Encore une journée de plus passée dans tout ce merdier. Carolyn avait décidé de sortir hors du camp, quelques heures, histoire de partir à la recherche de sa nourriture du dîner, et pourquoi pas de quelque chose de nouveau, de différent, qui rendrait sa journée un peu exceptionnelle. Les jours se ressemblaient tous, les tâches étaient généralement les mêmes que la veille à quelques choses près, à savoir aller chercher de l'eau, la rendre potable, aller chercher du bois pour faire chauffer l'eau, cuire la viande, enfin ce genre de choses. La jeune femme avait trouvé, du temps où elle voyageait seule, une tente et un vieux sac de couchage, c'est là-dedans qu'elle avait élu domicile, en retrait des autres groupes parmi le groupe. A Yosemite, communauté où elle créchait actuellement, c'était assez particulier. Il y avait à la fois la communauté, donc le groupe, et à l'intérieur il y avait des plus petits groupes, rassemblement de trois ou quatre personnes généralement qui étaient unies comme les doigts de la main. Caro n'était pas fan de ce genre de trucs. Elle préférait se la jouer solo, au moins elle n'était pas embêtée et elle ne devait rien à personne. Bon, certes, elle avait sympathisé avec quelques uns des gens avec lesquels elle se trouvait, mais elle ne voulait plus s'attacher comme elle l'avait fait par le passé. Elle avait entendu parlé de la zone 51, qui avait implosé, envahie de rôdeurs et conduisant les gens qui s'y trouvaient à déguerpir au plus vite pour survivre. Ils étaient tous là, en bande, genre nouvelle famille pour la vie. Tu parles. Ils s'étaient tous sauvés, laissant périr ceux qu'ils n'avaient pas le temps d'attraper au vol. Des groupes avaient été séparés. C'était fréquent d'entendre parler de ce truc là ici, certains n'avaient plus de nouvelles de leur compagnon de la zone depuis ce qui leur paraissait une éternité. Caro ne voulait pas de ce genre de truc. Elle avait déjà été séparée d'un groupe au début, enfin les gens s'étaient tirés c'était encore autre chose. Du coup, aujourd'hui elle préfère garder des distances et c'est pas plus mal.

La journée s'était passée, et l'heure de partir à la chasse était venue. Le soleil allait se coucher d'ici deux ou trois heures, elle avait donc un peu de temps devant elle pour essayer de trouver de quoi se mettre sous la dent ce soir. C'était ça sa nouvelle vie. Il lui arrivait de partir en expédition avec Malia, mais ce n'était pas le cas aujourd'hui. Elle n'avait prévenu personne, seulement pris ses armes et un sac. Elle ne comptait sur personne pour la nourrir, ça ne faisait pas partie des coutumes de Yosemite. Chacun pour sa peau, sauf pour les groupes dans le groupe où ils partageaient leur butin entre eux. Et c'était pas plus mal d'ailleurs, au moins il n'y avait pas d'histoire pour savoir qui chassait plus que l'autre. La jeune femme était donc seule dans la nature, à écouter le bruit des oiseaux tout en marchant tranquillement. Elle connaissait un peu ces bois, bien qu'elle soit à Yosemite depuis deux mois seulement. Dans la mesure où elle sortait tous les jours et qu'elle avait la chance d'avoir un sacré sens de l'orientation, retrouver son chemin ne lui était pas bien compliqué. Ce qui serait le plus compliqué, ça serait de trouver de quoi manger. Elle chassait les animaux généralement, mais c'était assez risqué car elle ne pouvait le faire qu'avec une arme à feu, ce qui avait pour inconvénient d'attirer les rôdeurs. Du coup, lorsqu'elle chassait sa proie, elle ne devait pas la rater et devait surtout se dépêcher de ramasser son butin et filer rapidement. C'est pas qu'elle avait peur des rôdeurs, elle s'y était habituée, mais elle ne voulait pas se mettre en danger inutilement.

