Flashback - Not like them

L'ancien groupe d'Alistair avait jugé bon d'aller vers le sud pour passer l'hiver. L'idée était excellente, dans la théorie. Le souvenir de l'année passée était encore trop présent dans son esprit pour qu'il ne valide pas l'initiative haut la main. Alors qu'il était seul, au début de l'épidémie, il avait eu l'occasion d'expérimenter le froid mordant qui pouvait sévir dans le nord des États-Unis. Perdu, ne sachant pas où aller, il était resté dans l'Illinois les premiers mois. Une décision qui avait failli lui coûter la vie, tant le froid additionné à la faim furent à deux doigts de lui faire passer l'arme à gauche. Aussi approuva-t-il sans réserve de se déplacer vers le sud.

Mais tout avait mal tourné. Suite à un mauvais calcul dans leur itinéraire, ils étaient tombés sur une véritable horde de rôdeurs, contre lesquels, à quatre sous-armés comme ils étaient, ils n'avaient évidemment pas fait le poids. C'était un miracle s'il avait réussi à s'en sortir indemne. Le fait qu'il ait traîné un peu en arrière des trois autres à cause d'un caillou dans sa chaussure y était peut-être pour quelque chose. Ou alors il avait une bonne étoile. A ce stade, Alistair ignorait s'il devait s'estimer chanceux ou malchanceux. Il n'était pas particulièrement doué pour la survie loin de là, mais pourtant, un an après l'Apocalypse, il était encore là. A voir des gens bien plus aptes à se battre que lui mourir, alors qu'il persistait à s'en sortir. Toujours de justesse, mais cela suffisait à garder sa peau intacte.

A présent l'histoire se répétait une fois de plus et il était livré à lui-même, avec le minimum vital en temps d'équipement et de vivres, à se demander si cette fois n'était pas la bonne et s'il n'allait pas finir par crever tout seul, comme cela lui pendait au nez depuis des mois. Malgré le froid, la faim et le moral dans les chaussettes, il continuait de tenir bon cependant. Il ne voulait pas baisser les bras. Se laisser mourir serait irrespectueux pour ceux qui n'avaient pas eu la chance de s'en sortir. Il fallait qu'il continue. Et il se répétait ces phrases en boucle, jusqu'à flirter avec les limites de sa santé mentale. Tenir. Avancer. Survivre. Rien ne comptait. Tenir. Avancer. Survivre.

Il n'avait pas croisé âme vivante ou morte vivante depuis longtemps, lorsqu'il tomba sur les deux un matin, alors qu'il essayait de faire le point sur sa situation et sur les possibilités de renflouer ses vivres. Il s'était approché des restes d'un petit village et tournait autour dans l'espoir de dénicher quelque chose de comestible. Alors qu'il avançait prudemment, il aperçut une jeune femme aux prises avec deux zombies. Il se figea à ce spectacle, et pour cause, il était plutôt inhabituel : la fille était complètement nue. Donc plutôt en mauvaise posture. Il resta quelques secondes incapable de réagir, se demandant s'il avait bien vu. La scène était plutôt improbable, il faut dire. Il devait se décider rapidement cependant. Il aurait pu se détourner et repartir en faisant comme si de rien n'était, mais il savait qu'en faisant cela il la condamnait. A mains nues, elle avait toutes les chances d'y passer. Aussi prit-il la décision de lui venir en aide, au mépris de sa propre sécurité. Il n'était pas calculateur au point de privilégier sa survie avant tout, il était incapable d'ignorer sa conscience ainsi. Il préférait encore mourir que de renier l'humanité qui lui restait. Et aussi, pour rester pragmatique et redescendre d'un cran dans le lyrisme, il ne prenait pas trop de risques, à abattre des zombies à distance. Il y avait peu de chance pour que ce soit un piège : qui serait assez taré pour se mettre à poil et aller tabasser des zombies juste pour attirer un survivant ?

Il leva son arc de fortune et visa. La première flèche manqua sa cible, mais la deuxième lui transperça le crâne. Le rôdeur s'effondra dans un râle d'agonie, alors que la jeune femme réussissait à achever celui qui restait. Il s'approcha d'elle lentement, restant à distance, l'arc toujours à la main, dans une attitude rassurante mais lui-même sur le qui-vive. Elle avait peut-être été mordue, ou était peut-être folle. On ne pouvait jamais savoir ; il valait mieux être prudent et vivant.

- Ca va ? Tu es blessée ?

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Flashback - Not like them

Alors qu'il s'approchait, Alistair eut un meilleur aperçu de la situation, qui était encore plus hallucinante qu'il n'avait cru au premier abord. Malgré lui, il ne put s'empêcher de laisser son regard courir sur le corps nu, plus par stupéfaction que lubricité, alors que le spectacle qui s'offrait à lui le laissait sans voix. La jeune femme était dans un état pitoyable, couverte de blessures et de traces de coups, ce qui lui laissait imaginer les pires sévices. Il sentit une vague de dégoût et de colère le prendre à la gorge à l'idée que des survivants puissent s'en prendre ainsi à une femme et la mettre dans un tel état. Il n'était même pas surpris, ayant eu quelques aperçus des extrêmes auxquels l'être humain pouvait se livrer une fois libéré des barrières et des contraintes sociales, maintenant que la civilisation s'était effondrée. Cela ne l'empêchait pas d'être révulsé par un tel barbarisme. Devant le visage baigné de larmes de la jeune fille, la méfiance d'Alistair s'envola, remplacée par la compassion et l'envie d'aider. Il le pouvait pas la laisser comme ça. Elle était manifestement une victime, et non pas quelque folle. Il rangea son arme et s'approcha doucement, les mains levées en signe d'apaisement.

- Ne t'inquiète pas, je vais rien te faire. Ça va aller, OK ? Je vais te donner ma veste.

Joignant le geste à la parole, il se rapprocha suffisamment pour qu'elle puisse saisir le vêtement qu'il lui tendit à bout de bras, mais pas trop près non plus pour ne pas qu'elle se sente menacée. Vu son état et son air affolé, il craignait qu'elle ne s'enfuit à l'idée qu'il ne s'en prenne à elle. Il lui offrit le sourire le plus apaisant possible, attendant qu'elle s'empare de la veste pour se reculer d'un pas.

- Je vais t'aider. Moi c'est Alistair, et toi ?

Il en profita pour récupérer ses flèches au passage, sachant qu'il n'en avait pas des masses et qu'il ne valait mieux pas gaspiller. Retirer les pointes des crânes puants des zombies n'avait rien d'agréable, mais il s'en acquitta en ravalant la grimace de dégoût que ce spectacle lui inspirait. Il revint ensuite à la jeune femme.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? Dis-moi où chercher, on va retrouver tes affaires.

Il aurait aimé ressentir pour de bon la conviction qu'il laissa filtrer dans ce ton catégorique. Au moins allaient-ils essayer.

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