Une maison comme toutes les précédentes : abandonnée. Dorénavant, aucune ne se démarque du lot ; toutes sont pourries et irrécupérables. Même avec les bons outils, retaper une maison serait ardu. Pourtant, c'est une activité que la jeune Olsen aurait aimé partager avec sa famille. Les tâches physiques la comblaient. Elle a rénové de nombreux jardins par le passé. Elle se serait amusé à découvrir la structure d'une maison, de toucher de nouveaux matériaux. Elle a toujours aimé toucher les choses. Le bois est d'ailleurs une matière qui émoustille ses doigts. Un jour peut-être, les gens pourront à nouveau s'inquiéter pour l'environnement, la santé de l'air. C’est donc dans une maison, semblables aux précédentes, qu’elle pénètre sur la pointe des pieds, sans le moindre espoir d’enfin dénicher quelque chose de satisfaisant.

L’endroit est vide de morts (quel soulagement!), c’est tellement rare de nos jours. Néanmoins, elle parcourt le rez-de-chaussée sur la pointe des pieds, consciente que le silence peut lui sauver la vie. Ni dans le salon ni dans la salle de bains, elle ne trouve quelque chose d’intéressant. Elle se dit donc que, peut-être, elle dénichera quelque chose à l’étage. Du bout des orteils, elle vérifie la première marche de l’escalier. Ainsi de suite, jusqu’à atteindre l’autre étage. L’escalier est en parfait état.

Les miroirs accrochés sur les murs sont sales et poussiéreux ; elle ne parvient même pas à voir son reflet. Le miroir de la salle de bains du haut a été brisé, comme si un poing l’avait sauvagement fracassé. Du sang séché le recouvre. Salomé imagine immédiatement le portrait d’un veuf ayant tout perdu, également la chance de vivre. Une morsure, peut-être? Un homme ne désirant plus voir son visage dans une glace. Peu importe, c’est de l’histoire ancienne maintenant. Elle s’accroupit, commence à chercher sous le comptoir. Persistent encore quelques vieux produits ménagers pratiquement vides. La jeune adulte désespère. Tant de pilleurs dans les rues, que fouiller les maisons en solitaire est devenu insignifiant. Ce n’est plus luxurieux comme avant, lorsqu’elle trouvait facilement un vêtement ou deux, quelques couvertures, des cannes non périssables (faux, elles sont toutes périssables) ainsi que des outils pour se défendre.

Elle fait le tour des pièces ; elle constate que les lits n’ont pas l’air confortable. Elle est répugnée à l’idée de ce qui pourrait se trouver dans le matelas, sous les couvertures : moisissures, fluides, insectes, etc. Pour se reposer, elle décide donc d’empiler toutes les serviettes qu’elle peut trouver au fond de la baignoire. Ce sera son cocon où elle pourra se reposer pour la nuit.

Ses yeux se fermaient, mais un bruit vient rompre son repos. Ses grands yeux bleus s’ouvrent subitement. Ses oreilles écoutent tous les bruits de la maison. C’est peut-être un mangeur de chair qui vient d’entrer. Elle entend un tintement, comme du métal qui se fracasse. Elle attend, elle ne bouge pas de sa place. Si elle se met à marcher, on l’entendra puisqu’elle se trouve à l’étage. Elle entend nettement quelqu’un courir. Est-ce un juron qui s’est perdu à ses oreilles? Puis, finalement, elle entend les rugissements, les grognements. Comment ne pas reconnaître ces bruits si distinctifs après toutes ces années? Des mangeurs de chair sont entrés. Elle soupçonne néanmoins que quelqu’un s’est caché dans la maison.

Elle quitte la baignoire, mais utilise les serviettes pour se déplacer. Elle met ces dernières sous ces pieds pour littéralement glisser sur le plancher. Elle se rend à l’escalier, puis regarde en bas. Elle se souvient de cette journée où, malencontreusement, elle avait été piégée dans une maison. Sauf que l’autre maison avait sans doute été la proie des flammes, pratiquement entièrement démolie. Elle s’était cachée, mais aurait pu mourir. Un jeune garçon d’une quinzaine d’années l’avait libérée de son terrible sort. La vie cherche-t-elle à lui transmettre un message? « Sauve ton prochain, Salomé. » La gamine préférerait partir, trouver une autre maison où se reposer, mais elle ne peut pas abandonner si facilement un être humain sachant qu’un jour un garçon l’avait aidée dans pire situation que celle-ci. Elle est capable de le faire.

- Venez par ici, les petits, venez manger! 