Au cours de son expédition en solo, elle arriva au bord d'un ruisseau. Le cadre était sympathique. Elle avait toujours beaucoup aimé les balades en forêt par le passé. Elle décida de s'asseoir quelques minutes sur une souche de bois et d'admirer le paysage (qu'elle connaissait pourtant). Alors qu'elle regardait au loin et surtout aux alentours pour ne pas se laisser surprendre par un rôdeur ou un survivant qu'elle ne connaissait pas, ses yeux se posèrent sur un truc, au sol, qu'elle ne distinguait pas très bien, mis à part qu'il était de couleur foncé. Elle se leva et avança de plusieurs mètres en direction de l'objet qui l'avait interpelée. Il s'agissait d'un sac, une sorte de besace, qui pesait un certains poids indiquant que son contenant pouvait éventuellement être intéressant. Elle l'ouvrit et plongea sa main dedans avant d'en ressortir une bouteille de Whisky. Elle fut surprise par sa trouvaille, mais pas mécontente du tout. Elle n'avait pas bu d'alcool depuis le début de l'épidémie, et elle songea que le moment était plutôt bien choisi. Elle passa le sac en bandoulière et s'apprêtait à retourner s'asseoir sur la souche d'arbre pour déguster tranquillement son breuvage lorsqu'elle entendit des craquements de feuilles et de branches mortes à quelques mètres d'elle. Instinctivement, elle posa sa main sur le manche de son arme, attachée à sa ceinture, prête à dégainer en cas de danger.

Elle dévisageait l'homme qui se tenait face à elle. Un grand barbu, assez trapu, avec une allure de tueur. Ca s'annonçait mal. Elle ne savait pas qui était ce bonhomme, ni ce qu'il lui voulait, mais sur le coup, elle ne se sentait pas très rassurée. En même temps, par les temps qui courraient, il valait mieux être sur la défensive et se tenir prêt, au cas où. Carolyn ne s'était jamais retrouvée face à quelqu'un qu'elle ne connaissait pas alors qu'elle se trouvait seule. Enfin si, elle avait intégré un groupe il y avait un peu plus d'une année de cela, des gens qu'elle ne connaissait pas mais qui ne semblaient pas agressifs ni violents. Il y avait parmi eux une adolescente, sympa la p'tite d'ailleurs. Au début Carolyn s'était montrée méfiante, mais elle ne s'était jamais sentie en danger comme maintenant. Il n'avait pas l'air commode le garçon. Il n'avait pas l'air très discret non plus, rien qu'à voir la façon dont il était arrivé auprès de la jeune femme, faisant craquer feuilles et branches sous ses pieds, comme s'il se fichait de se faire remarquer. Peut être que c'était d'ailleurs ce qu'il cherchait, permettant à la demoiselle de ne pas être surprise, ou moins que s'il était arrivé furtivement. N'empêche qu'il était là, et qu'il semblait y avoir un problème. Bon alors, pour résumer la situation, il commençait par l'agresser avec son regard de tueur, lui faisait savoir que la besace qu'elle portait lui appartenait, mais finissait par lui demander poliment de lui rendre son bien. Y avait comme quelque chose qui clochait, qui ne tournait pas rond. Soit cette bouteille lui avait effectivement appartenu avant qu'elle ne la trouve, soit il tentait de l'intimider, auquel cas c'était raté.

« Je viens de trouver la besace, abandonnée sur le sol. Sauf erreur de ma part, elle ne t'appartient plus. » Elle lui répondit avec un brin de diplomatie. Certes il ne s'était pas ramené en douceur, mais il avait fait un effort pour la politesse, elle avait même eu droit à un s'il te plait. Bien qu'elle ait appris à se défendre et qu'elle n'hésitait pas à sortir les armes, elle avait gardé une once de respect et de savoir-vivre. Dans tous les cas, il valait mieux commencer par rester courtois avec ce type, elle ne faisait clairement pas le poids face à lui. S'il le voulait, il pourrait l'écraser en un rien de temps, mieux valait ne pas prendre de risques. Elle remarqua qu'il était équipé d'une machette. Elle utilisait un couteau de cuisine, mais chacun son truc. De plus, ses vêtements étaient tâchés de sang. Etait-ce le sien ? Celui d'un autre survivant ? Celui d'un rôdeur ? Un mix des trois ? Tout était possible.

