur son étagère. Il était en train de se diriger vers les lavabos, lorsqu’il croisa la seule personne encore capable d’éblouir sa journée. « A ta place, je traînerais pas avec les “p’tits lots” comme moi sister, tu vas finir avec les pires morceaux dans ton assiette, une odeur nauséabonde h24, et surtout l’envie de tout détruire...». Lâchait-il, en la dévisageant.  

Cette nouvelle altercation, n’avait, pour une fois, pas fait trop de bruit, n’attirant donc pas de curieux spectateurs, dans le besoin d’action. Danielo avait pour habitude de faire des siennes, et ceux, tous les jours depuis sa libération, n’appréciant pas ses conditions de vie, et la différence entre tous les secteurs. Puis surtout, on lui avait arraché sa si précieuse liberté, et ça, il ne l’acceptait pas. Son superviseur paraissait un peu moins excité que les précédents jours, prenant son temps pour expliquer les répercussions de ses actes, au Colombien. Soyons honnête, il n’avait strictement pas l’intention de faire d’efforts, et encore moins après avoir été dénoncé par sa “collègue”. Une dernière fois, il avait jeté un œil à la cuisinière qui les espionnait par la petite fenêtre, la laissant ainsi comprendre qu’il n’allait pas s’arrêter là. Lorsqu'il put enfin faire abstraction de cette histoire, ce fut pour se préoccuper uniquement de sa jumelle, qui brusquement avait pris la décision de lui rendre visite. S’il y avait une personne capable d’améliorer le train-train de sa journée, c’était bien Valentina. La mise en garde du grand gaillard n’avait, classiquement, pas impressionné la jolie brune, qui sur la défensive, avait immédiatement ricoché sur ses allégations. Cela semblait peu, et pourtant, les propos de Valentina lui avait fait du bien, épongeant un peu la frustration du moment. Dan avait souri timidement, réalisant qu’elle tombait toujours à pique. « Ma malédiction... seulement pour les mauvais jours, mais avec toi... il y en a rarement. » Claquait-il, en abandonnant officiellement son poste, propre. Il avait pris soin d’ausculter l’apparence de sa moitié, vérifiant, et à chaque fois, si elle allait bien. Valentina avait été plus prudente que lui lors de l’entretien avec Vance, puisqu’elle avait fini dans un groupe supérieur. Au moins, il n’aurait pas à s’inquiéter de sa situation. Il n’avait jamais été très à l’aise avec les déclarations, cependant, sa sœur le connaissait suffisamment, par cœur, pour deviner que son soutien l’avait touché. Pour autant, elle n’avait pas fait semblant de ne rien entendre, remettant les deux pieds directement dans le plat, pour l’interroger sur ses nouveaux problèmes du jour. Dan avait perdu son si précieux sourire, lâchant un soupir de lassitude. « J’ai engendré du retard sur la préparation du repas, Oh lala ! ». Ironisait-il, en arquant les sourcils d’un air désinvolte. « Je suppose que... si mes “collègues” étaient un peu moins hargneux, et un peu plus solidaire... j’aurais peut-être envisagé de faire des efforts ? » Honnêtement, même dans ses conditions, tant qu’il n’aurait pas sa foutu liberté, il continuerait de faire le rebelle, et d’ainsi faire ralentir la chaîne de fonctionnement du camp. Danielo avait haussé les épaules, reportant toute son attention sur le visage de sa sœur jumelle. « Rassure-toi, j’ai l’habitude. ». Abrégeait-il, en ne souhaitant pas alarmer la Gomez. « Mais je suppose que tu n’es pas venu pour écouter mes brimades habituelles... alors... de qui es-tu venu me parler aujourd’hui ? Seulement de toi, j'espère.. » Danielo ne tournait pas autour du pot, préférant attaquer directement le vif du sujet. « Et oui Val, j’ai entendu les rumeurs... il y aurait un autre “Gomez” dans la zone des privilégiés... mais honnêtement, je ne pense pas qu’il s’agisse de l'un des nôtres... ». Et puis surtout, il n’a pas le droit de circuler comme il le veut, alors, il aurait encore moins de chance qu’elle de tomber sur quelqu’un.