Elle interpelle les monstres qui ne tardent pas à la remarquer. L’escalier est intact ; ils n’auront aucun mal à la rejoindre. Dès qu’ils l’aperçoivent, ils la ciblent. En file indienne, ils s’empressent d’emprunter l’escalier pour aller manger un morceau. Salomé fait demi-tour, tente de trouver une fenêtre où sortir. Pendant ce temps, les mangeurs de chair continuent leur ascension. Salomé trouve enfin une fenêtre. Lorsqu’elle vient pour sortir, elle prend conscience qu’une piscine hors terre se trouve sous ses pieds. L’eau s’est longtemps accumulée, est devenue sale. Ce sera dégoûtant, mais elle n’a pas le choix. Ils arrivent à sa hauteur, elle saute. Son but premier était d’éloigner les mangeurs de chair de l’étage inférieur pour permettre à l’inconnu de se libérer du flux de monstres, peu importe où il pouvait bien se trouver. Ensuite, elle voulait aller ouvrir la porte patio pour que l’inconnu puisse avoir une porte de sortie. Sauf qu’elle n’avait pas pris en compte la présence de la piscine. Et, surtout, elle n’avait pas imaginé que les mangeurs de chair sauteraient, eux aussi, par la fenêtre. Tous tombent dans la piscine d’une couleur immonde.

Ses pieds glissent au fond de la piscine, car la vase s’est accumulée. Elle nage difficilement au travers de branches tombées et d’ameublements de jardin. À un moment, ses jambes sont ralenties par une chaise. Battre des bras et des jambes est inutile pour fuir ; elle doit seulement se concentrer, même si ce n’est pas évident. Et puis, l'eau est tellement froide! Ça ne devrait pas être une préoccupation - le danger derrière elle est pire -, et pourtant c'est " mordant " comme température. Et dire qu’à une époque, elle était gênée de se baigner dans une piscine où tombaient une mouche ou une abeille. Là, on se croirait dans le bayou!

Elle peine à croire que l’homme soit venu jusqu’à elle. Il aurait pu s’enfuir pendant qu’il ne pouvait encore. Si elle n’était pas si pressée de sortir de cette piscine, elle aurait pu pleurer de joie. Sa main se glisse dans la sienne, sans qu’elle ne réfléchisse aux conséquences ; et si c’était un tueur, et si il demandait quelque chose en échange, et si c’était un piège? Salomé ne pense à rien de tout ça, car elle a tout simplement perdu son sang-froid. L’eau alourdit ses vêtements, donc elle doit s’agripper au bord - de sa seconde main - pour sortir à temps. Les mangeurs de chair, quant à eux, sont désorientés même s’ils savent où se trouvent les cibles. Les vagues les propulsent dans tous les sens, surtout lorsque l’un d’entre eux tombe de la fenêtre.

Elle est sauvée, peut-elle y croire? Ils sont sauvés, c’est merveilleux.

Elle devrait se pincer, ne pas s'enjailler trop vite, car la situation pourrait se renverser à tout moment, un peu comme à l’étage quand les mangeurs de chair sont montés et qu’elle n’a pas su réagir plus vite. C'est fréquent, de devoir prendre des décisions sur un coup de tête. A-t-elle bien fait de le sauver?

- Vous m'avez... 

Lorsqu’elle vient pour remercier l’homme, ses prunelles se braquent sur le bras souillé de sang. Aussitôt, une bouffée de chaleur se répand dans tout son corps comme un vent de panique. Elle se dit qu’elle n’est pas parvenue à le sauver à temps. Elle se dit que l’homme a été mordu. Ensuite, elle imagine tout ce sang qui souilleront ses vêtements, soit elle se fera mordre à son tour, soit elle devra abréger ses souffrances en le tuant. Le problème, c’est qu’elle n’est toujours pas apte à tuer un monstre, alors encore moins un homme. Sauf que ça, il ne le sait pas. Par précaution, elle recule de plusieurs pas. Elle est désolée de se montrer aussi craintive, mais la peur de devenir un monstre à son tour est terrifiante.

Elle cherche son sac à dos où elle range généralement ses armes. Un problème se présente : elle a sauté sans ce dernier, qui doit donc encore être à l’étage, dans la salle de bain au miroir brisé. Elle regarde la fenêtre encore bondée des derniers mangeurs de chair... Leurs grognements s'étouffent lorsqu'ils tombent à l'eau. Les bruits se transforment en gazouillements répugnants. Une pensée l'obsède : ses armes sont dans la maison... Elle ne voudrait pas devoir s'en servir, surtout pas contre l'homme qui vient de lui sauver la vie.

- Ce sang, sur votre bras... vous avez été mordu? 

Cette panique est accentuée au fil des secondes. Plus elle regarde autour d'elle, plus elle détaille avec nostalgie le jardin d'une cour arrière. C'est dans un endroit comme celui-ci qu'elle a été témoin des premiers carnages qui ont souillé cette vie qu'elle avait autrefois. Elle n'avait pas besoin de ce souvenir!

Trempée des pieds à la tête, moulée dans des vêtements sales, elle craint que l'homme en face d'elle ait été mordu. Est-ce qu'elle est intervenue trop tard pour le sauver? De quelques centimètres, il s'approche d'elle. Les mouvements de l'homme ne sont pas précipités. Tant mieux, parce qu'elle n'aurait pas supporté l'idée de fuir s'il s'était montré dangereux. Elle est ce chat apeuré qui refuse toute tendresse de la part d'un inconnu.