« N'y vois rien de personnel, mais bon, qui va à la chasse perd sa place comme on dit. »

Pas sure que cette réponse le satisfasse mais bon, aujourd'hui, c'est la guerre, tout est bon à prendre et surtout une bouteille d'alcool, ça ne court pas les rues. Il n'avait qu'à se montrer plus attentif à ses affaires. Elle l'avait trouvée alors qu'il n'était pas dans les parages, ce n'était pas du vol. Elle avait des principes, si elle avait jugé que la façon dont elle avait trouvé l'objet était ambiguë, elle le lui aurait rendu sans hésitation bien qu'avec beaucoup d'amertume. Là, la situation était plus que claire. Il l'a oubliée, perdue en route, peu importe, il l'a laissée là. Elle est passée derrière lui, point final. Tout imposant qu'il était, il n'allait pas la racketter de la sorte. Elle se devait de résister et de montrer à cet homme comment les choses se passaient désormais. Elle planta son regard dans le sien, pas aussi noir que celui qu'il lui avait adressé, mais pas loin. Elle tentait l'intimidation, bien que, vu la tête du bonhomme, ça semblait peine perdue. Soit, mais elle tentait quand même.

Carolyn ne détourna pas le regard. Elle était, intérieurement, intimidée par cet homme trapu, mais il était hors de question qu'elle cède. Elle n'était pas une trouillarde, bien au contraire, malgré son petit gabarit elle avait du répondant et ne s'était jamais laissée marcher sur les pieds. Ce n'est pas en période d'apocalypse que ça allait commencer. Il semblait agacé par les propos de la blonde, ce qui était compréhensible, mais néanmoins, elle était dans son bon droit de se prétendre nouvelle propriétaire de cette bouteille d'alcool, que ça lui plaise ou non. Elle croisa les bras, en signe de fermeté. Elle n'avait pas envie d'y passer la nuit, il faudrait bien qu'il se fasse une raison. La réponse de l'homme ne lui convenait absolument pas. Il avait beau chercher à se justifier, il était en tort. Elle ouvrit la bouche pour exprimer son opposition à ses propos, néanmoins, il ne lui laissa pas le temps de prononcer le moindre mot. Elle fronça alors les sourcils. Il commençait à l'agacer, et elle allait finir par perdre patience. Elle aimerait mieux éviter d'en arriver aux mains avec lui, elle savait qu'elle ne tiendrait pas bien longtemps face à sa carrure. Malgré tout, elle n'accepterait pas de céder, elle était certes une femme, mais elle avait autant de droits que lui sur cette bouteille, sinon plus étant donné la situation.

"Ma p'tite". Non mais il cherchait vraiment à l'agacer, et ça n'était pas loin d'arriver. Cependant, il n'avait pas tort, le monde qui les entouraient était suffisamment merdique comme ça, sans pour en plus se rajouter des problèmes là où il n'y en a pas. Elle garda le silence mais soupira d'impatience. Elle haussa même les yeux au ciel. Elle ne voulait pas se montrer grossière, mais là, il commençait sérieusement à lui courir sur le haricot. Il était inconcevable qu'elle cède, qu'elle se laisse avoir par ce barbu qui ressemblait plus à un homme de cro magnon qu'autre chose. Elle continuait donc d'écouter silencieusement son monologue. Elle écouta ses trois propositions. Elle fit non de la tête à sa première proposition, c'était peut être la plus avantageuse pour lui, mais pas pour elle. Quitte à négocier, autant que chacun y trouve son compte. Elle lui adressa un regard noir lorsqu'il évoqua sa deuxième proposition. Elle ne tenait pas à se battre contre lui, la seule solution de venir à bout de ce type serait de lui tirer une balle entre les deux yeux. Elle en était capable et n'hésiterait d'ailleurs pas si elle se retrouvait en danger, mais il n'était pas dans la nature de la jeune femme de tuer des vivants, tout comme lui à l'entendre dire. La troisième proposition semblait équitable, elle passerait un moment en sa compagnie, certes, mais l'alcool rendrait certainement les choses plus agréables.

