Face aux menaces du jeune Colombien, Milo s'était montré particulièrement fier, exposant comme il le faisait si bien autrefois, sa virilité. Danielo n'avait pas parut très impressionné, alors qu'il venait d'être spectateur d'une scène particulièrement brutale, témoignant ainsi de ses capacités physiques. Certes, Milo était devenu très fort, et il serait définitivement un ennemi à craindre ; cependant, Danielo avait beaucoup apprit ces six dernières années, et à force de piller des campements armés, et de voler des clans de militaires, il était devenu plutôt bon en castagne, lui aussi. Malheureusement, avec sa blessure, il risquait de ne pas pouvoir le lui prouver rapidement, réduisant grossièrement son envie de le faire taire. « Six ans, et toujours aussi branleur, en tout cas... ». Se contentait-il de répondre, en secouant la tête. Dan essayait surtout de ne pas partir sur un battle de comparaison, parce que clairement, il ne pourrait pas suivre dans son état. Il avait toujours été le plus grand et le plus malin, le plus habile aussi ; mais Milo restait celui qui avait le plus d'autorité, de pouvoir et d'impact sur les gens. Physiquement, il était un peu plus petit que son allié, et pourtant, il avait toujours été le plus fort des deux. Six années de séparations n'avaient pas suffi à dégrader ses qualités-là chez Milo, bien au contraire, il était même devenu bien plus mature que son camarade. La disparition du grand brun lui avait permis de se ressaisir, profitant de deux minutes d'isolement pour tenter de se gérer. Les retrouvailles avec son ancien meilleur ami engendraient de sévère complication, moralement pour Dan, qui ne parvenait plus du tout à se situer. Il avait autant envie de le gratifier d'une étreinte, que de le frapper, fragilisant l'équilibre déjà défaillant du jeune Colombien. Au final, à chaque fois qu'il hésitait, il décidait d'opter pour une solution de repli totalement contradictoire. Après avoir retrouvé Milo, toujours assis contre le muret du toit, Dan avait ricoché sur un souvenir beaucoup trop flou pour lui, lui réclamant un compte-rendu détaillé. Il était resté planté devant lui, le contemplant de son mètre quatre-vingt-dix. Il n'arrivait pas à se rappeler des évènements, totalement déboussolé. Ce jour-là, après que Milo se soit sacrifié, Dan avait perdu connaissance, et il s'était retrouvé en compagnie d'inconnu, qui pourtant n'avait pas hésité une seule seconde pour le trimballer jusqu'à une zone plus sécurités. Les prunelles verdâtres du maraudeur dévisageaient avec intérêt le visage de son compagnon, agrippant chacun de ses mots pour s'en servir de support. Malheureusement, plus il s'acharnait à se souvenir, moins il y parvenait. À la fin de son récit, Dan était resté paralyser par son impotence, comprenant rapidement que déjà à l'époque, Milo avait tenté de le retrouver, et surtout, qu'il avait atterri dans une effroyable situation, pendant des mois, par sa faute. La culpabilité l'avait assourdi pendant quelques secondes, déglutissant avec difficulté, affaiblit par les révélations du jeune homme. « Mais... c'était ma faute. ». Conclut-il, alors que Milo souhaitait le remercier de l'avoir sauvé. Puis il avait tenté une esquive, en se concentrant sur la blessure de son dernier patient. « J'ai aucunement l'intention de te chialer dessus... ». Larguait Dan, en arquant les sourcils avec indignation. « Et c'est moins pire que ça ne l'était. ». Et c'était vrai. De plus, l'intervention de Milo lui garantissait une guérison prochaine, lui permettant de récupérer un peu de motivation. « Donc... on est quitte. ». Parce qu'il avait amélioré sa situation en le soignant, en contrepartie, Dan l'avait apparemment déjà sauvé ; quelques mois plus tôt. « Bon, dans ce cas, alors, j'pense que j'vais prendre ça... ». Et en atterrissant sur ses deux genoux, il avait récupéré l'une des oranges, essayant de l'éplucher avec sa main et demi. Dorénavant, il se trouvait en face de Milo, encore un peu gêné par ses dernières confidences. « Avec tout ce qu'on s'est dit... ». Si Milo venait d'ouvrir les valves, pourquoi pas lui ? « Pourquoi avoir continué de me chercher ? ». Cette question n'avait cessé de l'obséder depuis le départ, et il n'était pas parvenu à la lui poser jusqu'à maintenant, complètement traumatisé par ses retrouvailles surprises. Étrangement, à force de la retenir, elle avait fini par le duper. Il n'osait plus croiser le regard de son voisin de galère, craignant très certainement sa réaction.  