Salomé n’est pas la seule à observer attentivement la blessure. L’homme semble tout aussi perplexe et confus. Il observe son bras en cherchant les bons mots pour la rassurer. Digère-t-il l’information comme elle? Comprenant qu’elle s’inquiète d’une éventuelle morsure, il confirme que c’est une blessure « normale » comme bien d’autres. Cette réponse paraît tellement simple que Salomé peine à l’assimiler. Pendant quelques secondes, elle reste convaincue qu’il a été mordu au bras. Étant donné qu’elle ne réagit aucunement, il décide de lui montrer l’aspect de la blessure. Ses yeux examinent la coupure au travers du sang frais. Effectivement, la chair n’est pas dentelée donc globalement ça ne ressemble pas à une morsure. Cette révélation ne parvient pas à calmer sa montée d’adrénaline même si son pouls change de rythme. L’adrénaline n’est plus autant animée par la peur d’être confrontée à un homme infecté. Comme quoi les habitudes jouent des tours. Dorénavant, une simple morsure détruit des vies.

- Je pense qu’ils tomberont tous.

Graduellement, elle retrouve ses esprits. Son corps l'écoute à nouveau. Malgré que ses articulations soient glacées au point d'en grincer, elle se dirige vers la porte arrière pour entrer dans la maison. Les mangeurs de chair, quant à eux, se battent sans merci dans la piscine. Ça les occupera pendant un moment. Une fois la porte fermée et verrouillée, Salomé traverse la cuisine pour gagner l'avant de la maison. Elle vérifie compulsivement chaque porte et chaque fenêtre comme si sa vie en dépendait, ce qui est le cas d'une certaine façon. On ne sait jamais ce qui peut surgir derrière une porte.

Même quand elle affronte l'escalier, ses semelles couinent. Ces dernières sont complètement imbibées d'eau. À l'étage, elle s'assure de voir tomber le dernier mangeur de chair avant d'entrer dans la salle de bain où se trouvent tous ses effets personnels. Aussitôt, elle retire tout. Tous ses vêtements sans exception. Mouillée et souillée, elle pourrait chopper des maladies ou, tout simplement, être malade. Dans son sac, elle a quelques vêtements supplémentaires. Ce n'est pas le confort absolu, mais au moins ça dépannera. Le temps qu'ils restent cachés dans cette maison, elle pourra laisser sécher son unique paire de souliers. Elle essore vite fait bien fait ses cheveux avec une des serviettes.

Équipée, elle rejoint l'homme. Elle vient vers lui avec une seconde serviette.

- Pour votre blessure, annonce-t-elle.

Loin de posséder des dons en médecine, elle peut au moins l'aider grâce à son jugement.

- Je n'ai aucun médicament sur moi, je suis vraiment désolée. J'espère que ça ne fait pas trop mal? Sinon, j'ai ça pour nettoyer.

De son sac, elle extirpe une bouteille d'eau. De l'eau de pluie bouillie et raisonnablement potable. Le froid fait trembler sa main lorsqu'elle tend la bouteille à l'homme. On pourrait croire qu'elle est anxieuse de sa simple présence, mais ce n'est pas le cas. Certes, elle ne veut pas trop s'approcher, mais c'est plutôt par précaution, non par crainte d'être blessée - cette fois-ci. C'est toujours mieux de ne pas entrer dans la bulle des gens.

- Si vous savez comment me guider pour vous aider, n’hésitez pas à me diriger. Je n’ai pas tellement l’habitude de soigner les autres ces derniers temps.

Mettre de l'alcool fort sur la blessure pourrait endommager les tissus de la peau à vif. Salomé n’est pas douée pour soigner les blessures, mais elle se souvient que sa mère lui avait déjà expliqué qu’on devait toujours faire attention aux blessures qu’on voulait désinfecter. Mais pour le rassurer, elle pourrait au moins chercher un savon pour nettoyer la plaie. Pendant quelques minutes, elle s’absente afin de trouver quelque chose de pertinent. Elle repère un fond de savon à vaisselle dans l'armoire sous le levier de la cuisine.

Une fois revenue au salon, la brune s'installe sur la table basse.

- Je préfère prévenir : je vais appliquer de la pression sur la blessure. Si jamais c’est trop douloureux, arrêtez-moi. J’aimerais savoir vous rassurer, mais je préfère être honnête.

Avec hésitation, elle prend en main le bras de l'homme pour mouiller la blessure avec l'eau de la bouteille. Elle tente – avec sa logique et les directives de l’homme – de prendre soin de cette lésion. Bien vite, l’eau se teinte d’une couleur rouge qui dégouline sur le vieux canapé oublié. Sans frotter la blessure, elle effectue quelques points de pression avec la serviette trempée du savon. Ce produit était souvent plus utile que tout autre produit nettoyant. L'entaille est sévère, mais ne nécessite pas spécialement de points de suture. L'homme la contredira le cas contraire, si jamais le sang persiste à couler malgré le bandage qu'elle s'apprête à lui installer. De toute façon, elle ne saurait en faire. Salomé n'est  pas à l'aise avec les  aiguilles. Elle enroule un vêtement autour de son bras.