« Je penche plutôt pour la troisième, inutile de se blesser mutuellement, c'est déjà suffisamment la merde comme tu dis. » Elle le regarda se revêtir, se méfiant qu'il n'en profite pas pour sortir une arme et l'attaquer. Elle se méfiait des gens qu'elle ne connaissait pas, comme la plupart des autres survivants d'ailleurs.

« Passe devant, je te suis. » Elle préférait être derrière lui plutôt que devant, au risque qui la prenne en traitre. Il ne semblait pas bien méchant, mais le partage n'était plus vraiment de mise ces derniers temps, elle devait donc redoubler de vigilance, afin d'être sure qu'il ne s'agisse pas d'un piège.

Carolyn constata à la réponse de l'homme que son choix lui convenait, bien que, comme elle s'en doutait, il aurait préféré qu'elle lui laisse la bouteille. Elle lui avait tenu tête en quelques sortes. Elle n'était pas suffisamment bagarreuse pour se lancer dans un combat face à lui, elle ne faisait pas le poids et ça aurait surement été perdu d'avance. Néanmoins, elle était plutôt maligne et avait appris à se battre, un coup bien placé, bien calculé et elle aurait pu prendre l'avantage. Ce n'était pas le but qu'elle recherchait, elle voulait simplement profiter de ce qui lui revenait de droit, et elle était prête à admettre qu'il en méritait une partie, elle n'aurait certainement pas trouvé le breuvage s'il ne l'avait pas oublié au milieu du chemin. Il semblait perplexe quant au fait qu'elle lui demande de passer devant. Il la surveillait, et pour lui montrer qu'elle n'avait aucune intention de l'attaquer de dos, elle le rejoignit et marcha à ses côtés. Elle restait silencieuse, jusqu'à ce qu'ils arrivent sur un chemin encombré de branchages. Effectivement, ils entendraient quiconque emprunterait ce passage, à condition qu'ils ne soient pas trop ivres. Elle l'observa sortir sa machette, et comprit rapidement qu'il ne comptait pas s'en servir contre elle. Ils arrivèrent face à un véhicule accidenté, retourné. Il lui ouvrit la porte de la camionnette. « Merci. » Elle se contenta de cette brève réponse. Elle n'était de nature pas très bavarde, mais encore moins lorsqu'elle ne connaissait pas son interlocuteur.

L'homme semblait détendu, et même plutôt avenant, ce qui dénotait avec son allure de brute. Il était physiquement imposant, mais finalement, il ne semblait pas bien méchant. Il lui fit savoir qu'il était un ancien militaire, et que comme on pouvait s'en douter ça lui facilitait pas mal la tâche avec les armes. Elle lui tendit la main droite en guise de salut. « Moi c'est Carolyn. J'suis pas militaire, j'ai appris à me débrouiller avec mes armes, je vendais des assurances à San Francisco avant, ça m'est pas d'une grande utilité. » Elle s'était installée sur le siège que lui avait tendu Caïn. Il semblait être un bon hôte et avoir de l'éducation, ce qui la rassura d'autant plus. « C'est toi qui a mis cette camionnette dans cet état où tu considères qu'elle t'appartient comme la bouteille ? » Il s'agissait plus d'une boutade que d'une provocation, elle esquissa un léger sourire pour le lui faire comprendre.