L'arrogance de sa jumelle lui avait arraché un sourire, alors qu’il tentait de mettre de côté sa récente altercation. L'apparition de Valentina tombait à pic, puisque cela lui permettait de se détendre un peu, et de temporiser les choses. Ils avaient la capacité mutuelle de s’apaiser en présence de l’autre, et ceux depuis toujours. Si seulement elle était arrivée un peu plus tôt... peut-être qu’il se serait épargné cette querelle supplémentaire. Devant le lavabo, accroché à la petite cabane de pêche, Danielo entreprit de se laver les mains et les avants-bras, laissant ainsi sa sœur prendre la relève. Les explications de sa moitié n’avaient pas l’air de l’avoir ravie, tandis qu’il concluait en s’essuyant les mains, abandonnant la serviette derrière lui, pour se rapprocher. Évidemment, lorsqu’elle décida de réagir, il s’était attendu à des représailles, sachant pertinemment qu’une phrase commençant par “je t’aime, tu le sais ?” N’engageait jamais rien de prometteur. Danielo avait roulé des yeux, n’approuvant pas ses conseils, alors qu’elle tentait de lui montrer qu’il était autant en tort que ses collègues. « Parce que tu penses que je vais rester coincer ici toute ma vie ? » Se permit-il de répondre, au tac au tac. « Au mieux, j’arrive à me tirer, au pire, je serais le premier à crever, puisqu’il y a des tuyaux au fond du lac, et qu’ils finiront bien par évacuer quelque chose de plus gros... et qui sait ? qui sera tranquille sur sa barcasse à ce moment-là ? Bibi ! ». Il ironisait un peu les choses, mais au fond, il savait que cela pouvait rester une possibilité. « J’ai pas l’intention de coopérer comme tous les moutons des cuisines, donc... je pense qu’à un moment, ils finiront pas s’habituer, et par m’ignorer... ne te tracasse pas va ! » Danielo ne savait pas lui-même si ce scénario était convainquant ou pas, en tout cas, il restait certain qu’il ne ferait pas long feu au sein de ce camp, et que de ce fait, son calvaire finirait définitivement par s’arrêter à un moment ou à un autre. Valentina avait fini par l’étreindre, constatant sans doute qu’il était dorénavant propre, et qu’il ne puait plus le poisson. Il l’avait serré doucement contre sa cage thoracique, embrassant sa chevelure avant de lui rendre sa liberté. Dan n’avait plus envie de parler de ses problèmes, alors, aussitôt, il avait bifurqué sur la situation de sa jumelle, cherchant à se changer les idées. Elle avait l’air en forme, et toujours aussi enjouée, ce qui signifiait, au moins, qu’elle vivait mieux que lui. Il s’était rassuré ainsi, alors qu’elle ricochait immédiatement sur les rumeurs. Plusieurs fois, et depuis quelques jours, le Colombien avait entendu son propre nom de famille sortir de la bouche d’inconnu, ou de campeurs familiers, mais chaque fois il avait bien compris que cela ne le concernait pas, du fait de la zone ciblée par les caravaniers. Il ne s’agissait pas non plus de sa sœur, puisqu’il était clair que l’identité de l’individu était masculine. Apparemment, il vivait dans la zone privilégiée, et donc, disposait d’un poste suffisamment important pour intervenir auprès des gardiens. Danielo avait eu l’oreille tendu à chaque fois, mais jamais il n’avait pu obtenir d’indice supplémentaire, qui lui permettrait, ou non, d’espérer sur la présence d’un autre membre de sa fratrie. Sans surprise, Val avait l’air bien plus optimiste que lui, n’ayant pas non plus pu enquêter encore sur ce cas. « Tu sais combien il y avait de Gomez sur cette fichue planète avant tout ça ? Le pourcentage de probabilité est faible... ». Ajustait-il, afin de ne pas faire espérer sa sœur, qui s’emballait déjà. Au fond de lui, il en rêvait, mais objectivement, il avait raison, cela ne ferait que les faire souffrir davantage. Il venait déjà d’enterrer une partie de sa famille, lui-même, alors pourquoi s’infliger ça ? Lorsque la jolie brune baissa les yeux, n’assumant pas ses propos, Dan avait soupiré, ne sachant plus comment gérer les choses. Elle avait l’air très touché par cette histoire, et il craignait que cela ne fasse que rouvrir ses blessures, à peine cicatrisées. Le grand brun était en train de la fixer avec appréhension, au moment où elle fut enfin capable d’affronter son regard. « J’ai pas envie... non. ». Rétorquait-il, assez franchement. « Espérer, puis finir déçu... je pense que j’ai assez donné... Pas toi ? ». Il s’appropriait sa question, cherchant à lui faire entendre raison en douceur, sans doute.