- Promis, si je trouve une bouteille d’alcool, elle sera pour vous.

Par mesure de sécurité, Salomé quitte la table basse pour aller s’asseoir sur un fauteuil éloigné, déposant soigneusement son sac à ses pieds. Elle peut enfin reprendre ses esprits, du moins, en partie. Comme toutes personnes censées, elle restera sur ses gardes aussi longtemps que cet étranger sera présent. Même si l’homme lui a sauvé la vie, il n’en reste pas moins un inconnu. Mais puisqu’elle est blessé et relativement calme, elle se sent en confiance pour la première fois de sa vie face à un homme.

- Comment vous êtes-vous blessé? demande-t-elle.

Elle peut enfin prendre le temps d’examiner l’homme. Il est plus âgé qu’elle. Cependant, elle n’est pas obnubilée par son âge, mais plutôt par l’histoire qui se dégage de l’homme. Que ce soit par son attitude ou ses traits, il affiche une histoire qui semble pleine de rebondissements. Son bagage, même avant l’Épidémie, devait être chargé d’événements. Cette blessure n’est assurément pas la première dont il est victime. Le simple fait qu’il prétende ne pas ressentir la douleur de cette blessure pourrait alarmer Salomé quant à son envie de se battre pour survivre. Salomé à peur d’en arriver au stade où la survie n’aurait plus d’importance à ses yeux. Curieusement, elle a envie d'ajouter :

- Tout à l'heure, quand j'ai vu votre blessure... Même si j'ai pensé que c'était une morsure, je ne vous aurais pas tué. Je n'ai même jamais éliminé l'un de ces monstres. Je n'aurais pas été une très grande menace même si j'ai eu peur sur le moment.

- Nous ne sommes pas sortis de l’auberge si nous devons également nous méfier des bureaux, surenchère-t-elle lorsqu’il dévoile finalement la raison de sa blessure.

Aucune blessure n’est plaisante, mais par cette plaisanterie, elle voulait qu’il comprenne que l’erreur est humaine. Elle préfère de loin qu’un bureau soit en cause plutôt qu’un mangeur de chair. Les conséquences d’une morsure sont irréversibles. À cette pensée, elle se sent houleuse, comme si elle avait passé l’après-midi à bronzer sur un bateau. Elle est bien loin de cet état d’esprit. La seule eau que son corps a rencontrée aujourd’hui est celle contenue dans la piscine.

Pourquoi avoir choisi cette maison plutôt qu’une autre? Elle-même se pose la question. Elle ne réfléchit pas vraiment avant de choisir une maison à explorer. Salomé est plutôt guidée par ses impressions premières. Considérant l’état de la maison contrairement aux autres, elle pensait que les occupants avaient longtemps entretenus la maison après la défaite des morts contre les vivants. De ce fait, elle espérant trouver davantage qu’ailleurs. A-t-elle déjà choisi une maison sous un autre prétexte – si elle ne considère pas les fois où elle devait fuir et trouver un endroit où se planquer rapidement? Cette maison, qu’on l’observe de l’extérieur ou de l’intérieur, ne brille aucunement par sa splendeur. Elle est plutôt banale si on s’attarde aux détails qui sautent aux yeux.

- La force des choses, je dirais. Je n’ai pas vraiment choisi d’être ici. Ça fait un moment que je ne me suis pas demandée où je voulais réellement aller. En ce moment, je dirais plutôt que mon corps me dicte ce qu’il souhaite et je l’écoute sans poser de questions.

C’est une réponse plutôt honnête. La faim et la fatigue l’affaiblissent assurément, au point où feindre appartenir à un groupe n’est plus une priorité. Cette chute dans la piscine a grugé le peu d’énergie qui lui permettait d’être vive et perspicace – autant qu’on peut l’être. L’adrénaline continue de tomber ; mais la faim - fin - persiste.

- Vous savez, on n’espère plus vraiment croiser des gens quand on ère de quartier en quartier. Pendant un moment, j’ai pensé avoir halluciné quand j’ai entendu du bruit au premier. J’ai même hésité à faire un quelconque bruit au risque d’alarmer les morts.

En fait, elle voulait ajouter qu’elle était heureuse d’avoir de la compagnie, mais elle préfère garder cette information pour elle seule. Non pas que ce soit gênant, mais une information comme celle-ci pourrait lui causer des ennuis. Quoi dire... quoi ne pas dire... On ne sait plus tôt où donner de la tête. Mais pour le moment, cet homme est tranquille et ne tente rien à son encontre. C’est plutôt bon signe? Et puis, même si Salomé n’est pas une grande observatrice concernant les émotions des gens, là il est plutôt flagrant que cet homme est frappé d’un manque cruel d’énergie. Il semble las et détaché, comme s’il réfléchissait à sa place dans ce monde. Doit-elle envisager le pire? Pourrait-il se faire mal par démotivation? Depuis longtemps, elle n’a pris soin de personne. Quand on est investie d’une mission, qu’on veut protéger quelqu’un, nos propres malheurs s’envolent pendant un moment. C’est peut-être égoïste de sa part, mais si elle peut apprendre à soigner les blessures de cet homme, au moins elle n’aura pas à quitter cette maison dans l’heure sans savoir où sera sa prochaine destination.