Carolyn s'installa, replaçant les quelques mèches de ses cheveux qui avaient ondoyé avec le vent lors de leur marche jusqu'à la camionnette. Elle esquissa un sourire à sa remarque. Effectivement, elle n'avait aucun produit d'assurance à vendre contre les apocalypses, malheureusement... Elle fit simplement non de la tête. Ca aurait été bien trop pratique. Quoi que, si on lui avait demandé de vendre de tels contrats, elle n'aurait absolument pas pris ses responsables au sérieux, comme quoi tout pouvait arriver... Elle fut étonnée d'apprendre qu'il avait trouvé la camionnette comme ça. L'homme devait avoir bu ou être incroyablement fatigué pour finir de la sorte. On ne pouvait pas supposer une attaque surprise de rôdeurs, il en resterait à priori des morceaux tout autour si tel avait été le cas. Surprenant, les risques de pénurie d'essence avaient pour conséquence de réduire la vitesse des survivants disposant encore d'un véhicule... Bref, elle ne chercha pas d'explication particulière à cet événement. Elle observa Caïn défaire les sièges et coincer la porte avec l'un d'entre eux. Bien que cette démarche était censée la rassurer quant à une éventuelle attaque de rôdeurs, elle ne la rassurait pas quant au fait qu'il ne la tuerait pas ici et maintenant. Elle regarda autour d'elle, il n'y avait aucune autre issue. Il avait déposé ses armes sur le siège en question, ajoutant qu'ils étaient là pour passer un bon moment et non pas pour se faire du mal réciproquement. « Mais je ne doute pas de tes intentions, pas de problème. » Elle essayait de paraître détendue, bien qu'elle ne baissait pas sa garde pour autant.

Il lui proposa d'ouvrir la bouteille, à moins qu'elle préférait qu'ils se regardent dans le blanc des yeux. Finalement, il n'avait pas l'air commode comme ça, mais il avait le sens de l'humour, la soirée promettait d'être sympathique. « C'est pas que ton regard soit déplaisant, mais j'ai un peu soif quand même... » Elle sortit la bouteille de sa besace et versa le breuvage dans les deux gobelets que Caïn venait de sortir. Elle la reboucha et la déposa à ses pieds, afin de ne pas s'encombrer ou de risquer de la faire tomber ce qui serait légèrement dommage vu la discorde que ça avait causé entre eux à leur rencontre. Elle ria légèrement à sa question. Il avait l'air de la prendre pour une petite secrétaire visiblement, à moins qu'il n'y ait aucune ironie dans ses propos mais bien une simple plaisanterie. « J'ai commencé à quitter San Francisco en voiture, puis j'ai rejoint un groupe. On a été séparés j'ai du apprendre à me servir des armes, tuer des rôdeurs, chercher à bouffer, bref comme le commun des mortels quoi... J'ai pas pensé à embarquer une agrafeuse, mais ça aurait été loin d'être con, ça peut faire mal ce genre de truc quand on sait bien s'en servir ! » Elle leva les yeux au ciel. Si on lui avait dit un jour qu'elle se transformerait en guerrière prête à tout pour survivre, elle vous aurait ri au nez. Elle ne mentionna pas Yosemite, ne sachant rien sur cet inconnu, elle ne voulait pas risquer d'attirer des ennuis à son camp. « En tant que militaire, ça doit être une partie de rigolade pour toi tout ce merdier, non ? A l'armée vous apprenez tout un tas de trucs de survie non ? » On n'apprenait pas à tuer les morts qui se relèvent, elle l'admettait. Néanmoins, ils étaient quand même plus à même à faire face à des situations extrêmes que le reste de la population, du moins c'était le point de vue de la blonde.

