Voilà quasiment sûrement un mois que l’Angels pansaient ses plaies. C’était encore dur à digérer mais il fallait se relever. Se montrer fort pour tout le monde. Ce n’était pas évident, c’était même un challenge. Un défi de faire croire que même si cette forteresse était tombée, elle pouvait encore les protéger… Lori, elle –même n’était pas certaine, elle ne savait plus. Et pourtant elle restait. Pourquoi rester ? Elle ignorait sans doute la raison. Ou elle se voilait la face. La brune descendait les escaliers de sa maison et notait que Théa avait pris le repas qu’elle lui avait préparé en ouvrant le frigo. Elle eut un sourire à cette pensée. Théa était cette jeune femme sauvage qu’elle avait prise sous son aile. Elle était intenable, et à part l’emmener à certaine expédition, elle ne pouvait remédier à ses envies de s’échapper du camp. Sans cesse. C’était une petite voleuse hors paire et un atout pour choper des vivres en toute discrétion.

Lori avait pourtant été du genre protecteur, mais là, elle ne pouvait en vouloir à Théa de s’échapper. Le camp n’était pas sûr et l’attaque en était la preuve. En ce moment, Lori allait en expédition pour retrouver les Harrison, mais elle s’était résignée… Ils étaient sûrement loin maintenant… Peut-être qu’un jour, elle les retrouvera. Posant son regard sur le « bon pour une personne » accroché sur son tableau en liège, elle tiqua et repensait à ce que proposaient ces avions. Un vaccin… Tss. Elle mit sa bouilloire sur le feu et attendait que ça siffle. Se faisant, elle ouvrait un placard et prenait une tasse et un sachet de thé… Il se faisait rare mais bon… C’était la fin du monde, on pouvait pas tout demander. Elle avait pris quatre sachets accordés par la gérante du rationnement et de l’inventaire. Peut-être en trouverait-elle en excursion la prochaine fois.

Lori laissa le breuvage la réchauffer une fois servie. Qu’est ce qu’elle donnerait pour s’accorder une journée marathon série au chaud sous un plaid. Elle allait se mettre tranquillement dans son canapé… Le tapis camouflant une tâche de sang datant de l’attaque. Quelqu’un avait du se pointer chez elle et avait fini par tomber sur une personne du camp qui se défendait plutôt bien. Lori se souvenait de ce jour-là. Elle s’était fait réveillée par les cris. Enfilant sa tenue spéciale qu’elle avait tout juste trouvée lors de son excursion pour trouver Luke, elle était descendue, sortie et tuait ceux qui se trouvaient sur son passage qui n’étaient pas un Angels.

Dans ses pensées, elle avait posé ses doigts sur le tapis camouflant le crime. Se relevant, une ombre massive passait devant ses fenêtres… Massive… Il n’y en avait pas des masses justement. Caïn… Il semblait bien être la raison pour laquelle, elle n’était pas partie d’ici. Lori soupirait à cette idée à savoir s’il venait la chercher pour une quelconque tâche, pour la remettre en place ou pour une simple visite de courtoisie. Elle se demandait bien si sa coéquipière militaire était dans son sillage. Elle n’aimait pas Lori, la brune en avait à présent rien à carrer. Elle pouvait la mettre mal à l’aise tant qu’elle le voulait. Caïn faisait bien c’qu’il veut, il était grand. Il venait voir Lori, avait entrainé son amie. Hauptman avait bien ressentie la colère de la militaire, que Lori prenait une place trop grande pour plaire à la jeune amante de Caïn. Alors Lori avait décidé d’habiter ailleurs. Les dérangeant sûrement. Elle n’avait jamais abordé cet épisode avec lui. Ce n’était pas du genre à aborder les sentiments avec Caïn.

D’un ton machinal, elle lui disait d’entrer avant qu’il frappe. Quand il entrait dans la pièce, il avait cet effet sur elle. Du magnétisme. Elle posa un regard dans le sien. « Bonjour  Caïn » dit-elle d'une voix accueillante. Vu son regard, il voulait lui parler de quelque chose. Arf. De quoi ? Depuis l’attaque, ils ne s’étaient pas trop parlé. Entrainé, fait des excursions souvent séparément. « Je t’offre quelque chose à boire ? » Elle le savait… Fallait bien qu’ils y passent. Parler, avoir une discussion… Lori le craignait un peu, se prendre la tête avec Caïn n’était pas sa tasse de thé. Elle se souvient de ses premières séances d’entrainement où elle devait se faire violence pour contrer ses coups et ne pas se laisser frapper ou s’adonner à lui. Il l’avait poussé sans ses retranchements pour qu’elle se défende. Il ne lui avait pas accordé de pitié du moins quand il l’entrainait, mis à part ça il avait été d’une patience surhumaine… Elle se tentait à lui poser la question. « Tu désirais ... Hm... me parler ? » se risquait-elle.