- Vous avez un objectif, après cette halte, quand votre bras fera moins mal? Ne répondez pas si vous ne voulez pas partager vos plans. Je peux comprendre si vos motifs sont personnels.

La tranquillité de l’homme aide Salomé à se détendre – partiellement. En général, la plupart des rencontres se terminent en bain de sang. Les gens courent, tentent de se cacher, tuent des ennemis. Il est donc rare qu’elle puisse faire la conversation à autrui dans de telles conditions. En fait, parfois elle ne leur parle pas du tout. Et comme elle cerne mal la personnalité des gens, elle parvient rarement à créer des relations dites « stables ». Cette journée aurait pu être fatale, mais ce n’est pas arrivé, alors autant en profiter. Salomé aime entendre une voix autre que la sienne, au timbre complètement opposé. Elle pourrait l’écouter parler pendant des heures même si elle n’était pas suspendue à ses histoires. Une fois sa solitude chassée, ses idées semblent s’éclaircirent un peu.

- Ne vous inquiétez pas pour moi, assure-t-elle sans élaborer sur le fait qu’elle n’a aucune destination à son programme. Vous avez bien de la chance d’avoir quelqu’un dans votre vie, qui tient à vous. J’espère que vous retrouverez cette personne. Vous dites l’avoir laissée derrière. Rien de grave n’est arrivé lorsque vous avez été séparés?

Elle préfère s’informer, car si la personne est dans le besoin, elle ne retiendra pas cet homme plus longtemps ; elle lui donnera tout ce dont il a besoin pour son voyage et s’assura que sa blessure ne s’ouvre pas au premier mouvement brusque. Olsen sait combien la sensation de perdre quelqu’un est épouvantable. Au début de l’Épidémie – si elle avait su tout le mal qui en découlerait – elle serait partie hâtivement à la recherche de ses proches plutôt que d’attendre qu’ils viennent la secourir. Elle aurait tout fait différemment ; elle aurait appris plus rapidement. Sans pouvoir se sortir de la tête cette personne laissée derrière, elle ajoute :

- Est-ce que cette personne viendra à votre recherche?

Cette question est plus complexe qu’elle n’y paraît. Si cette personne vient se promener dans les environs, la cour devra être nettoyée. La tonne de croqueurs tombés dans la piscine n’était probablement qu’un échantillon des environs. D’autres ont sûrement envahi le quartier. Croire que cette journée pouvait être plus calme que les précédentes était un leurre, finalement. Comment fait-on pour continuer d’espérer alors que chaque jour est une plaisanterie de plus?

De toute manière, elle ne devrait pas se reposée. La réponse de l’homme ne devrait même pas influencer ses actes. En toute logique, elle devrait s’assurer que les morts restent morts. D’autres viendront. D’autres seront piégés. D’autres mourront. C’est un cycle vicieux, interminable. Les mangeurs de chair doivent être éliminés. Ensuite, elle pourra se permettre un repos. Même si elle n’est toujours pas apte – ou à l’aise, qu’importe le terme – à l’idée de mettre sous silence un monstre, elle doit se résoudre à faire cette tâche particulièrement répugnante et regrettable. Déjà, elle ouvre son sac à la recherche d’une arme sans même avoir exprimé le fond de sa pensée à l’homme qui se trouve en face d’elle. Elle est tellement habituée à vivre avec sa propre conscience qu’elle pense « penser » tout haut. Elle doit nettoyer. Elle est empressée. Elle cherche dans son sac. Elle est concentrée.

L'homme avoue sans honte que la personne laissée derrière n'est pas là parce qu'elle n'apprécie pas affronter les monstres de l'extérieur, non parce qu'elle est en danger. La brune cesse donc de chercher une arme et se contente d'écouter. Salomé éprouve de la reconnaissance envers cet homme de faire seul cette sale besogne, d'aider autrui parce qu'il en ressent le besoin. Depuis l'apocalypse, personne ne s'est jamais sali les mains pour Salomé. Est-ce qu'une seule personne sur cette Terre tient encore à elle au point d'en mourir? Personne ne s'est aventuré dans les rues et les magasins pour trouver des boîtes de conserve tandis qu'elle surveillait un abri. Une fois, alors qu'elle mourait littéralement de faim, elle a quitté un abri à la recherche de nourriture et lorsqu'elle est revenue un individu s'était emparée de son toit. Évidemment, tout vagabond aurait été attiré par le confort de cet endroit et les couvertures relativement propres. Salomé n'était pas retournée à cet abri et avait poursuivi son chemin à la recherche d'un nouvel endroit où dormir. Est-ce que cet homme devant elle a trouvé ce qu'il cherchait lorsqu'il est sorti? il ne semble pas davantage inquiet, donc il n'est sûrement pas parti depuis longtemps. Du même coup, Salomé essaie de faire comme lui et tente de se calmer. Les monstres sont dehors et ne semblent pas prêts à défoncer les portes.

