Blood sister

Lauren & Aileen

Le monde n'avait plus rien de ce qu'il avait un jour été. Quand nous ne perdions pas des proches, nous devions faire face à la faim, la soif et à tout ce à quoi nous n'avions plus droit par les temps qui couraient. Pour ma part, j'avais déjà beaucoup trop subi pour en sortir indemne. Bien évidemment, quand l'épidémie s'était propagée, j'étais très loin de chez moi, et le temps que je tente de m'y rendre, dans l'espoir que ma famille y soit encore, en pleine forme, et en sécurité, notre maison familiale était vide de tout occupant. Désespoir. Envie de mourir. L'atroce douleur, en faisant face à tous les souvenirs, dont les principaux intéressés étaient morts. Tués. Peut-être même transformés. Prêts à bouffer n'importe quel survivant passant dans le coin. Me faire arracher mon coeur à mains nus aurait sans doute été moins douloureux. Tout aurait été fini plus rapidement au moins. Mais j'avais été trop faible pour en finir, comme quoi, l'instinct de survie de l'homme était plus fort que tout, même face à la perte des êtres qui m'étaient le plus chers. Et j'étais tombée sur ce groupe. Bien armés, forts, errant et sûrs d'eux. Qu'aurais-je dû faire ? Les rejeter et poursuivre ma route en solitaire ? Les semaines précédentes m'avaient largement démontrée que je n'étais pas vraiment capables de cela. Et puis, le pire était arrivé. Dans un tel monde, où le chaos avait inondé chacune de nos rues, et où toute forme de cadrage et de société avait disparu, les plus viles personnes en profitaient. J'avais malheureusement eu affaire aux pires, à ces gens que l'on rêve à tout prix de ne jamais croiser, surtout lorsque l'on est sans défense, privée de toute famille. Mais la roue tourne comme on dit, et j'avais réussi à leur échapper, à en tuer quelques uns au passage. Et aujourd'hui j'étais là, en Arizona, dans un groupe auquel j'avais encore un peu de mal à me faire. La peur de se laisser aller, la peur de faire confiance, et d'être de nouveau au centre d'opportunistes, avides de faire le mal et de profiter de cette apocalypse, qui s'était abattue sur nous du jour au lendemain. Et pourtant, je restai là. Pour Ezeckiel. Et parce que, quelque part au fond de moi, la Aileen de New-York y était encore ... J'avais juste besoin de briser ces barrières de protection que j'avais érigées autour de moi, même si cela promettait d'être difficile ...

Aujourd'hui, une fois de plus, avec quelques autres personnes du groupe, nous avions décidé d'aller faire le tour d'une ville voisine à notre campement, histoire de récupérer quelques provisions diverses. Et comme à mon habitude, j'avais pris un peu de distance par rapport aux autres, parce que j'avais une nette tendance, des derniers temps, à m'éloigner de plus en plus d'Ezeckiel, et aussi des autres. J'étais déjà trop attachée à chacun d'entre eux, et cela ne me semblait définitivement pas être une bonne idée. Du coup, j'avais pris un couteau, que je gardai en main, un second que j'avais glissé dans mes bottines, et enfin, une arme à feu qui était entre ma ceinture et mon pantalon, et j'étais partie dans une autre direction. A quelques mètres de ce qui ressemblait nettement à une station service, je me stoppai net. Il y avait là une voiture et sans doute n'aurais-je pas dû y faire attention mais tout me poussait dans cette direction. De la voiture qui semblait garée là de manière à ne pas être un ralentissement gênant, mais aussi une force inexpliquée, une sorte d'intuition que je voulais suivre. Je me précipitai donc dans cette direction, au pas de course, ne voulant pas me faire repérer. C'était la dernière qui devait arriver si je ne voulais pas me faire repérer par un éventuel occupant. Je débarquai directement par la porte principale, bien décidée à mettre fin à cette stupide sensation qui faisait rage en moi. Il ne fallait pas que je me mette à nourrir des espoirs infondés, et sans logique, aucune. Cela ne pourrait qu'être néfaste pour moi, et je n'avais vraiment pas besoin d'empirer les choses.