 Lori savait bien qu’elle allait se prendre le revers de son comportement… Elle ne pensait, cependant, pas à ce qu’il vienne lui faire la morale des jours et des jours après les faits. Surtout avec l’attaque… Caïn n’était pas là pour une simple visite de courtoisie. Sa gestuelle neutre et son air pas très joyeux sur le visage montraient que ça n’allait pas être de la rigolade. Lori serrait la tasse qu’elle avait entre les mains avant de la poser vivement sur le plan de travail de la cuisine.

La brune prit une grande inspiration avant de lui servir un thé avec une gestuelle étrangement calme. Pourtant tendue, Lori prit son temps pour lui servir cette tasse et de se poster non loin de lui pour la lui donner. Elle reprit la sienne en contournant le plan de travail. Lorsqu’il posa un regard noir insistant dans le sien. Elle se mit à le soutenir avec froideur et d’un air hautain. Mais, elle l’écouta sans broncher, c’était Caïn après tout. Il imposait rien que par sa posture à ce qu’on l’écoute. Alors elle le laissa la sermonner telle une gamine prise sur le fait.

Lori avait ébranlé l’estime que Caïn avait d’elle. Elle ne savait pas comment le prendre. Après tout, elle était indépendante, autonome et savait à présent se défendre comme il lui fit remarquer. Elle le laissa terminer sur le fait qu’elle ne devait pas recommencer… Les gamins n’étaient plus là… Suite à l’attaque… ils avaient disparus. Elle ignorait s’ils étaient vivants ou morts… alors à quoi bon qui la sermonne si elle avait déjà échoué sur sa promesse… Le fait qu’elle n’avait pas su les protéger l’avait rendue plus que déçue d’elle-même, en rajouter n’était pas forcément nécessaire. Lori baissait les yeux… Elle était lassée par tout ça, ils pouvaient être n'importe où comme Théa à l'heure actuelle.... Elle n'ira pas les chercher... Il fallait bien qu’elle se rende à l’évidence, elle avait fait une connerie et elle se rendait bien compte que sa protection était nulle à chier… « J’ai promis à ces gamins de prendre soin d’eux, de les surveiller et de les protéger…. » dit-elle. « Comment tu te sens quand tu merdes dans tes promesses ? » le questionna-t’-elle en plongeant un regard doux mais qui cachait une certaine tristesse. Cela n’excusait pas tout, mais c’est ce que la brune ressentait, c’est ce qu’elle avait ressentie lorsqu’elle voulait retrouver Luke. « Luke a été enlevé alors qu’il était avec son frère et moi lors d’une expédition… » Il était nécessaire qu’elle le rappelle. « Alors oui, c’était con. Oui j’ai laissé mon groupe. Non, je ne l’ai pas fait sans réfléchir. Non ça ne se reproduira plus. »

Hauptman se posa elle aussi dos contre un mur, en face de Caïn. Prenant une gorgée, elle regardait ailleurs. « Sortir seule aurait peut-être été une meilleure solution… Comme ça il n’y avait que moi de concernée. » De toute manière, personne ne l’aurait laisser sortir seule sans prévenir l’ours ou sa copine militaire. Quel autre choix… elle n’aurait pu rester là sans rien faire alors que la culpabilité la bouffait… Même les jeunes du camp habitant dans la même maison que les Harrison étaient partie à la recherche du jeune Harrison, quasiment seuls…. Lori s’était donc portée volontaire pour les escorter dans leur expédition à l’aveugle. La recherche n’avait pas été fructueuse et avait bien failli les perdre…

Il abordait les délurés qui les avaient attaqué. « Oh tu sais avec la chance qu’on a eu lors de cette attaque… On serait mort à l’extérieur face à eux… Ou enlevé et torturé… Luke les a menés jusqu’ici à cause d’un connard déluré qui l’avait kidnappé et maltraité… Alors ma bêtise, crois- moi, on en parlerait même pas à l’heure actuelle… »