- Je n'ai pas toujours été seule, mais je n'ai jamais vraiment été accompagnée non plus.

À une époque, elle s'entêtait à faire le tour des adresses qu'elle connaissait de membres de sa famille. Chaque maison pourtant était vide. Souvent les maisons avaient été vidées avant son arrivée. Sans doute qu'ils ont pris une décision réfléchie au début et ont rejoint les camps de l'armée où la protection était promise. Elle ne croisait pas de membres de sa famille au fil de ses aventures, mais elle a rencontré des gens qui ont marqué son parcours. La question est tellement plus pertinente qu'elle n'y paraît. donc non elle n'a pas toujours été seule, mais elle se sent seule. Elle ne rêve même plus la nuit de serrer sa mère dans ses bras. Comme chaque fois, elle trouvera sans doute un groupe ou s'établir un certain temps. En communauté, elle ne ressent pas d'amertume. Quand elle est entourée, elle se reconnecte avec l'ancienne Salomé.

- Si nous n'avons pas à nettoyer la cour, nous devrions utiliser ce temps et manger quelque chose. Nous ne serons pas à l'abri éternellement. J'ai de quoi nous remplir l'estomac pour plusieurs heures.

Salomé ne se souvient pas à quel moment ses habitudes ont changé. Au début, elle se cachait des dangers. Elle pouvait facilement ignorer des gens en détresse dans le but de sauver sa propre vie. Ensuite, est venue l'époque où elle prenait des risques pour sa survie. La générosité qu'elle possédait avant l'apocalypse à doucement refait surface à mesure qu'elle s'habituait à ce nouveau monde. Il aura fallu plusieurs années avant qu'elle n'arrive à rendre service aux autres. Prendre soin de l'homme blessé est selon elle une évidence. Or, quelques années plus tôt, elle aurait seulement eu peur de lui il n'aurait pas tenté de l'aider.

L'homme concède. Salomé est rassurée de constater qu'il n'est pas craintif à son égard. Il est vrai qu'elle semble douce et généreuse, mais les apparences sont souvent trompeuses. Il aurait pu se tromper et cela lui aurait coûté la vie. Heureusement, cet homme ne semble pas dénué de ressources malgré l'énorme maladresse qui lui aura valu cette maligne blessure. Il accepte donc l'offre de Salomé qui s'exécute.

À la cuisine, elle remarque les cannes de conserve mentionnées. Une soupe au riz et aux légumes? Pourquoi pas. L'homme aura besoin d'être hydraté. C'est sûrement le mieux qu'elle puisse trouver pour le moment. Elle fouille les armoires pour trouver quelque chose d'assez solide pour ouvrir la canne. Si elle n'avait pas vu la blessure de l'homme, elle n'aurait pas eu le réflexe d'enrouler sa paume dans une petite serviette à main. Alors d'un coup, elle ouvre la canne sans se blesser. La soupe est plus épaisse que prévu, mais qui s'en plaindra? Présentement, la brune n'a rien sous la main pour faire du feu. Ce sera une soupe froide.

Du coin de l'oeil, elle peut voir que l'homme - dos à elle - est toujours installé sur le canapé. Il ne bouge pas beaucoup. L'homme disait vouloir dormir ; mais ce n'est pas d'un court sommeil - assis sur un canapé - dont il a réellement besoin. Il a besoin d'un vrai bon repos. Mais ce sera après avoir mangé. Alors pour le garder réveillé le temps qu'elle arrive, elle ajoute :

- J'aurais aimé vous proposer quelque chose de plus consistant, mais je ne suis pas une grande chasseuse.

Autant dire que son propre corps manque de protéines.

Salomé n'a jamais eu l'occasion de prendre soin d'un père accablé d'un rhume, n'a jamais eu l'occasion de montrer combien elle pouvait être utile et attentionnée lorsqu'elle apprécie réellement une personne. C'est un sentiment curieux qui monte en elle lorsqu'elle dépose le bol de soupe sur la table basse, car elle lui offre entièrement la canne. Vue sa propre corpulence, elle peut gérer un manque d'énergie. L'homme a besoin de combler davantage qu'elle.

Un sentiment depuis longtemps oublié gagne son estomac : la bienfaisance. Un homme peut-il réellement avoir besoin d'elle? Elle hésite grandement avant de l'approcher, donc le fait en douceur pour ne pas donner l'impression qu'elle le prend par surprise pour une raison ou une autre. Du revers de la main, elle touche son front et confirme ses soupçons. L'homme fait de la température. En quelques secondes, elle retire aussitôt sa main. Ses doigts s'agitent légèrement, comme s'ils chassaient toutes sensations. Depuis tout ce temps, seule dans les rues, les touchers sont devenus rares et lui procurent plus de mal que de bien. Mais pour le bien de l'homme, elle n'avait pas le choix.  