Un peu propulsé par l’inconfort de sa situation, Danielo s’était laissé embarqué dans des scénarios catastrophiques, minant instantanément sa jumelle, qui n’avait pas dissimulé son mécontentement. Sur le coup, il n’avait pas vraiment réalisé, mais lorsqu’elle lui rappela qu’il disait de nombreuses âneries, et surtout, qu’elle faisait partie des individus du camp qui “coopéraient” et donc, hypothétiquement qu’il venait de la qualifier de mouton, elle aussi, une petite moue navrée apparut sur son visage, lui tordant la bouche. « C’est vrai... que tu es devenue un peu trop docile, mais au moins tu es en dehors des problèmes ? Pour une fois, je préférerais ne pas t’entraîner là-dedans. ». Admettait-il, en restant toujours très honnête avec sa sœur. Il n’était pas du genre à lui mentir, non plus à peindre le tableau en rose pour lui faire plaisir. Mais au moins, il faisait son possible pour lui dire ce qu’il pensait, de manière délicate ? « Et non, tu n’es pas un mouton, juste un petit louveteau perdu... ». Se reprenait-il, alors que Dan n’avait jamais considéré sa sœur comme telle. Pour la taquiner un peu, et lui montrer qu’il ne la jugeait pas, pas sa propre sœur du moins, il lui avait tapoté l’épaule, accompagné d’un petit sourire malin. « Je n’avais pas envie de me battre avec toi, je te rassure, mais tu me connais... tu savais que je n’allais pas savoir gérer tout ça... c’est pas... moi. ». Ajustait-il, avec un peu plus de sérieux. Valentina le connaissait suffisamment par cœur, et de ce fait, elle ne devrait pas être surprise de son manque d’enthousiasme, quant à cette stratégie de survie totalement imposé. On lui avait volé sa liberté, et malgré ses efforts, il n’arriverait pas à faire avec. « Oui... Val ! ». Elle s’inquiétait pour lui, comme toujours. « Nouvelle hypothèse... mettons que quelqu’un ici décide de monter un plan d’évasion, et que celui-ci soit solide, qu’est-ce que tu ferais ? Tu choisirais de rester ici ? Ou de reprendre le cours de ta survie dehors ? ». Évidemment, Dan n’avait strictement pas l’intention encore, de lui révéler qu’il ne s’agissait pas d’une simple hypothèse ou d’un scénario absurde, mais de son propre plan, encore en cours d’élaboration. C’était beaucoup trop tôt pour ça... Et tandis que Valentina lui faisait face avec bien moins de distance, Danielo faisait son possible pour lui faire un rappel à l’ordre, anéantissant ses possibles derniers espoirs. Les rumeurs sur la présence d’un troisième Gomez au sein du camp semblaient l’avoir bien plus échauffé que lui. Non seulement elle y croyait encore, malgré ses tentatives de démotivations, mais qui plus est, la Colombienne essayait avec entrain de l’embarquer dans son enquête, l’incluant automatiquement dans ses futures investigations. « Hors de question, sans moi, c’est non ! ». Claquait-il de la langue brusquement, en levant son index. Au fond, il craignait de tomber de haut, et surtout de devoir ramasser sa jumelle à la petite cuillère ensuite. « Et n’essaie pas de me berner avec tes petits sourires de tricheuse...». Au fond, il savait qu’elle finirait par gagner, cependant, il avait envie de la faire mariner un petit peu. « Si on se lance là-dedans, et je ne le ferais pas, non, non non, tu vas devoir prendre bien plus de risque que moi, car... je suis interdit dans ce périmètre, sauf en cas de convoca.... non non non ! ». Et merde, voilà qu’il avait déjà des idées.  