Lori était du genre à être réactive quand on critiquait ses choix… Ce n’était pas une militaire, elle avait longtemps évolué seule sans Caïn avant d’arriver ici. Elle était têtue… Elle lui tenait tête et elle savait lui faire comprendre que soit c’était pas le moment ou c’était pas la bonne option… Il fallait juste additionner son vécu avec ce que Caïn lui avait appris pour obtenir une Lori « qui fonce dans l’tas, qui réfléchit mais qui ne tient pas en place ». « Ecoute je suis désolée. Il y avait une majorité d’entrainé dans l’équipe. Ce n’est pas une raison… Mais je m’excuse… » Elle était sincère. Elle s’était rendue compte que dans ce monde c’était peine perdue. Lori terminait sa tasse et la reposait avant de retrouver sa place. « Sache que ça ne se reproduira plus… Mais je ne suis pas comme toi, ni ta copine… Je n’ai pas été militaire. Je n’ai pas été entrainée dans le but de mourir pour la patrie ou pour tes semblables… » Elle le regarda avec force comme le ton qu’elle avait emprunté. Oui c’est ça…. Elle n’était pas comme eux… Elle n’avait pas la même logique. Ce n’est pas pour autant qu’elle laisserait quelqu’un derrière elle alors qu’il est possible de s’en sortir. Elle avait estimé une des personnes de l’équipe d’expédition plus entrainé qu’elle. « J’ai été impulsive, idiote c’que tu veux. La leçon est retenue, pas d’soucis… » lui adresse t’elle nerveusement, s’éloignant un peu, grinçant des dents légèrement.

Caïn avait cette emprise, ce don de la pousser à bout de tout. Au bout de ses forces, de ses retranchements, de sa culpabilité, de sa vie quoi concrètement. Il la rendait mal à l’aise dans ses conneries, elle ne pouvait pas, ne pas avoir de remords surtout quand il s’en mêlait et qu’il jouait le tuteur légal. C’est drôle en y pensant que les rôles s’inversaient.

 Lori tentait de se justifier, justifier son comportement qui était idiot au fur et à mesure qu’elle parlait. Mais elle voyait, elle voyait qu’elle ne le convaincrait pas. Et cela avait ce don de l’énerver, touchée dans sa fierté quoi.

Elle était en ébullition. Limite si la tête lui tournait. Alors comme ça, Lori ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas des masses. Autant dire qu’à cet instant, elle était perdue. Et comme si cela ne suffisait pas… Caïn se rapprocha d’elle… Assez pour qu’elle se taise, pour qu’elle soit obligée de l’écouter. Avec lui, elle se sentait piégée sans l’être puisqu’il la laisserait sûrement... En avait-elle seulement envie ? L’affrontement était pourtant inévitable, elle avait pourtant cherché à l’éviter. Oui éviter Caïn, éviter son courroux, ce côté animal, ce grondement. Tout.

La brune laissa donc tomber cette histoire de militaire et eut un léger frisson lorsque son ami lui redressait la tête d’un geste sous son menton. Elle avait décidé de ne pas céder, de soutenir son regard. Telle une ado’ en pleine crise existentielle. Elle se ravisait cependant et laissais son regard s’y perdre, elle devint attentive. La confiance.

Ouais.


Alors là, il tapait dur sur les doigts. Lori se pinçait les lèvres inconsciemment  avec ses dents. Elle l’avait mauvaise et c’est à cet instant qu’elle comprit qu’elle était loin du compte, loin de ses pauvres excuses. Elle se sentait tellement coupable, pourtant… Une sorte de chaleur l’envahit alors qu’il lui disait qu’il mettrait sa vie entre ses mains. Si elle avait pu, elle les aurait regardées ses propres mains… Propre était pourtant un grand mot. Lori se sentit réellement coincée lorsque son dos rencontra définitivement le mur, son torse contre celui structuré de Caïn. C’est alors qu’elle décela ce regard. Cette déception. Alors ça y est… elle avait atteint ce point. Il allait falloir être franche et ce n’était pas son fort. Le risque c’est qu’elle en balance trop… Intérieurement, elle espérait que quoi qu’elle dise sous l’intensité de la situation, il la croirait.

