Nous aurions pu être deux. Nous aurions dû être deux. Trop lâche et trop égoïste, comme depuis ton plus jeune âge, tu avais pris la poudre d’escampette. Tu m’as laissé la lourde tâche de jouer ton rôle pour obtenir un toit et un couvert. Identique par l’apparence il n’était pas si dur de prétendre être toi. Il y avait finalement un soulagement à jouer un personnage en permanence. Il y avait comme un filtre à sentiments entre moi et les autres et la peine, l’attachement, tous ces sentiments que je ne voulais plus ressentir s’étaient évanouis.

Un homme fait de glace et de fer avait une place de choix dans la ville. Si dans une autre vie je me serais contentée de l’observer de loin et d’échanger des messages avec cet homme dans un cadre professionnel, aujourd’hui les choses étaient différentes. Je ne tenais toujours pas à juger l’autre, mais j’étais quand même obligée d’être impétueuse pour obtenir ce que je voulais. A la porte de cet homme implacable, je frappais trois coups, un peu comme si j’étais le fantôme des noëls passés. Deacon m’avait montré la marche à suivre, il m’avait même fait craquer plus d’une fois par son impulsivité et son arrogance. Plus rien n’y personne ne pouvait réussir à me faire plier pour l’heure, le rôle d’augustine ne m’avait jamais semblé aussi évident à tenir.

La porte s’ouvrit et l’homme de glace m’adressa la parole. Je le fixais sans répondre à une seule de ses questions légitimes, nous n’étions plus dans un monde de bonnes manières, enfin, pas pour ma sœur. La dernière parole n’était pas une question, elle semblait intimer implicitement le fait qu’il voulait être seul. D’un sourire surfait je lui répondit en m’invitant moi-même à rentrer en me glissant entre lui et l’ouverture. D’un geste lent je regardais la pièce sous toutes ces coutures et je pris place dans un siège sans me soucier d’y être une nouvelle fois invitée. Les jambes croisées et la tête légèrement penchée sur le côté, je maintenais mes yeux légèrement plissés. « T’es doc, qu’est-ce que tu penses du vaccin qu’ils ont pondus au camp des sauveurs ? » Je savais par le bandit ami de ma jumelle qu’elle avait fait cet acte violent et inutile de se piquer le bras sans se préoccuper des conséquences de ces actes. Je n’avais pas eu le temps de finir mes recherches sur les conséquences futurs. Dans un premier temps, j’avais besoin de savoir si elle pouvait s’en sortir. « Y doit bien y’en avoir dans la ville des semi-zombies, non ? » Posant mon coude sur l’accoudoir et ma main tenant ma tête, je le regardais comme si j’exigeais une réponse immédiate. Quelque chose me disait que si elle se comportait vraiment de cette façon, Augustine ne devrait être appréciée que de Deacon.