Caïn lui rappela qu'ils allaient partager la bouteille d'alcool, comme s'il était contrarié à cette idée. Après tout, ils étaient parvenus à trouver un terrain d'entente sans en arriver à user de la violence, et bien que la jeune femme avait tendance à se méfier des gens qu'elle pouvait croiser, elle n'était pas contre rencontrer de nouveaux individus de temps en temps. Cela permettait de casser la routine qui s'était installée, un peu trop même à son goût. Elle hésitait à porter son verre à sa bouche, comme si elle craignait un éventuel effet secondaire indésiré. En réalité, elle n'avait pas bu d'alcool depuis si longtemps qu'elle craignait de perdre immédiatement le contrôle d'elle-même. Elle se promit de boire lentement, et de ne pas abuser de cette boisson afin de ne pas mettre sa vie en danger. Après tout, elle ne connaissait pas l'homme qui se tenait en face d'elle, il était hors de question de lui laisser une brèche dans laquelle s'engouffrer sous prétexte qu'ils pouvaient passer un bon moment. Elle devait faire preuve de beaucoup de prudence et ne pas se laisser amadouer. Elle esquissa un sourire lorsqu'il évoqua l'idée d'agrafer la bouche des mordeurs. Effectivement, ça ne serait pas si évident que ça. « Ca aurait pu être une technique, y a des gens complètement tarés. J'ai vu une femme attacher un rôdeur et lui coudre la bouche une fois, elle aurait pu y laisser ses doigts... » Certains survivants avaient perdu toute notion de danger et de rationalité, surtout ceux qui n'avaient plus rien à faire de leur vie. « Remarque, ces pas comme ci on ne croisait pas des tarés tous les jours... » Bon nombre de personnes avaient des réactions étranges que Carolyn ne perdait plus de temps à chercher à expliquer.

Elle écouta les paroles de l'homme et grimaça lorsqu'il lui expliqua qu'une femme avait jeté son enfant aux morts-vivants pour se sauver. Carolyn se demandait si elle en aurait été capable, néanmoins, le nouveau-né aurait eu peu de chance de survivre s'il avait perdu sa mère, alors ça pouvait être compréhensible comme décision. Malgré tout, il fallait avoir beaucoup de courage pour agir de la sorte. Elle acquiesça. Effectivement, les militaires avaient surement eu plus de facilités à appréhender les choses au début, mais maintenant, chacun avait réussi à se débrouiller plus ou moins seul avec les armes dont il avait pu s'équiper, ça ne voulait plus vraiment dire grand chose aujourd'hui. « Je ne suis pas sure de faire le poids face à un militaire, vous avez des réflexes et des réactions différents de ceux des autres, mais ça peut se valoir en effet, ça dépend de chacun. » Caïn but une gorgée de whisky, et la jeune femme en fit tout autant. La boisson lui brûlait la bouche, mais c'était une sensation plus qu'agréable. « Putain qu'est ce que c'est bon ! » Elle avait prononcé ces mots sans réellement y réfléchir. Elle commençait à se détendre un peu plus. Elle fit des yeux ronds lorsqu'il lui proposa de partager un cigare. Carolyn avait ce côté garçon manqué que beaucoup de survivantes de l'apocalypse n'avaient pas. Elle avait déjà eu l'occasion de fumer des cigares, de boire du whisky et de jouer au billard. Ca ne faisait pas partie de son quotidien, mais ça lui était déjà arrivé. « J'vois difficilement comment refuser un cigare... T'as d'autres trucs comme ça en stock Mary Poppins ? » Elle lui adressa un clin d'oeil. Elle semblait avoir fait le bon choix en acceptant la proposition de l'homme trapu, elle aurait pu passer à côté de tant de bonnes choses... Elle n'avait aucune idée de qui il était ni de l'endroit où il créchait, néanmoins, elle hésiterait avant de reprendre sa route, surtout s'il avait encore des choses à sortir de son chapeau. « Comment tu t'es retrouvé ici ? T'es tout seul au quotidien ou t'avais juste envie de priver tes camarades de tes trouvailles ? » L'attitude de l'homme pouvait paraitre peccamineuse, mais peut être avait-il une bonne raison à cela.

