Rahel & Leandro

ONE BY ONE. HOLLOW HEROES SEPARATE. AS THEY RUN. YOU'RE SO COLD. KEEP YOUR HAND IN MINE. WISE MEN WONDER WHILE STRONG MEN DIE.

Un gémissement lointain parvient aux oreilles de Leandro, qui soupire instantanément. Quand ces crétins vont-ils cesser de chialer comme des morveux et se décider à faire quelque chose . Certains ne sont pas aussi inutiles qu'il voudrait bien le faire croire, mais la grande majorité se laisse vivre. Attend que la bouffe, la boisson et la sécurité leur parviennent sans avoir à bouger le moindre petit doigt. Sans doute exagère-t-il fortement la situation. Elle n'est pas aussi désespérée. La plupart font quelque chose, et se rendent utile sur le 'camp'. Mais la déprime générale lui met les nerfs. Le fout en rogne. Il ne parvient pas à accepter l'idée qu'ils soient tous aussi ... amorphes. Un regard sur la gauche, et on croise le regard perdu d'un gamin de type adolescent. Un regard sur la droite et c'est le visage larmoyant d'un type qui s'en veut de ne pas avoir pu sauver l'ami d'un ami du frère d'un ami. C'est pathétique. Et surtout, ça lui renvoie en pleine gueule son propre désespoir. Ce désespoir là qui le ronge depuis des mois, des années maintenant. Ce désespoir qui le rend si agaçant. Si perdu. Si solitaire. Si impulsif aussi. Ce désespoir qui le bouffe de l'intérieur, ne laissant qu'un vague aperçu de ce qu'il fut, autrefois. A l'époque où faire régner l'ordre était sa priorité. Pas loin derrière elle suivait l'envie de protéger les plus faibles. Et, en troisième place seulement, survenait sa vie de famille. Oh, qu'il s'en veut de ne pas avoir été un père plus présent. Un mari plus aimant et plus attentionné. Et, par-dessus tout, qu'il s'en veut de ne pas avoir été capable de protéger sa petite famille. D'avoir tout perdu dès le départ, comme le dernier des crétins. Il n'a pas été assez prudent et, à présent, il le regrette chaque jour que Dieu fait et leur autorise à vivre.

Enfin, 'Dieu', c'est un bien grand mot. Leandro n'a jamais été un fervent croyant, et cela ne peut pas s'être amélioré. Bien au contraire. Quiconque garde sa foi par les temps qui courent ... a un sérieux problème. Peut-être pas aussi important que celui de Leandro mais tout de même. Accablé par ses pensées sombres, Leandro ressent le besoin urgent de se lever. D'aller marcher. De partir d'ici. Afin de ne plus voir ces visages tristes et ces mines défaites. Sa barbe hirsute est toujours aussi impressionnante mais il n'en a cure. Tout ce qui compte, à cet instant précis, c'est qu'il a foutrement besoin de se défouler. Et pour cela, il sait ce qu'il a à faire. Il le sait depuis très longtemps. Ses pas le mènent hors de leur maigre zone de sûreté, là où il est possible de croiser des rôdeurs. Les mouvements amples de Leandro pleuvent et, son couteau à la main, il tue un certains nombres de zombies. Leur plantent leur cerveau. Il est tellement précis dans ses gestes, qu'aucune trace de sang ne lui tombe dessus, hormis sur ses mains. Il est presque propre comme un sou neuf lorsque, quelques minutes plus tard, une jeune femme débarque. Elle découvre le cadavre des rôdeurs sur le sol et, un peu plus loin, Leandro, l'air plus perdu que jamais. Si la tension est enfin évacuée, il n'en reste pas moins ... paumé. A peine conscient de ce qui l'entoure. Et de qui l'entoure. « C'est pas comme si j'avais besoin de ton aide. » Lâche-t-il, bourru, alors qu'il la voit tendre son arc dans sa direction. Il ne fait pas le moindre mouvement, ne cherche pas à reculer ou à se sauver de là pendant qu'il en est encore le temps. Elle ne le fera pas. Il le sait très bien. « Mes conneries ont peut-être sauvées ton cul. » Son ton est neutre, sans doute parce qu'il vient d'évacuer un peu de sa rage habituelle. Nul doute qu'elle refera vite surface.

 

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