Sans perdre de temps, j'ouvris la porte, et débarquai à l'intérieur en refermant à moitié la porte derrière. Assez pour qu'un rôdeur ne me surprenne pas de manière trop inattendue, et également suffisamment ouverte pour que je puisse fuir en cas de danger à l'intérieur. Là, se tenait face à moi, une jeune femme. Les lueurs provenant des quelques fenêtres autour de la pièce, me laissèrent vaguement apercevoir une silhouette puis, finalement des cheveux. Je l'aurais reconnu entre mille et ce, même dans l'obscurité totale. « Ne bouge plus ! » , lança sa voix, qui m'avait tant manquée, et qu'il me semblait ne pas avoir entendu depuis des siècles. Je scrutai son visage, alors que mon bras se baissa de lui-même, pour aller se loger le long de mon corps. Je ne bougeai pas pendant une bonne minute, tandis que les larmes montaient lentement, faisant briller mes yeux bleus, dont elle avait, elle aussi, hérité. Je ne bougeai pas non plus, dans un premier temps, quand elle me sauta dans les bras, et restai silencieuse, trop choquée pour faire le moindre mouvement, et trop émue pour dire quoi que ce soit. Une boule d'émotion logée dans ma gorge me tenait captive, m'empêchait de prononcer la moindre parole mais je finis par me ressaisir ... Un peu, et mes bras s'enroulèrent autour de sa nuque, tandis que le couteau que je tenais quelques instants auparavant s'écrasait sur le sol. Je la serrai contre moi comme si ... Comme si nous étions sur le point de mourir. Non c'était bien plus que ça. Lauren fut la première à réagir. Elle recula un peu, me regardant alors que je venais essuyer les larmes qui avaient coulées le long de ses joues du dos de ma main. Mes yeux brillaient sans doute toujours, même si l'eau qui menaçait d'en couler restait bloquée. Vestige de ces quelques mois d'horreur, à croire que toute ma famille était là. Et pourtant, Lauren, ma soeur, était bien là, face à moi. « Je suis si contente de te revoir ! Cela fait si longtemps ! Comment vas-tu ? », dit-elle après avoir déposa un baiser sur ma joue. Je lui souris, et elle me reprit dans ses bras. J'en profitai pour la tenir contre moi, bien trop heureuse de la retrouver pour la lâche. « Je croyais que ... Je pensais que je ne te retrouvera jamais ... Je suis désolée pour tout. On aurait dû être tous ensemble quand c'est arrivé. Comment tu vas ? », lâchai-je dans un souffle, comme libérée de ce poids, libérée d'avoir enfin pu lui exprimer mes regrets. Si j'avais été avec elle, tout aurait été différent. Tout. Je la serrai un peu plus contre moi, espérant qu'elle ne relèverait pas le fait que je n'avais pas répondu à sa question, mais préféré la relancer pour elle. J'étais avec elle, de toute façon, alors tout ne pouvait qu'aller pour le mieux.

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Lauren & Aileen

Dans ma tête, depuis le départ, j'étais persuadée que jamais plus je ne reverrai qui que ce soit appartenant à mon ancienne vie. Ainsi, j'avais pu créer cette barricade autour de moi pour me protéger de la peine, et ne pas perdre une fois de plus qui que ce soit. A mon sens, il valait mieux agir de la sorte, plutôt que de se laisser mourir à cause de la perte d'un être cher. Mais dans le fond, ce n'était surtout qu'un moyen pour éviter de montrer mes réels sentiments. La véritable faiblesse que je montrai là, ce n'était pas de m'attacher à qui que ce soit, c'était la peur. Cette peur qui me bloquait sur place et m'empêchait de continuer à vivre de la manière la plus humaine que possible. Et à présent, je retrouvai Lauren, ma soeur, celle qui avait toujours plus compté pour moi que qui que ce soit d'autre. Cela changeait la donne. Je ne pourrai plus agir comme je le faisais depuis des mois, maintenant qu'elle était là. Ce qui, en soit, ne pouvait pas être une mauvaise chose. Elle était mon plus grand point faible à l'époque déjà, et j'étais sûre qu'elle le serait encore. « Oui, on aurait dû être tout ensemble.», dit Lauren, alors que je la serrai un peu plus fort contre moi. Sans doute les choses auraient-elles été totalement différentes, si elle n'avait pas fuit dieu seul sait où des années auparavant. Peut-être que, de cette façon, nous aurions pu être tous ensemble, beaucoup plus soudés qu'auparavant. Mais les choses ne s'étaient pas déroulées ainsi... Et vu que je la retrouvai maintenant, je ne pouvais que me satisfaire de tout ce qui avait pu se produire.