La jeune femme ne fut absolument pas surprise par la réponse de Caïn. Effectivement, cette femme était devenue folle à lier pour prendre de tels risques. Chacun réagissait différemment face à la crise qu'ils subissaient, mais Carolyn, bien que téméraire n'aurait jamais pris ce genre de risque. Elle avait souvent tendance à foncer sans trop se poser de questions, mais de là à agir de la sorte, c'était de la folie pure et dure. « J'imagine qu'elle a fini par en crever, quand on agit comme ça, on ne tient pas bien longtemps dans ce nouveau monde je pense... » La blonde hocha la tête lorsqu'il lui donna son avis sur les militaires et leurs capacités d'adaptation à cette situation. Elle se souvient d'avoir croisé la route d'un mercenaire qui lui avait dit que, de toute façon, il avait vécu pire. Elle avait toujours du mal à imaginer ce qui pouvait être pire que de croiser des morts qui se relevaient et qui risquaient de vous bouffer d'un instant à l'autre, mais elle n'était pas rentrée dans le débat. De toute façon, il avait plus l'air d'un abruti qu'autre chose, un mec qui s'accordait une confiance extrême et qui finirait par causer sa propre perte. « Je crois qu'il y a deux types de militaires. Ceux qui se méfient, qui usent de leur expérience à bon escient, et les abrutis qui se croient plus forts et plus malins que tout le monde et qui finiront un jour par en crever... » Remarquez, c'était un peu le cas de tout le monde, militaire ou pas. Certains gus se croyaient plus intelligents que tout le monde, et c'est eux qui finissaient par y rester en premier.

Elle attrapa le cigare et le briquet, l'alluma et le porta à sa bouche avant de tirer une profonde inspiration. Il avait très bon goût, moins bon que ceux qu'elle avait pu avoir l'occasion de goûter dans sa vie passée, mais elle ne crachait pas dessus. Cette soirée était parfaite, plus qu'elle n'aurait jamais pu l'espérer depuis le début de l'épidémie. Bien qu'elle était toujours un peu méfiante face à Caïn, elle commençait par se détendre et baisser sa garde petit à petit. Bien entendu, elle faisait tout de même attention, elle n'était pas à l'abri d'une tentative de sa part de l'amadouer pour lui faire du mal. Elle ria avec lui, il semblait avoir beaucoup d'humour ce qui était particulièrement rare à l'heure actuelle. « Tu m'as l'air d'être un petit rigolo toi, ça change des pleurnicheurs que l'on peut croiser... » Il lui répondit franchement qu'il était dans un groupe, un campement sécurisé. Cette annonce retint son attention, elle qui pensait de plus en plus à quitter Yosemite pour son manque d'organisation et ainsi le manque de sécurité qu'il pouvait lui procurer. Elle devait marcher sur des oeufs avec ce survivant, essayer d'avoir des informations sans lui faire peur, éveiller chez lui une certaine crainte d'attaque ou quoi que ce soit d'autre envers son fief. Elle n'avait absolument pas l'intention de faire du mal à ses collègues, ni même à lui même. Il lui retourna la question, elle décida de jouer franc jeu à son tour, bien qu'elle avait la sensation qu'il s'en fichait plus ou moins. Elle préféra donc rester vague dans sa réponse. « J'ai un campement, ouais, disons plusieurs groupes au même endroit. » Elle acquiesça à ses derniers mots. Effectivement, pour le moment ils avaient d'autres préoccupations que l'endroit où séjournait l'autre, néanmoins, il n'était pas exclu d'en parler non plus. « Deux ado entrain de se la coller dans un monde apocalyptique, j'ai l'impression d'être dans un film à faibles moyens financiers ! » Elle appréciait vraiment la compagnie de cet homme qui ne semblait pas se prendre la tête le moins du monde. Tout ceci n'était peut être qu'une façade, elle se demandait ce qu'il avait pu vivre depuis le début de l'épidémie et si son côté gros nounours blagueur n'était pas en réalité un moyen de masquer la douleur qu'il avait dans son fort intérieur.