Malgré le sentiment de honte qui l’avait envahi, ce n’était pas la première fois que sa sœur tentait de se mêler de ses problèmes. Comme à son habitude, Danielo tentait de l’en dissuader, cherchant à la repousser afin qu’elle ne soit pas associée à sa mauvaise réputation. Elle semblait s’en sortir, en tout cas bien mieux que lui, et il espérait que cette nouvelle situation lui convienne. Alors pourquoi essayer de gâcher tout ça ? Malheureusement, et comme toutes les autres fois, ses efforts restaient vains, puisque Valentina lui tenait tête. S’ils avaient bien quelque chose en commun, c’était l’entêtement, et l’acharnement. Dan avait dévisagé sa sœur pendant de longues secondes, cherchant de nouveaux arguments, mais au final, la meilleure façon de ne pas la mêler à ses histoires, allaient être de faire semblant que tout était rentré dans l’ordre, la prochaine fois. Ce n’était pas très honnête de sa part, surtout vis-à-vis de sa moitié de sang, cependant, il s’agissait là de la seule façon de la protéger. « Ouai... tu vas essayer. ». Conclut-il, alors qu’il ne lui donnait pas raison. Ajuster sa plaidoirie de quelques éléments supplémentaires n’avait strictement pas calmé les ardeurs de sa jumelle, qui lui promettait même de ne pas le lâcher d’une semelle, afin de l’aider. Intérieurement, il savait que cela n’était techniquement pas possible, puisqu’ils vivaient dans des zones différentes, et surtout, travaillait dans des secteurs éloignés. Dan s’était pourtant abstenu de la contredire, ne souhaitant pas lui faire de la peine, en le lui rappelant. Il avait alors récupéré la paume de sa sœur, précédemment déposé sur sa poitrine, et l’avait embrassé, avant de la lui rendre.  
Se débarrasser de ce sujet aurait dû lui rendre service, et soulagé sa conscience, pourtant, il eut l’impression que la réaction hésitante de sa sœur allait être plus terrible à gérer. Évidemment, il s’était attendu à ce type de réponse de sa part... À quoi pensait-il ? Lui demander ce qu’elle ferait s’il lui proposait de quitter le camp ? De s’évader ? Son cœur se serra brutalement dans sa cage thoracique, mais il l’avait dissimulé totalement, tentant de se dire que c’était une réponse prévisible, qu’elle n’aurait pas envie de quitter un endroit aussi tranquille que celui-ci, pour elle. De toute évidence, les risques allaient être énorme, alors autant ne pas la mettre en danger, n’est-ce pas ? Et tandis qu’il mettait de côté ses émotions, ne pensant qu’à elle, Danielo hocha la tête en signe d’acquiescement, comprenant ses arguments. Elle s’était attachée à un gosse, et puis... il y avait Fred. Dan savait déjà depuis le départ qu’il lui plaisait, même si Val ne lui avait jamais avoué. Leurs évolutions n’étaient donc foutrement pas une surprise pour lui. « Oui, c’est vrai... ». Au final, qu’est-ce qu’il le vexait le plus ? Qu’elle hésite, entre eux et lui, ou bien qu’elle ait utilisé le mot famille, sans l’inclure ? Ouai, ça, c’était le plus douloureux en fait. Sa sœur avait avancé, s’était attaché à des individus qui restait constants dans sa vie, présent. Dan... était encore cet éternel solitaire, incapable de maintenir une quelconque relation, en dehors de celle du sang. « C’était une hypothèse stupide, tu as raison...». Concluait-il, en jouant le jeu. Clairement non, s’il devait partir, si son plan arrivait à ses fins... il se contenterait de lui laisser une lettre, quelque chose pour lui expliquer, mais ne l’inclurait pas. C’était un trop gros sacrifice pour elle, que de quitter les êtres qu’elle aimait, mais aussi de se dire qu’elle ferait son possible pour le retenir... que ses efforts se solderaient en échec, et donc qu’elle serait capable de le suivre, de détruire sa nouvelle stabilité. Après cette conclusion, Dan avait fini par ricochet sur les rumeurs d’un autre Gomez au sein du camp, trouvant cette futilité bien plus légère à débattre, que le reste. Il n’y croyait pas, évidemment, mais Valentina si. D’ailleurs, elle espérait pouvoir monter une équipe avec lui, afin de vérifier la solidité, ou non, de ces bruits de couloir. A peine l’avait-il prononcé, que ce foutu sourire irrésistible de tricheuse était apparu sur son visage, forçant Danielà à fermer les yeux. « NON VALENTINA! ». Claquait-il, une fausse dernière fois, parce que concrètement, elle l’avait déjà acheté, cette diablesse. « J’arrive pas à y croire, pourquoi il faut toujours que je me fasse berner... depuis ma naissance tu m’utilises, et je n’ai toujours pas compris la leçon ? Et puis de toute façon, c’est une mauvaise idée, il faut que je me batte ou que je fasse grève pour me faire convoquer, et avoir accès à la zone... je vais prendre cher pour ça, tu le sais ? ». Ouai mais l’idée était maintenant toute trouvée. Et il n’attendait plus qu’une chose, avoir l’autre partie du plan de la jeune femme. Pour compléter ou améliorer le sien ?  