Car malgré les difficultés, malgré les épreuves que j'avais dû traverser, ce qui avait également dû être son cas, nous étions là. Toutes les deux. Y avait-il quoi que ce soit d'autre qui ait une quelconque importance ? Pas à ce moment précis. Tout ce qui comptait, c'était que je puisse de nouveau la serrer contre moi. Dommage qu'il ait fallu attendre que les zombies envahissent la terre pour cela ... Mais c'était mieux que de la voir déambuler elle aussi dans les rues, à la recherche de viande fraîche. Je n'aurais pas pu espérer mieux que de telles retrouvailles pour me faire ouvrir les yeux sur ce monde apocalyptique. Je ne devais pas me contenter de me laisser obscurcir par le monde extérieur. Et j'avais comme l'intuition que Lauren allait m'être très utile pour me racheter une conscience, après tous les meurtres - de morts ou de vivants - que j'avais pu commettre depuis le début. « Je ne sais pas ce que notre mère a pu te dire. On aurait pu être ensemble, malheureusement j'étais dans un camp de redressement. C'était plus simple à elle me gérer, je pense. À ma sortie en ville, j'ai été renversée et envoyée en hôpital. Je pense que j'ai dû être dans un coma. Aucune idée, tout ce que je me rappelle... Je me suis réveillée dans un monde chaotique. Les zombies étaient en train de prendre possession des lieux.», expliqua-t-elle brusquement, alors que nous nous tenions l'une en face de l'autre, profitant de la présence de chacune. Je me figeai brutalement, pas sûr de bien comprendre ce qu'elle venait de m'avouer. Ma mère m'avait donc menti ... « De toute façon, c’est fait. On ne peut pas revenir en arrière. Et je peux dire que ça va beaucoup mieux.» , ajouta-t-elle tout de suite après, en rigolant. Je lui souris, heureuse de ne plus la voir pleurer, mais malgré tout toujours sous le choc. Et c'était peu dire. « Elle m'a dit que tu étais ... Partie. Et disons que ... Que je l'ai crue. Mais tu as raison, c'est que tu sois là, et que tu ailles bien. Le reste n'a plus d'importance à présent. »,conclus-je d'une voix douce. Je lui souris une nouvelle fois, masquant à la perfection mes émotions. Voilà que je me mettais à presque détester ma mère défunte. Elle avait gâché tellement de choses, et volontairement, en plus. « Est-ce que tu ... voyages seule ? », lui demandai-je brusquement, me souvenant que je ne lui avais pas encore demandé cela, ce qui était pourtant primordial à savoir pour la suite. Je la regardai, un sourcil haussé, attendant sa réponse qui ne tarderait sans doute pas.

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Lauren & Aileen

C'était tellement miraculeux que je retrouve finalement ma soeur, de laquelle je n'avais plus de nouvelles depuis si longtemps. En découvrant nos parents morts dans le domicile familial, je m'étais immédiatement imaginée le pire pour Lauren. Pour quelle mystérieuse raison aurait-elle survécu ? Cela me paraissait tellement impensable à l'époque, surtout que je n'avais plus de nouvelles d'elle depuis longtemps. Partie. Voilà les seules explications auxquelles j'avais eu droit. Lauren était partie. Et ce n'était que maintenant, alors que je retrouvai ma soeur que je découvrais la vérité, qui était en réalité toute autre. Lauren ne m'avait jamais abandonnée, sous prétexte que notre mère était trop sur son dos ou quoi que ce soit dans le genre, tout avait été contrôlée par celle qui était censée nous protéger envers et contre tous. Elle avait de la chance de ne plus être de ce monde aujourd'hui, c'était l'unique chose qui m'empêchait de la haïr totalement et définitivement. Pour quelles raisons avait-elle voulu à tel point nous tenir éloignées l'une de l'autres ? Nous partagions le même sang, et notre propre mère m'avait fait croire le pire concernant ma mère. Je n'obtiendrais jamais aucune réponse à toutes ces questions, qui risquaient de me hanter pour toujours. L'important était tout de même que je la retrouve ici, aujourd'hui et en pleine forme. C'était le plus beau cadeau que l'on puisse me faire bien qu'il ne fallait pas grand chose pour faire plaisir aux survivants. Un peu de nourriture, des vêtements propres, de l'eau chaude. Tout ce qui, autrefois, nous paraissait si évident, relevait désormais du luxe, tout simplement.