- Je ne suis ni cuisinière ni infirmière, mais je crois vraiment que vous devriez manger. Les morts sont partout, alors je ne partirai pas de si tôt. Profitez-en et dormez. J'ouvrirai l’œil et vous avertirai si ça se gâte.

Pour confirmer ses dires, elle lui impose la canne ainsi qu'une cuillère dénichée à la cuisine. Qu'il profite de sa générosité. En dehors de ses murs, elle aurait été plus craintive, n'aurait pas forcément osé monter la garde pour une autre personne qu'elle-même. Salomé est une jeune adulte remplie de bonté, mais ce monde l'oblige à refouler ses bonnes qualités et à exprimer généralement ses pires défauts. Et pendant qu'il va manger, elle va lui trouver le nécessaire pour qu'il dorme « plus confortablement ».

L’homme mange, elle évite de l'interrompre. Une fois la canne bien entamée, presque terminée, elle mentionne ne pas avoir faim histoire qu'il puisse avoir bonne conscience. C'est à la fois un mensonge et une vérité. Oui, elle peut se passer de nourriture pendant plusieurs heures, mais manger quelque chose de consistant serait tellement satisfaisant. Mais ça devient une habitude, et Salomé sait se rationner ; disons qu'elle a vécu pire à ce jour… et vivra certainement pire.

Et tandis qu'il termine ce repas d'une simplicité absolue, elle vagabonde dans la maison. D'abord, elle trouve quelques coussins, ensuite une couverture. Elle les tapote juste assez pour expulser la poussière accumulée. Une fois que l'homme est rassasié, elle vient l'aider à mieux s'installer sur le canapé, prenant soin de ne pas accrocher son bras blessé. Les coussins sont glissés sous la nuque, la couverture est posée sur son corps. Salomé vient étalé sur le front de l'homme un linge sommairement imbibé de l'eau de la bouteille. C'est surtout pour que son corps ne dépense pas d'énergie supplémentaire, au repos, pour réguler sa température. Salomé n'est pas une experte, mais elle est fière d'avoir retenu les apprentissages de personnes rencontrées au fil du temps.

- J'aimerais vraiment faire plus…

Ce murmure ne s'adressait à personne en particulier. Elle réfléchissait surtout à voix haute. Mais l'homme est déjà bien épuisé et n'entend sûrement plus ce qu'elle raconte. Les obstacles de ce monde sont à ce point puissants qu'ils parviennent à terrasser un homme aussi robuste que lui. Elle n'est pas aussi solide que lui, donc est terrifiée à l'idée de subir les conséquences de ce monde. Les hommes sont encore plus terrifiants de toute manière.

Puisque ses souliers sont imbibés d'eau et que ses autres vêtements sèchent, elle décide de refaire un tour de la maison, cette fois avec plus de patience. Si elle n'observe pas par les fenêtres, elle regarde les objets. Tout à l'heure, elle s'attardait sur les miroirs, comme si les images piégées à l'intérieur de ceux-ci racontaient des histoires. Là, c'est plutôt les photographies qu'elle détaille du bleu de ses yeux. Elle entre dans un bureau poussiéreux. Celui-ci n'a presque pas été retourné contrairement aux autres pièces. Sûrement que personne n'y voyait quoique ce soit de pertinent à voler. Jusqu'à présent, néanmoins, c'est la pièce préférée de Salomé, car cette pièce semble normale, même si elle est amochée et abandonnée. Olsen s'installe sur la chaise de bois derrière le bureau, caresse les accoudoirs du bout des doigts. Le travail minutieux de l'ébéniste l’ensorcèle. Elle aimerait pouvoir faire ça un jour. Mais le résultat serait plus brut. Elle pense déjà à se lever, car la maison ne doit pas rester sans surveillance trop longtemps. Mais par curiosité, elle tire un tiroir. Ses yeux tombent aussitôt sur la bouteille d'alcool.

Personnellement, elle n'a jamais eu de mauvaises expériences avec l'alcool. Mais avec autrui sous l'effet de l'alcool, c'est une tout autre histoire. Elle a dit à l'homme qu'elle lui donnerait une bouteille si elle en trouvait une. Osera-t-elle mettre sa propre vie en danger? Salomé repense à ce qu’une personne sous l’influence a tenté de lui faire et elle aimerait se dire que c’est suffisant pour priver l’homme de ce soin. Serait-elle assez égoïste? Elle pourrait aussi bien en vider la moitié, en laisser juste assez pour la blessure et non son confort personnel. Et voilà qu’elle repasse en « mode survie ».