Qu'était devenu ce guide après l'épisode de la horde? Avait-il péri noblement? S'en était-il sorti indemne? Avait-il rejoint la masse des morts-vivants? Cette personne avait été rapidement reléguée au second plan sitôt que Milo avait reconnu Danielo. La survie de son ancien ami et la sienne avaient tout supplanté : son altruiste, sa bienveillance, sa conscience professionnelle. A cet instant, peu lui importait l'état de santé des proches de son guide, s'il devait quelqu'un, il avait déjà fait son choix. Malgré six années d'absence. Malgré six années de silence. Malgré une sépartion houleuse et pleine de venin. Alors, quand Danielo décréta que la chute de Milo du toit de cet immeuble infesté était de son fait, le blond secoua négativement la tête en levant la main, paume tournée vers son inerlocuteur. Un chuintement doux s'échappa de ses lèvres. Non, ce n'était pas la faute de Danielo, de Tom ou de lui-même. Si Milo avait chuté, s'il s'était fait choper par une belle brochette de tarés, s'il avait été malmené ces derniers mois, ce n'était la faute de personne. Aucun coupable n'tait à blamer...à part le karma ou la chance qui avait été aux abonnés absents suffisamment de temps pour que tout parte en vrille.
Milo avait bien saisi que Danielo n'appréciait pas trop de se montrer faible ou en proie à la douleur. Fierté mal placée ou excès de mauvaise virilité, le fait était que le blond n'avait pas plus envie que cela d'attirer les foudres de la mauvaise humeur de son compagnon qui ne tarderait pas à se manifester. Certes, il pourrait encore encaisser quelques cingleries bien placées mais ça ne durerait pas éternellement. Et s'il devait répondre à la provoc', autant que les forces en jeu soient équitables. C'est pourquoi il avait émis l'idée qu'il s'éclipse, le temps que les nerfs de Danielo se détendent un peu. Contre toute attente ce dernier n'accepta pas la proposition. Il estimait que son état était plus supportable qu'auparavant et ajouta même que maintenant, tous les deux étaient quittes. Milo répondit par un simple "OK" ne mentionnant pas qu'il était redevable envers Danielo. L'irruption de ce dernier dans le jardin du petit pavillon avait offert au blond une chance unique de se débarasser du traqueur. Si le brun n'avait pas été là...s'il n'était pas arrivé...bordel, il serait de retour dans cette cave infâme et puante, oubliée des dieux.
Dan abandonna la station debout pour s'agenouiller au sol, face à Milo. Enfin, il se mit à piocher dans le peu de ressources que le blond avait déniché. Aux yeux de ce dernier, c'était le signe que l'autre avait assimilé l'idée qu'ils étaient bien partis pour se supporter un temps indéterminé. Maladroitement, Danielo se mit à écorcher une orange avant de lui poser une question. Après tout ce qu'on s'est dit... Le regard vairon quitta les mains malhabiles pour se poser sur un visage qui s'efforçait de paraître détaché. ...pourquoi avoir continué à me chercher? Les yeux verdâtres restaient résolument rivé sur l'orange évitant soigneusement de croiser ceux de Milo. Pourquoi lui poser cette question si elle le mettait si mal à l'aise? T'as pas une petite idée, Dan? commença-t-il doucement d'une voix posée sans le quitter du regard. Quand il était devenu évident que l'épidémie serait incontrôlable, quand les petits génies en virologie de la fac avaient révélé leurs conclusions pessimistes, Milo n'avait plus songé qu'à retrouver Valentina et Danielo. La première parce qu'elle était la soeur qu'il avait choisi, le second parce qu'il l'aimait tout simplement. L'angoisse de les perdre ou de les retrouver parmi les morts l'avaient alors incité à déserter, à quitter la faculté et les réfugiés pour partir errer sur les routes avec une quête folle en tête. Il n'avait jamais abandonné cet objectif. Quelques secondes filèrent avant que Milo se passa la langue sur les lèvres et reprit. En pleine catastrophe, on recherche ceux que l'on aime.  