Une fois la séquence émotion des retrouvailles passée, il fallait passer à quelque chose de plus utile, et de plus sérieux aussi. Parce qu'il me semblait bien que Lauren était seule, mais mieux valait que je m'en assure histoire de ne pas avoir de mauvaises surprises par la suite. « Maintenant que tu es là, je peux plus dire que je suis seule. Attends-toi à m’avoir toujours dans tes pattes, comme au bon vieux temps. Tu dois être dans un groupe par contre ? Tu voyages plutôt léger… », répondit-elle, ce qui me fit sourire. Je retrouvai bien là ma petite soeur ! « Peut-être que tu as un abri ? J’étais sur le point de me diriger dans le sud. Il fait chaud et j’en ai marre de voir la pluie. J’ai envie de soleil et de l’océan. », ajouta-t-elle alors que je ne la lâchai pas du regard. J'avais presque du mal à y croire, tant tout cela était inattendu, miraculeux, fantastique, et j'en passe des meilleurs qualificatifs. Je la rejoignis près de la fenêtre, y jetant à mon tour un coup d'oeil. Aucun rôdeur dans les parages, mais cela n'était qu'illusoire, je le savais parfaitement. Il suffisait que nous relâchions notre garde un instant pour qu'ils nous tombent dessus Il fallait rester prudent en toutes circonstances, sans qu'aucune exception ne soit envisageable. A cette simple pensée, je serrai un peu plus l'arme que je tenais toujours, avant de me tourner de nouveau vers ma soeur, à laquelle je jetai un faible sourire.

« J'espère bien que tu seras toujours dans mes pattes, je pourrais mieux t'avoir à l'oeil comme ça. », dis-je sans la lâcher du regard, et j'étais parfaitement sincère. Parce que maintenant que je l'avais retrouvée, je n'avais aucune intention de la laisser partir, et encore moins se faire mordre. C'était mon rôle de grande soeur après tout, non ? « Je suis installée avec un groupe depuis quelques semaines approximativement. On vagabonde, comme beaucoup je suppose. », ajoutai-je rapidement, voulant à tout prix la rassurer. Nous n'aurions pas à nous défendre seule dans ce monde hostile, tout simplement parce que je n'étais pas seule et que, par extension, elle non plus. « On est installés pas très loin d'ici. » , repris-je en jetant un nouveau coup d'oeil à l'extérieur. Mon sourire s'évanouit en voyant les rues vides, et trop silencieuses. Je ne m'y habituerai sans doute jamais. « Tu verras, ils sont tous un peu déprimés, mais ils sont gentils. », l'informai-je en la regardant de nouveau. En tout cas, c'était largement mieux qu'un certain groupe que j'avais eu la malchance de croiser à proximité de New-York. Même si j'avais beaucoup de mal à faire confiance aux gens désormais, je ne pouvais qu'admettre que ce groupe, que j'avais rejoint avec Ezeckiel, était largement mieux que celui de ma ville natale. Je pouvais au moins me raccrocher à l'idée qu'ils étaient maintenant morts, ou plutôt en train d'errer dans les rues, encore plus inhumains qu'ils n'avaient jamais pu l'être.

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Lauren & Aileen

La séquence émotion passée, Lauren ne tarda pas à se renseigner sur le groupe dans lequel j'étais installée depuis plusieurs semaines maintenant. Je ne pouvais pas espérer plus grande retrouvaille que celle-ci, et je n'avais plus qu'à espérer qu'ils ne nous arrivent rien. Il fallait, après tout, dans ce monde, envisager toutes les options et se préparer à toute éventualité. Celle-ci serait, sans doute, l'une des plus horrible qui puisse se produire. En tous les cas, je ne passai pas par quatre chemins, et décidai de lui avouer que le groupe n'était pas forcément super fort, et surtout mentalement parlant. Je m'étais rendue compte de cette donnée important très rapidement. Ils ne souriaient plus beaucoup, étaient plus renfermés que jamais - même si j'étais plutôt mal placée pour dire une telle chose - et ne semblaient plus très optimistes. Pour la plupart, en tout cas. C'était surtout maintenant que je me rendais compte que ce pessimisme m'avait peu à peu atteint, un peu à la manière du virus qui avait réduit la population mondiale à néant, ou presque. « Ben il était temps que j’arrive. Non ? Ahahaha. Bon, ben, on ne va pas s’éterniser ici alors. On peut les rejoindre en voiture. Je n’ai pas envie de tout laisser ici. J’ai un stock de provision et de quoi tenir pendant un petit moment. » , me lança Lauren, et je lâchai du regard les rues alentours pour le poser sur elle. Maintenant que je l'avais de nouveau auprès de moi, je n'avais aucunement l'intention de la garder loin de moi trop longtemps. Je pouvais encore la garder contre moi mais pour combien de temps encore ? Je souris à Lauren, ne voulant pas lui faire partager mes états d'âme des plus défaitistes. « Oui tu as raison, allons-y. », déclarai-je alors, en la laissant faire ses petites affaires à droite et à gauche. Je souris en la voyant récupérer la bouteille de Coca. Ah, qu'est-ce que je ne donnerai pas pour retrouver tous ces plaisirs tous simples. Là, il ne devait plus y avoir beaucoup de bulles ... cela faisait quand même un an que cela traînait là. Enfin, par les temps qui couraient, c'était mieux que rien.