La fille se décide enfin. Elle va jusqu'à la cuisine non sans jeter un regard à la cour arrière. Elle vide une partie de la bouteille dans l'évier. Sa survie est plus importante. Elle vient ensuite glisser silencieusement la bouteille sur la table basse du salon. L'homme pourra l'admirer à son réveil. Mais par précaution, elle glisse quand même la paire de ciseaux qui se trouvait dans son sac dans la poche de son jean. Comme ses cheveux sont sales et mouillés, elle les ramène en une queue de cheval bâclée et vient se poser devant la fenêtre du salon pour observer les alentours. Un peu de calme ne fera de mal à personne, surtout à cet homme.

Olsen se sent bien, profite également de ce calme inhabituel. Durant la première heure, son regard se perd dans l’horizon. Plusieurs mangeurs de chair déambulent dans la rue sans vraiment la voir. Le soleil qui se couche se reflète sur chaque fenêtre encore intacte ; donc empêche quiconque (ou quoi que ce soit) de voir au travers. Elle est une silhouette, une ombre, parmi toutes celles qui dansent dans le quartier. Et ce quartier devient silencieux à mesure que les morts s’éloignent. Le silence de la nuit qui s’installe est uniquement brisé par le souffle morbide des laissés pour compte et le clafouti de l’eau engendré par les noyés. Elle fait ça, parfois, s’attarder aux bruits de son environnement pour détecter la présence de survivants.

Ses yeux ne sauraient se fermer malgré la fatigue qui gagne graduellement chaque cellule de son corps. La peur est un sentiment capable de garder un homme éveillé : la peur de ne pas voir le danger arriver. Et lorsqu’elle se lasse d’observer la vue, elle tourne son regard éveillé vers l’homme endormi. C’est drôle comme chaque rencontre est différente ; Salomé n’ose pas imaginer comment peut être l’homme dans son état normal, car elle apprecie l’homme tel qu’il est là en ce moment. Il est inoffensif et elle se sent rassurée. Pour tuer le temps, parce que la fatigue ne parvient pas à l’envelopper complètement, elle entaille le plâtre qui encadre la fenêtre à l’aide de ses ciseaux qui était précédemment dans sa poche de jean. Bon sang que certaines choses lui manquent. Elle aimait ça, la découpe du bois. L’odeur qui suivait le travail était particulier, si on oubliait les nombreuses particules de bois qui la faisaient éternuer.

Dans les autres heures de sommeil de l’homme, avant qu’il ne fasse complètement noir, Salomé s’empare de tout ce qui peut lui être utile dans cette maison. Elle range ses vêtements sales dans son sac dans l’idée de les laver plus tard. Comme ses souliers sont encore imbibés d’eau, elle en trouve des nouveaux. Dans le bureau examiné, elle dérobe deux ou trois livres. Elle se dit que trois est un nombre adéquat : ce n’est pas trop lourd à transporter. Si elle ne les feuillete pas, au moins elle pourra se servir des pages pour alimenter les feux qu’elle fera. Ces nombreuses tâches l’occupent pendant des heures. L’homme n’ouvre les yeux sous aucun prétexte. Il devait vraiment être épuisé.

Même qu’à un moment, la jeune Olsen s’est assise sur la table basse pour l’observer dormir. Toutes distractions sont bonnes à prendre. Sans se laisser submerger par la peine ou le regret, elle a quand même penser à son père. Aurait-elle préféré qu’il soit comme cet homme? À la fois vulnérable et fort. Son père n’était rien de tout ça. Pourtant, Salomé aurait pu être là pour lui. Et sur cette pensée, elle se dit que son devoir ici a été accompli. L’homme est reposé - pourra retourner à ses occupations une fois réveillé. L’homme avait seulement besoin d’un petit coup de pouce - comme elle en a eu besoin un jour. Mais, ça s’arrête là. Salomé ne veut pas créer des liens avec tous les survivants rencontrés. Elle sait combien la plupart des rencontres se terminent mal. Un jour, elle trouvera l’endroit qui la poussera à défendre son prochain (comme avant).

Dans l’immédiat, elle préfère partir. Dès qu’elle est prête, elle quitte l’endroit en s’assurant qu’aucun mangeur de chair ne peut entrer dans la demeure pour surprendre l’endormi. Salomé est donc à plusieurs kilomètres de là lorsque le jour se lève. Les mangeurs de chair sont à bonne distance. Ses pas écrasent les détritus. Son sac pend à ses épaules. Et de nouveau, elle se retrouve seule avec ses pensées, sans la voix de l’homme pour lui raconter son vécu. Aurait-elle aimé en savoir plus? Une chose est sûre, s’il ne meurt pas de cette blessure, ils finiront par se recroiser. Et si cet homme était vraiment bon, elle espère s’être améliorée, être devenue une meilleure personne, une personne assez forte moralement pour ne pas l’abandonner par peur qu’il soit un monstre parmi les autres.

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Tout à fait.   Voilà une rencontre qui se termine sur une bonne note. Leandro aura permis à Salomé de prendre conscience qu'elle peut aider son prochain sans devoir craindre tout le monde.