L'ombre avait cette fois complètement envahi la toiture du bâtiment, recouvrant le mètre quatre-vingt-dix du Colombien, qui n'avait pas délogé de sa position. Il n'arrivait plus vraiment à paraître logique dans sa façon de se comporter, déstabilisé par de nombreux facteurs. Le regard indéchiffrable de son compagnon n'avait pas tellement aidé le jeune homme, qui soudainement s'était sentit coupable de sa capture, il y a quelques mois. Si Milo n'avait pas prit la décision de le secourir, alors peut-être que jamais il ne se serait retrouvé dans cette pénible situation. Et aujourd'hui, il ne serait très certainement pas traumatisé par son expérience en captivité... Il ne souhaitait pas remettre la faute sur son ami, et pourtant, tout ce qu'il dirait n'épargnerait pas Dan, qui croulait déjà sous la culpabilité. Le grand gaillard s'était finalement tût, libérant le blond d'un débat qu'il avait clairement catégorisé de tabou. Agenouillé devant son camarade, il tentait dorénavant d'éplucher son orange, tranchant sur l'équitabilité de leurs services rendus. Au fond, Dan n'avait jamais compté les points, il s'était juste octroyé une excuse pour ramasser l'un des fruits, et ainsi pouvoir changer de sujet. Sa maladresse, au départ manuelle, s'était répandue jusqu'à son comportement, alors qu'il osait enfin s'abandonner à quelques questions délicates. Depuis leurs arrivés sur ce toit, le Colombien n'avait cessé de lui tendre des perches, cherchant à obtenir des réponses pour principalement se rassurer. Ils ne s'étaient pas retrouvés depuis tellement d'années, qu'il n'était plus très sur de ce qui le rattachait à son ancien meilleur ami. Ce qui était, il y a six ans, enfouit dans son subconscient, commençait enfin et petit à petit à surgir. Malheureusement, alors qu'il se décidait enfin à mettre les pieds dans le plat, son allié protesta, se servant de l'ironie pour le piéger. Sur le moment, le Gomez planta, détournant, quelques secondes, son attention de l'orange, pour affronter l'air solennelle de son compagnon. Il avait tellement envie de hausser les épaules, en guise de nonchalance, sauf qu'il n'en avait plus la capacité. Au lieu de ça, il avait fait une petite moue avec ses lèvres, comme s'il ne désirait pas se mouiller, en répondant à sa propre question. « Ça fait six ans... ». Glissait-il, malgré tout. « On a tous changé. ». Parce que pour lui, ses interrogations restaient très justifiées. Le silence laissé par Milo, avait été cent fois plus morbide que la présence des rôdeurs, à l'étage du dessous, accentuant cette désagréable sensation chez Dan. Cette minute, pleine de suspense, avait pourtant suffi à plonger son ami dans le doute, jusqu'au verdict final. La réaction du Colombien avait été muette, mais visible ; puisqu'il avait totalement interrompu ce qu'il faisait, pour contempler avec sévérité le visage de son voisin de galère. Devait-il le comprendre aussi broutement qu'il l'avait entendu ? Subsistait-il des restes de sentiments, malgré six années de séparations et de conflits, chez Milo ? À force de se battre contre lui-même, Danielo s'était laissé retomber en arrière, atterrissant sur les fesses, tandis que son orange, à moitié épluché, roulait jusqu'aux pieds de son allié. Il s'était contenté d'un soupir, incapable d'user de ses dernières forces pour se défendre face à la réponse, qu'il avait pourtant, tant attendu.