« Caïn. » dit-elle dans une respiration. « Tu es la personne en qui j’ai le plus confiance. Je refuse juste que tu meures pour mes conneries.» Lori donnerait tout, confierai tout à cet homme. Il lui avait tant apporté. Dans ce monde, il était sa famille, son mentor, son pilier.  Elle ne lui avait jamais vraiment avoué. C’était le seul homme qui ne lui donnait pas de nausée en sa présence, d’être mal à l’aise au point de se sentir comme une souris sous les pattes d’un chat, le seul dont elle acceptait des gestes plus proches, un contact physique sans le griffer au visage. Caïn lui avait donné cette force. Il était sa force.

« Je ne suis pas venue te chercher, j’aurai du.» elle fit une pause, avalant sa salive, peur de la suite. « J’ai voulu récupérer ma boulette. C’était la mienne après tout. La morte ce serait moi et personne d’autre. J’étais la seule fautive, je n’allais pas laisser quelqu’un d’autre mourir pour ça… Et… J’sais pas. J’avais peur, peur que tu m’engueules. Que tu me grognes dessus, que tu ne m’emmènes pas dehors le chercher. Que tu m’écartes.  » dit-elle en posant sa main sur le torse de l’armoire à glace, sans vraiment s’en rendre compte, comme pour arrêter une avancée soudaine, certaine... Elle avait appris à ne plus être effrayée par le contact. Surtout si c’est elle qui était celle qui l’effectuait.   « J’ai perdu l’envie d’aller te chercher chez toi… » Qu’est-ce qu’elle ne venait pas de dire là ? Elle en eu un vertige lorsqu’elle s’éternisait dans le regard de Caïn. Sans vraiment se contrôler mais sans violence, elle le plaqua sur le mur d’en face qui n’était pas bien loin.  Elle prit une grande inspiration et s’excusait de ce geste soudain. « Pardon… » Elle se sentait soudainement moins étouffée. Etouffée n’était pas le mot. Mais elle se sentait moins sous cette aura réconfortante qu’il avait avec elle. Lui dire qu’elle aimait ce genre de contact n’allait peut être pas l’aider. Il l’a rendait nerveuse parce que c’est ce qu’elle voulait au plus profond d’elle mais elle n’osait aucunement. Il était avec sa copine militaire et Lori avait un passé plus qu’éprouvant. Un peu stressée, la brune remit une de ses mèches de cheveux derrière son oreille et reprit un peu ses esprits.

Lori aurait bien dit à Caïn d’arrêter de s’approcher d’elle, ainsi, de la rendre bizarre. Ce serait mentir. Elle se crispait resserrant sa main sur le haut de son coéquipier. « Je ne supporterai pas de te perdre à cause d’une de mes conneries…  » lâcha t'elle en détournant le regard.

Le saut que venait de faire ses sentiments allait bien finir par la faire tomber. Cherchant son regard, un appui une ancre un puit sans fond où s’y perdre, elle ne jouait pas, elle avait besoin actuellement de soulagement, qu’il n’allait pas se foutre de ce qu’elle venait de lui dire. Elle le connaissait bien, mais jamais elle n’avait sorti ce genre de chose.

Plus robuste, oui. Lori acquiesçait laissant Caïn prendre ses mains. Mais leur lien était si volatile. Il était partie de chez elle et s’était enrôler dans l’armée, il ne lui avait donné aucunes nouvelles. Jusqu’à l’enterrement de ses parents puis ce gala militaire pour les orphelins de guerre. Le choc en le revoyant pour la première fois depuis des années. Et là déjà ce changement l’avait frappé. Cette carrure, son regard qui en disait long sur sa nouvelle personnalité, plus forte, moins ravagée par ce qu’il avait vécu dans son enfance, il oeuvrait pour les autres. Et à cet instant, elle avait eu tellement de question, tellement envie de connaître cette facette de Caïn. Ils n’en avaient pas eu trop l’occasion ; quelques entrevues mais sans plus jusqu’à l’apocalypse, jusqu’à l’Angels.