« Le campement se trouve loin ? Combien de temps de route ? Tu penses ? » , me demanda soudainement ma petite soeur en continuant à faire le tour du magasin. Je posai la tête contre le mur juste à côté de moi, ne la lâchant pas du regard, et l'observant faire ses affaires dans les diverses ressources qui pouvaient se trouver ici, et qui nous seraient bien utiles. Bien sûr, ce n'était pas tant que cela quand on divisait par le nombre de personnes présentes dans le groupe, mais c'était déjà un apport supplémentaire, alors cela ne pouvait qu'être positif. « Je dirai qu'il est approximativement à dix - quinze minutes ... On voulait éviter de dépenser toute l'essence dans une trop longue virée. Et puis, on a une autre escapade de plus grande ampleur à préparer. », expliquai-je d'une voix basse. C'était devenu un réflexe, avec le temps, de ne plus parler d'une voix trop forte. Au moins, je n'ameutai pas tous les rôdeurs du coin. « Tu te rappelais quand on se disait tout ! Alors dans ce groupe ? Tu as trouvé quelqu’un ? Pas de gens à se méfier ? » , me questionna-t-elle. Par réflexe, et sans doute un peu par gêne, je replaçai correctement mon pull. Devais-je lui dire toute la vérité ? Tout lui avouer ? Mon coeur hurlait que c'était exactement ce que je devais faire en souvenir du bon vieux temps alors que ma tête me criait de faire machine arrière, et d'éviter de trop me dévoiler. Cela faisait maintenant presque un an que j'essayai tant bien que mal de me tenir à l'écart du reste des survivants pour ne pas souffrir, je n'arrivai même plus à passer outre ma propre barrière ... « Et bien je voyage avec quelqu'un depuis plusieurs moi maintenant ... c'est avec lui que je suis arrivée dans ce groupe. Je te le présenterai. », répondis-je sur un ton aussi innoffensif que possible. Aurais-je pu être actrice ? Je n'allais pas tarder à le savoir. Bon, en même temps, duper ma propre soeur était loin d'être facile. « Sinon, je pense qu'on peut leur faire confiance, mais il faut quand même rester méfiante. », ajoutai-je en lui souriant. Un de ces sourires sans vie qui était devenu habituel dans ce nouveau monde ... « Du coup, ils m'attendent pas très loin, sur la route. En passant, je les préviendrai, et je te présenterai quand on sera au camp. Mais ça te dit qu'on fasse le tour de quelques maisons alentours ? On trouvera peut-être quelques trucs intéressants ... », proposai-je peu de temps après d'un ton détaché, bras croisés sur ma poitrine. C'était devenu la routine.

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Lauren & Aileen

Cela faisait tout juste un an que l'épidémie s'était déclarée, plongeant le monde, et surtout les survivants dans le chaos le plus total, et pourtant un nombre incalculable de choses s'étaient passées. Cette catastrophe, qui avait changé le monde, m'avait aussi changé, moi. Je ne saurais pas vraiment dire si c'était une bonne ou mauvaise chose. D'un côté, je pouvais maintenant prendre mon rôle de grande soeur vraiment au sérieux et devenir plutôt celle qui protégeait sa cadette, ce qui n'était pas franchement regrettable. Mais d'un autre côté, je m'étais aussi énormément refermée sur moi-même, tenant à distance toutes les personnes qui tentaient de s'approcher de moi, et tout particulièrement Ezeckiel. Le fait était que, désormais, ma soeur allait nous rejoindre. Alors, bien sûr, cela changeait totalement la donne. Parce que je ne pouvais pas être distante avec celle qui me connaissait depuis toujours, ou presque. Elle n'avait aucune idée de ce la personne que j'étais devenue, tout comme l'inverse était vraie. J'avais à la fois affaire à quelqu'un que je connaissais par coeur et en même temps à une parfaite inconnue. J'étais plus que heureuse de la retrouver, tellement qu'il n'y avait pas de mot assez fort pour qualifier mon ressenti du moment, et en même temps j'étais dubitative quand à la suite des événements. Comment les choses allaient-elles évoluer maintenant que mon plus grand point faible refaisait surface dans ma vie ? Je n'en avais pas la moindre idée, et c'était franchement effrayant, tant j'avais l'impression de foncer tête baissée dans l'inconnu. J'avais peur, oui. Énormément. Heureusement, j'étais désormais capable de cacher la moindre de mes émotions et ce, même face à ma soeur, à laquelle je n'avais jamais pu cacher grand chose. Et vu la suite de ses paroles, c'était un aspect de notre relation qui n'avait pas disparu, malgré le temps écoulé, et un long éloignement. « Oui, une simple personne avec qui tu as fait un voyage… On va dire ça. Écoute, il n’y a pas de souci… J’ai déjà regardé dans les maisons à côtés du côté ouest, vu que je suis arrivée par là. », expliqua-t-elle alors que je détournai le regard, peu désireuse de la laisser voir ce que je pouvais penser.

