Un mort-vivant. Il en a reçu des balles dans le corps. Oh bien sûr qu’on avait entendu parler de ça, mais fallait que l’on fasse quoi ? Abandonner ces hommes dans cette taule ? Et puis entre ce qu’on entend dire et la réalité… Très vite, j’ai pigé. Il a dû en croquer, des salopards en combinaison grises, avant d’arriver à nous. On était encerclé par ces trucs. Ils se sont mis à dévorer les nôtres. Le point positif, si tant est que c’en était un, Winter n’était pas au travail ce jour-là. Je pouvais faire l’égoïste et tirer ma peau de cet endroit, enfourcher ma bécane pour m’assurer que tout se passe bien pour Hannah et Clara. Mais un semblant d’armée a décidé de me barrer la route. Celle que je faisais habituellement en moins d’une demi-heure, j’ai mis deux jours à regagner mon foyer. Et ce que j’y ai trouvé…

Le corps d’Hannah, gisant au sol. Mon frère, Riley, cette lueur de folie dans son regard. Pas besoin d’être Einstein pour piger qu’il n’avait pas une permission spéciale du médecin pour être là. Il a profité de la pagaille pour s’évader et venir nous faire payer son sort. Il n’avait pas encore mis la main sur la petite. Je l’ai tellement passé à tabac… Je vois encore son arcade sourcilière s’éclater pour perforer son œil. Et lorsqu’Hannah est revenue à cet état de demi-vie pour lui mordre le bras, j’en ai profité pour disparaître et regagner la chambre d’ami où s’était réfugiée ma Clara. Oh il avait l’air fin à penser qu’il pouvait éviter de crever en se tranchant le bras avec un couperet de cuisine. En attendant, il m’a fait gagner du temps.

Ce temps ? Je l’ai passé à fuir, à essayer de comprendre, à éviter l’armée et les forces de l’ordre. Les villes, fallait les éviter. Mais les campagnes n’avaient plus rien pour nous. J’ai appris à survivre à cette nièce devenant de plus en plus ma propre fille. Jusqu’au jour où ma route à recroisé celle de Riley. Il avait troqué son couperet contre un 9mm et sa solitude contre une bande de potes aussi ravagés que lui. Il m’a troué le bide et m’a enlevé son propre enfant. J’y serai passé sans l’intervention de Matthew. Il m’a ramené dans son groupe de survivants. Il a fait en sorte que l’on me soigne avec l’aide d’Hela. Mon objectif ? Retrouver cette enfant qui était devenu ma raison de vivre.

J’ai rencontré une fille, entre-temps. Sam. Elle appartenait à un autre groupe. Ouai, on s’est amusé. J’ai dû en avoir sacrément gros sur le moral pour penser qu’on pouvait peut-être devenir plus qu’amis. Genre. Des amoureux ? Enfin… Je ne sais pas si c’est le terme quand on se contente juste de coucher ensemble par défaut parce qu’on n’a rien trouvé de mieux à l’extérieur. Et fin du fin, j’ai retrouvé Clara. Ou plutôt, elle m’a retrouvé. Elle avait réussi à se faire la malle avec l’aide d’une nana chargée d’être sa nourrice. Sans déconner, à douze ans, qui a encore besoin d’une nounou ? Tout aurait dû aller. Riley était tellement abruti, il allait se faire tuer naturellement. Surtout que borgne et avec un bras en moins…

Foutaises. Il m’est tombé sur le coin du nez alors que je rentrais du camp de Sam dans l’objectif qu’elle vienne vivre dans le mien. Il m’a assommé et nous a emmené de force dans une cage de zoo. Il m’a torturé pour savoir où se trouvait son enfant. Je n’ai rien dit. Il a ordonné à ses chiens de violer et torturer Sam sous mes yeux. Je n’ai pas craché le morceau. Elle a fini par mourir. J’ai fini par me tirer avec l’aide de gars du camp de Sam. Ils avaient suivi nos traces un peu trop tard, lors d’une de leurs patrouilles. Je me suis retrouvé dans leur camp le temps de me refaire une nouvelle fois une santé. J’y ai rencontré des gens sympas. Ils m’ont coupé les cheveux. J’en avais besoin. Ils avaient même un forgeron. J’en avais besoin aussi. Je lui ai demandé une épée. Se battre avec, c’est un peu comme manier une matraque, non ? C’est juste un peu plus tranchant, je suppose…