Alors l’Ours amena les mains de la brune sur ses épaules, les siennes sur sa taille, son front contre le sien. Contact rapproché, intime, chaud… Son souffle tombait comme une caresse sur le visage de Lori. Elle était si tentée à cet instant, de se perdre, de se laisser aller. Caïn lui avouait que sa vie n’aurait aucun sens sans elle. Cette phrase lui fit fermer les yeux. « Tu es tout ce qu'il me reste... » dit-elle en passant une main sur la nuque de l’homme désormais si proche d’elle, passant ses doigts fins dans ses cheveux.

Elle eut un sourire quand il abordait Sixtine, un léger frisson quand il grogna. Cela avait le don de lui faire de l'effet à chaque fois. « Elle ne m’aime pas beaucoup. » Les paroles, qui suivirent, la confortaient dans ce sentiment que Caïn ressentait quelque chose. Autant dire que tout ce qu’elle croyait de sa relation avec la militaire s’effondrait comme un château de carte. Du moins la moitié. Disons qu’ils avaient eu une relation sur les routes puis jusqu’ici et tout freinait pourtant avec l’arrivée de Lori. Elle comprenait alors bien pourquoi Sixtine la détestait, l’éloignait dès qu’elle pouvait, glissait pour elle ne savait quelles raisons sur le moment des bribes de leur vies à deux. C’était désormais clair, la brune pouvait revenir sans gêne, sans inquiétude chez lui. Elle avait eu ce sentiment d’être de trop quand il l’avait hébergée, au début. Dès qu’elle l’avait pu, elle avait cherché à habiter ailleurs pour laisser libre court à ce qui se passait entre Caïn et Sixtine.

Les barrières étaient tombées. Lori était surprise, soulagée, nerveuse, perdue, confuse. Et pourtant elle hésitait. Déposant un délicat et léger baiser, sur la joue de Caïn, là juste près des lèvres, elle prenait une décision.  Celle de tout lui dire. Ce qu’il restait à lui dire.

Glissant sa main dans la sienne, détachant cette étreinte plaisante quelque peu à contre coeur, elle voulait lui dire.

« Il faut que je te montre quelque chose » dit-elle avec un regard bas sans entrain avec toute la tristesse et la honte qui pesaient sur cet impact qu'elle avait sur le corps.


C'était la seule barrière qui pouvait bien la séparer de ce qu'elle pouvait désirer. Elle l'emmena dans le salon, là où les regards ne pouvaient pas s’attarder car les rideaux étaient encore tirés. Glissant sa main hors de la prise douce de Caïn, elle s’écartait de lui. Se décontractant les muscles en secouant un peu les bras et la nuque, « J’ai été enlevé d’un de mes groupes de survivant. Lucian, le gamin de l’orphelinat qui était avec moi quand tout a commencé s’est fait tuer. Des hommes m’ont emmenée avec une autre femme…. « se tenant dos à Caïn, elle enlevait son haut. « Nous étions devenus des jouets… Assouvir les pulsions c’était notre « job »… » Non elle ne redoutait pas son regard, il l’avait déjà vu en brassière et débardeur d’entrainement. Et la pudeur n’était plus dans son actualité vue ce qu’elle avait vécu. Elle risquait un regard par-dessus son épaule, se passant ses mains sur ses bras. « Le chef a finalement désiré l’exclusivité »
Elle retira le pansement qui camouflait un mot « Il m’a désigné sienne » MINE c’est le mot qui était scarifié sur le bas de sa nuque, quand elle enlevait sa main avec le bandage. Une cicatrice d’un passage horrifique parmi tant d’autres, mais pas pour Lori, c’était juste un poids, qu’elle n’arrivait pas à se retirer de la tête.

Ancrer dans sa peau comme un tatouage, impossible à retirer, c’était son fardeau. Peut-être que, soudainement, l’ensemble de ses cicatrices avaient un sens. Comme cette pièce manquante d’un puzzle. « Pour être franche… J’ignore s’il est encore vivant.  J’préfère ne pas le savoir.» Elle secouait la tête d’un geste négatif regardant le sol, tortillant ses doigts, ses mains les uns avec les autres, restant dos à Caïn. Elle ignorait bien ce qu’il pouvait bien en penser.

« Plus de secret... »

Oui, il n’y aurait plus de secrets. Elle avait soudainement un peu froid, cela devait être nerveux. Elle se sentait quand même nue à présent. Elle venait de se décharger de ce poids. Ainsi, elle ne lui cachait désormais plus rien. D’un tic nerveux comme elle l’avait fait en arrivant à l’infirmerie son premier jour, elle passa sa main sur cette cicatrice, les reliefs lui rappelaient qu’elle avait essayé de l’enlever en la grattant jusqu’au sang comme pour la faire sortir de son corps, tous ces actes ignobles.