Elle était dangereuse pour moi, parce qu'elle me connaissait trop bien et que ce n'était pas de cette façon que j'allais réussir à me préserver, comme je le faisais depuis le début. Je la rejoignis à l'extérieur, en prenant garde de ne rien oublier de ce que j'avais emmené à l'intérieur. De même que Lauren, je fis un rapide tour des alentours, n'oubliant aucun endroit, pour éviter les mauvaises surprises qui pourraient survenir par la suite. Personne dans les environs, ni vivants, ni morts. Tant mieux. Je posai ensuite mon regard sur ma soeur, vérifiant inconsciemment qu'elle était toujours bel et bien là, à mes côtés. Et c'était le cas, puisqu'elle chargeait une voiture, peut-être la sienne ... ou une qu'elle avait empruntée au commencement de tout cela. « Donc nous nous dirigeons dans quelle direction ? Pis tu sais entre nous… Aujourd’hui, on ne peut faire confiance à personne. Je ne leur confierais jamais ma vie entre leur main. Le monde a trop changé pour avoir une confiance absolue. », lança-t-elle finalement alors que je scrutai les horizons, l'esprit quelque peu accaparé. Je me tournai encore une fois dans sa direction, lui souriant légèrement. Elle avait totalement raison, même si je savais aussi parfaitement que je lui confierai sans hésiter ma vie. Elle était ma soeur alors qu'importe ce qui nous arrivait, j'avais confiance en elle. Et si je devais me sacrifier pour elle, je n'hésiterai pas une seule seconde.

« Allons dans la direction opposée de laquelle tu es arrivée. C'est aussi là que se trouvent quelques personnes du groupe, qui sont venus avec moi jusqu'ici. Il faut que je les prévienne que je ne rentre pas avec eux. », lui expliquai-je. En effet, il valait mieux que je les prévienne, histoire de nous éviter à tous bien des ennuis. En revanche, je ne voulais pas leur parler tout de suite de Lauren, sans doute surtout parce que je voulais éviter les questions d'Ezeckiel. « En tout cas, j’ai hâte de rencontrer le futur beau frère. », lança finalement Lauren alors que j'écarquillai subtilement les yeux. Pouvait-elle réellement lire en moi comme dans un livre ouvert ou quoi ? Je soupirai, détournant le regard brièvement. « Il n'y a pas de futur beau frère ... », murmurai-je simplement, en sachant parfaitement qu'elle ne s'avouerait pas facilement vaincue, têtue comme elle l'était. Après quelques minutes supplémentaires, je la rejoignis dans la voiture, m'installant sur le siège passager. « Tu es sûr de vouloir fouiller toutes les maisons qui restent. Je veux dire… On a déjà assez de provisions. Si vous visez un gros lot durant une escapade… Qu’est-ce que cela veut dire ? », me demanda-t-elle. Je passai une main dans mes cheveux, prenant le temps de réfléchir à sa ... double question. Finalement, je me tournai vers elle. « On a quand même pas grand chose pour un groupe complet ... On peut peut-être visiter une ou deux maisons supplémentaires, puis retourner au campement ? Il ne s'agit pas seulement d'un groupe de cinq ou six personnes ... et il y aurait un centre commercial dans le coin. On va sans doute tenter de nous y rendre. », lui répondis-je sur un ton posé, calme, prenant bien le temps de lui dire tout ce que j'avais en tête. Je n'en avais plus tant l'habitude.