L'étrange bulle dans laquelle s’était hissé le jeune Colombien, depuis de trop nombreuses années, venait de lui exploser au visage ; alors que sa jumelle avait géré sa survie et surtout, sa vie sociale, d’une bien meilleure façon. Pourquoi devrait-il être étonné de l’entendre utiliser le mot famille sans l’inclure, de ce fait ? Il l’avait cherché, n’est-ce pas ? Et tandis qu’il faisait mine d’exclure l’idée d’un plan d’évasion, que Dan avait pourtant bel et bien construit dans le dos de tout le monde, Valentina lui exprimait son inquiétude à ce sujet. Elle n’était pas rassurée du tout, cherchant à lui faire comprendre qu’il s’agissait là d’un plan dangereux, et qu’il pourrait mettre sa vie en péril. Sur le coup, cela ne lui fit ni chaud, ni froid. D'abord parce qu’il se disait qu’il n’aurait que sa vie à risquer, et non pas celle de sa sœur, ensuite, parce qu’il jugeait sa vie complètement futile, et donc, que cela n’engendrerait pas vraiment de conséquence, par rapport à la vie des autres dans le camp. Puis, après avoir reporté ses iris dans les siennes, il réalisa qu’elle était très sérieuse, et surtout, véritablement dérangé par cette éventualité. « T’inquiète pas, je l’ai dit comme ça, sans fondement.» Menteur. « C’est juste que... non pas que les rôdeurs me manquent, et encore moins leurs états de décomposition, mais... ma liberté me manque. Dehors, personne ne m’obligeait à faire quoique ce soit, je me débrouillais tous seul... tu vois ? ». Ses sourcils s’étaient froncés, cherchant à lui faire comprendre son malaise à ce propos. Il n’essayait certainement pas de la faire changer d’avis, quant à ce qu’elle jugeait bien ou non, au sein du camp, seulement à lui exprimer sa détresse. Ouai, Danielo était un peu comme un lion en cage ? Elle l’avait embrassé sur la joue, avant de ricocher sur un sujet tout aussi délicat : le troisième Gomez. Dan n’y croyait pas, ou plutôt, il ne voulait pas y croire. Chaque fois qu’il avait repris espoir, ne serait-ce qu’à cause d’un signe ou d’une trace familière, il s’était ramassé, tombant de plus haut encore, que la fois précédente. Pourtant, Valentina était parvenue à semer le doute dans son esprit, espérant qu’il accepte de participer à ses investigations farfelues. Sur le coup, il avait fait mine de refuser, cependant, ce n’était encore une fois qu’un mensonge, puisqu’elle avait encore gagné. Comme toujours... « Plus sage comme idée, en effet... j’aurais moins mal, et je serais moins puni... ». Rétorquait-il, face aux meilleures propositions de sa jumelle. « Mais c’est plutôt risqué... ils savent que tu es proche de Fred alors... ils vont l’appeler en premier, tu ne penses pas ? Sauf si on le met dans la confidence ? Enfin si tu.. ». Ouai, parce que Danielo ne lui avait pas parlé depuis des lustres. Certainement parce qu’ils ne vivaient pas dans le même secteur, et que de ce fait, ils ne se croisaient jamais ? « Parce que tu en doutais ? ». Claquait-il, avec un air malin, alors qu’elle parlait de l’éventuelle existence d’une sorte de télépathie entre eux. Ce n’était pas la première fois que leurs idées, et même leurs chemins, se rejoignaient. « A ce qui parait, le poisson est très frais, très bon... on a de sacrés bons pêcheurs ici. ». Il lui avait donné un petit coup d’épaule. Évidemment qu’il parlait de lui... « Toutes les nuits, je rêve d’un burger avec des frites maisons, et du fromage qui coule dessus et un grand verre de coca, qui n’a pas dépassé la date de péremption. Est-ce que ça fait de moi quelqu’un d’industriel ? ». Il lâcha un petit rire, avant de la suivre.