Attendant une réaction, elle restait là. Ne pouvant désormais plus la cacher, ses cheveux avait repoussé mais il était question de fierté… Non… De confiance en soi… Même avec un entrainement, cette cicatrice lui barrait sa confiance en elle. Celle qui l’empêchait d’avancer définitivement. Cette unique barrière venait de tomber. Elle attendait de voir ce que l'être le plus cher allait dire, faire... n’importe quoi....

Son fardeau maintenant, dévoilé, Caïn sortait de son silence. Aussi dur qu’était son regard, ses mots tranchaient l’air comme un fouet atteignant sa proie. Intérieurement, Lori en tremblait. Il avait posé sa main sur la sienne qui triturait sa cicatrice. Si son agresseur était vivant, il serait dur pour lui de l’atteindre. Quand cette pensée traversait son esprit, elle s’en inquiéta. S’il était vivant, voudrait il se venger, la chercher, la tuer, l’assouvir à nouveau ? Mais cette chaleur  et les paroles douces de Caïn l’enveloppèrent comme les bras massifs de l’homme le plus cher à ses yeux. Il serait là. Là pour elle, là pour quiconque lui voudrait du mal.


Alors, à cet instant, elle se sentait libre et pourtant encore si enchainée à son agresseur par cette marque. Elle décida en cet instant, de ne plus se laisser posséder par cette cicatrice. Quand elle s’est faite enlevée, elle s’était juré, elle l’avait juré devant cet homme qu’au grand jamais elle ne lui appartiendrait. Il avait su lui montrer le contraire. C’était psychologique… Il y avait tellement d’autres choses à faire, d’autres choses à vivre et cela même dans le pire des mondes.


Caïn la retournait face à lui. Il était fier d’elle et pourtant elle l’avait tellement déçu. Elle s’était permis de le décevoir. Chose qui ne se renouvellera pas, plus jamais.
Oui elle se battait contre l’extérieur contre son for intérieur. Elle touchait au but, se libérer de ces chaînes qui la pesaient. Caïn l’avait aidé avec l’extérieur, l’avait entrainée. Il était désormais là pour elle, pour l’entièreté de son vécu d’apocalypse. Il lui fit une proposition qui avec cette forte connotation d’une demande en mariage, ce qui la fit sourire. Elle secoua la tête en riant légèrement, essuyant une larme de joie ? de soulagement ? Elle n’en savait rien. Elle en avait eu tellement lourd sur le cœur, que trop d’un coup ça la remuait. « Ne plus se quitter, ça me va très bien. Ça changera de notre passé un peu bordélique. Tu ne penses pas ? »


Lori le voulait avec elle, ça c’était certain, jamais elle ne voulait qu’il soit loin, ce serait le détester, or c’était loin d’être le cas. Il était son unique famille, de sa connaissance, encore en vie. Elle refuserait de le perdre, qu’il s’en aille, comme avant.


Aussi près, désormais plus si loin, mettant une de ses fines mains sur le visage de Caïn, au bord du gouffre, les yeux fermés, il manquait un pas, un bond, comme pour ses lèvres il manquait quelques centimètres pour les poser sur celle de l’homme si proche d’elle en cet instant.

Des pas, une personne frappant à la porte, Sixtine. Elle savait que l’ancien militaire était là. « Caïn. Tu as un stage de survie avec deux ados’ si tu t’en souviens. Genre, ils t’attendent là. » Lori eut un sursaut. Elle avait ce don… Déviant une nouvelle fois sa joue avec douceur, la brune se détachait de l’étreinte de Caïn. « Sois prudent, ok ? Je dois me préparer pour sortir aussi. » dit-elle en ramassant son haut, l’enfilant rapidement et montait à l’étage en saluant Sixtine qui était dehors. Avec plein de choses en tête, elle se changeait enfilant sa tenue. Songeuse, pensive. La porte se fermait sûrement sur Caïn, sur beaucoup de chose en si peu de temps, en fait.

Lori souffla un instant avant de partir vers l’armurerie chercher ses armes de prédilection.