Finalement, peut-être bien qu'ils jouent au chat et à la souris, Sara et lui. Dwight ne sait plus bien où se positionner, vis-à-vis d'elle. Il ne sait même pas dire si elle mérite, ou non, qu'il pense à elle. Peut-être qu'il devrait juste l'oublier, ou au moins la mettre dans un coin de sa tête et ne plus du tout songer à sa personne. C'est plus facile à dire qu'à faire, il est vrai... Mais Dwight n'est pas homme à épancher sur ses problèmes, quels qu'ils soient. D'ailleurs, il en a toujours été ainsi... Peut-être même qu'il l'est de plus en plus. Renfermé, replié sur lui-même. Ce n'est pas faute d'avoir rencontré des survivants, au cours des derniers mois. Il est même tombé sur plusieurs d'entre eux. Des hommes, des femmes, des enfants, des adolescents, des personnes âgées (quoi que ces derniers se font de plus en plus rares). Il ne parvient pas à rester avec eux. Ils étaient bien, Sara et lui, dans la petite maison. C'est toujours son pied-à-terre, d'ailleurs, si on peut l'appeler ainsi. Mais il ait des excursions de plus en plus longues, de plus en plus loin, alors Dwight sait qu'il finira par l'abandonner pour de bon. Il ne sait même pas pourquoi il ne l'a pas déjà fait. Le besoin d'avoir ce petit sentiment de sécurité ? Avoir un endroit où se poser les jours où il n'a tout bonnement pas envie de bouger ? Non, sans doute pas. Il ne peut même pas essayer de prétendre que c'est pour l'herbe qu'il fait pousser au fond du jardin. Cela a pris au début, mais ce n'est plus le cas. Et Dwight n'a pas envie de gâcher le peu qu'il a encore en réserve. S'il est tout à fait sincère avec lui-même, il s'avouera peut-être que c'est pour Sara qu'il y est encore régulièrement... Dans l'espoir qu'elle revienne, puisque c'est le seul endroit qu'elle connaisse où elle peut le retrouver. Mais non... Cela fait des mois et elle n'est pas revenue. Pur esprit de contradiction ou besoin de se venger du jour où c'est lui, qui a mis en place pareille fuite ? Il n'en sait rien, et ça le tue.

Quand il y pense. Parce que, la plupart du temps, il veille à ne pas le faire. Faut bien continuer à avancer, après tout. Et Dwight n'est pas aussi sincère avec lui-même qu'il pourrait l'être. Il essaye de ne pas se dire qu'elle lui manque, de ne pas penser à elle plus que de raison... Elle est où elle est, c'est elle qui a pris la décision de partir et il n'y a rien qu'il puisse faire pour la faire revenir. D'ailleurs, il est assez hypocrite pour se dire régulièrement que c'est mieux comme ça, qu'il n'a pas envie qu'elle reprenne sa place au sein de sa vie. C'est hypocrite parce que, dans le fond, elle lui manque sans doute. Un peu, beaucoup. Énormément. Plus que de raison et surtout plus qu'il ne devrait. Que voulez-vous, on ne se refait pas. Son sac sur le dos, un bout de bois lui servant de canne dans la main, Dwight avance en pensant à toutes ces choses. Il garde les yeux partout autour de lui, histoire de ne pas être pris par surprise par un rôdeur ou un survivant trop aventureux. Il est à pieds parce que sa camionnette l'a lâché il y a un moment. Il pourrait se trouver un autre moyen de transport, mais ce n'est pas à l'ordre du jour. Il verra plus tard. Aujourd'hui, il veut aller vers la plage. Voir s'il n'y a pas des crabes à récupérer, voire même des moules s'il a de la chance. Ce serait fort étonnant, mais sait-on jamais... S'il trouve un coin rocheux comme il faut. Il peut bien tenter, après tout. Et il en a marre de manger des fruits trouvés dans les arbres du coin. Il a besoin d'autre chose. Besoin de poisson. Ses pas le mènent jusqu'à la plage et ses chaussures se remplissent vite de sable sans qu'il s'en soucie - il verra plus tard, une fois qu'il sera l'heure de "rentrer" -. Sans qu'il comprenne tout de suite ce que cela signifie, ses yeux se relèvent et se posent sur une silhouette en train de se lever. Devant lui, la silhouette se fait plus précise à mesure qu'il avance. C'est une femme... Et une femme qu'il connaît bien. « Sara », souffle-t-il, suffisamment bas pour qu'elle ne l'entende pas. Il ne va quand même pas y aller de son expression de joie, il n'a jamais été expressif, ne le sera jamais. Et sans doute par peur de déjà trop en dire au ton de sa voix ou à sa façon de faire/de dire, il se fige sur place et dit : « Comme le hasard fait bien les choses. » Ou pas ! Elle est partie et la voilà qui se tient devant lui. Oh, comme elle va être heureuse. Il en jubilerait presque, tiens ! Dans tes dents, Sara. T’es même pas foutu de me fuir.