Sur le retour pour mon camp, un peu plus endeuillé, équipé de ma combinaison anti-émeute et de ma nouvelle arme, j’ai fait la rencontre d’un fantôme du passé : Winter. Elle était là. Simplement. Avec son fils, Noah. Le garçon devait avoir pas loin d’une dizaine d’années également. Sans doute un peu moins. Je leur ai proposé de rentrer avec moi. Ils n’ont rien vu de notre camp. A mon arrivé, il n’y avait qu’une colonne de fumée là où se dressait nos murs auparavant. Je me suis jeté dedans malgré les flammes. J’ai tiré ma nièce de là. Je savais qui était derrière ça, c’était évident. Ce ne pouvait pas être autrement. J’ai guidé Winter, Clara et Noah jusqu’à un ancien lycée qui me semblait assez bien pour y survivre. On a récupéré Matthew Hela et Jayden. Et de ce que j’ai compris, le courant passait plutôt bien entre Jayden et Hela.

Une fois les miens à l’abri, ma quête vengeresse pouvait débuter. C’était sans compter sur l’apparition d’un groupe d’anciens soldats venus s’installer à proximité des autres camps. Ils se sont mis en tête de débarrasser Détroit des morts-vivants et de rapatrier tous les vivants qu’ils croisaient dans leur « base ». Tant que Riley était dehors, je refusais de laisser ces militaires nous mettre le grappin dessus. Pourtant ils se sont rapprochés de nos positions et ont commencés à se faire de plus en plus oppressant. Il me fallait juste assez de temps pour tuer Riley. En résistant et déjouant les plans de cette « armée » et de leurs lois fascisantes, mon groupe était devenu le symbole de la rébellion. Il ne fallut pas longtemps à mon frère pour remonter jusqu’à moi.

La confrontation fut brutale. Plus que d’ordinaire. Et si j’étais en piteux état à l’issu de ce combat, je ne pouvais qu’être satisfait en voyant la tête de ce Holden rouler au sol. Plus aucune attache dans cette ville. Je n’ai pas attendu la fin de mes soins pour proposer aux miens de partir. Nous prîmes la route. La fatigue, la faim, la soif… Ces calvaires pouvaient être supportés par ces quelques lieux disposant encore de vivres, mais ils étaient rares. On prenait de plus en plus de risques, devenant moins vigilants concernant les morts, habitués à leurs présences, à la façon de les éviter, de les achever. Nous passions notre temps à se méfier des vivants. Moi d’autant plus. Si je me suis soudé à ce petit groupe qui est devenu ma famille, les tensions n’en étaient pas des moindres.  Les nerfs à fleur de peau. J’aurai peut-être dû être plus attentionné envers Clara, qui approchait à grand pas de son dix-septième anniversaire. Je la croyais capable de traverser tout et n’importe quoi, vu le chemin que nous avions déjà parcouru ensemble. Je la pensais capable de se défendre contre un mort. Elle a simplement baissé sa garde un instant, appréciant ce qu’elle venait de trouver dans le coffre d’une voiture ravagée. Elle n’avait pas vérifié ce qu’il y avait sous cette bagnole…

Elle s’est fait mordre sans qu’elle ne comprenne ce qui lui arrivait. Elle est tombée. La stupeur l’a rendu muette quelques instants. Il était trop tard. Lorsque j’ai entendu le hurlement, elle n’arrivait pas à s’en dégager. J’ai achevé ce mort. J’ai regardé cette fille mourir dans mes bras. J’ai dû empêcher que son retour ne se produise…

C’était il y a quelques jours. Peut-être même quelques semaines. On vient de passer plus d’un an sur les routes, mon groupe et moi. On est épuisé. Je ne sais pas ce que vous avez à offrir pour des voyageurs tels que nous. Je veux juste qu’on puisse souffler un peu. Si ça ne marche pas, on se tirera. Je sais à quel point on ne peut plus faire confiance aux vivants. Et croyez-moi, Vance. Je ne vous fais pas plus confiance qu’à quiconque d’autres ici en dehors des miens.