Sur la fin, Alliyah n'a plus eu le choix. Elle a dû attraper la personne la plus proche d'elle et s'en servir comme d'un bouclier. Il n'y a que de cette façon qu'elle aurait pu sortir du camp ; si elle ne l'avait pas fait, ou n'avait pas été assez rapide, elle serait probablement morte à l'heure qu'il est ... ou attachée comme celui qui se traîne derrière lui. Elle l'entend vaguement ; il respire fort, sans doute la panique, et essaye parfois de faire résistance. Mais il est faible, elle ne l'est pas. Aucun doute ne l'habite, aucune interrogation ne vient ébranler ses certitudes. Elle a fait ce qu'il y avait à faire, et le laisser partir maintenant serait du suicide. Hors, elle ne veut pas mourir, Alliyah. Il en est même hors de question. Elle va retourner dès aujourd'hui à Bodie, et avec ce type ; que cela lui plaise, ou non. Elle n'a pas essayé de communiquer avec lui, n'a pas non plus essayé de rejoindre d'autres membres de son groupe. Elle ne sait pas si ce serait approuvé ou non, qu'elle ramène ce mec avec elle. En fait, elle s'en fiche pas mal de ce qu'ils pourraient en dire. C'était sa manière à elle de survivre et c'est devenu légèrement obsessionnel. Oh, elle aura tout le temps d'y songer plus tard. Pour l'instant, ils ont du chemin à faire. Et comme elle voit, à l'horizon, l'ombre d'un village quelconque se dessiner, elle espère trouver une voiture, une moto, n'importe quoi qui puisse les ramener plus vite à Bodie. Elle doit être couverte de sang en plus, et si elle s'en fiche pas mal de manière générale, elle préférerait tout de même être un peu plus propre. Ne serait-ce que pour ne pas devenir comme l'une de ces choses répugnantes et parfois rampantes. Comme il vient de tirer un coup sec sur la corde qui lie ses mains et qu'elle tient de l'autre côté, elle se tourne dans sa direction en réussissant à faire assez pression pour ne pas être prise au piège.

Elle ne sait pas trop comment, mais il tombe à la renverse. Aucune expression ne s'affiche sur Alliyah, cela ne le fait même pas rire ou, au moins, sourire. En temps normal peut-être. Mais pour l'instant, elle est soucieuse d'arriver à destination. Et son prisonnier ne doit pas se montrer récalcitrant ou elle pourrait avoir envie de se débarrasser de lui une bonne fois pour toute. Pourquoi ne le fait-elle pas, d'ailleurs ? Il ne lui est plus d'aucune utilité. Peut-être que, finalement, elle n'est pas aussi monstrueuse qu'elle veut bien le croire et qu'elle sait, au fond d'elle, que des personnes qui tiennent à lui espèrent qu'il survivra. Et qu'il leur reviendra, sans doute. Bien que, pour l'instant, elle n'ait aucunement l'intention de le libérer. Et puis quoi encore ? Ce serait risquer pour elle. Et elle ne met pas sa propre sécurité en danger. Et puis, elle ne sait pas, quelque chose l'empêche ; peut-être que son instinct, ou bien son inconscient, essaye de lui faire savoir qu'elle va pouvoir tirer quelque chose de lui, à un moment ou un autre. Il se relève, pitoyable, et la supplie. Non, vraiment ? « Pathétique. » Poussant le vice jusqu'au bout, elle ouvre la bouche et lui assène quelques horreurs de plus. « Tu crois vraiment ce que tu dis ? Que ton fils a besoin de toi ? Faible comme tu es, il est probablement mieux loin de ta personne. » Même pas besoin de se forcer ou d'y réfléchir, les mots lui viennent tout naturellement. Et Alliyah ne les regrette pas. Non, loin de là. Elle ne tarde pas à lui tourner de nouveau le dos, reprenant sa route. « Allez, viens. Arrête de chouiner et d'essayer de t'enfuir alors que tu vois bien que tu ne peux rien faire. » Elle n'est peut-être "qu"'une femme ce qui, pour beaucoup, est synonyme de faiblesse, mais elle n'en reste pas moins une survivante hors pair. Parce qu'elle n'a pas de scrupules, et ne ressent jamais de culpabilité. Celui qui s'est joint à elle bien malgré lui, en revanche, a l'air d'être tout à fait différent d'elle ... C'est peut-être ce qui l'intrigue dans le fond : comment a-t-il fait pour s'en sortir jusqu'ici ? « On va chercher une voiture, ça ira plus vite. »

Il n'a pas l'air de la croire. Pourtant, ce qu'elle dit, elle le pense vraiment. Son fils ne doit pas être au contact d'un homme pareil. Il a l'air ... faible. En fait, elle ne sait même pas comment il peut avoir survécu jusque-là. Pire, comment il a fait pour que son fils survive. Serait-il resté tout ce temps sur ce camp ? Ce n'est pas impossible. En tout cas, son fils est mieux sans lui. De ça, Alliyah en est convaincue. Elle n'arrive même pas à comprendre pourquoi lui ne voit pas ça selon ce point de vue. C'est évident, pourtant. « Mais mon pauvre bouchon, ce n'est visiblement pas en étant comme toi qu'on s'en sort le mieux. » Qui est, ici, pieds et poings liés ? Lui. Bien sûr. Alliyah, elle, est libre de ses mouvements. Et c'est aussi elle qui tient la corde. Elle qui les dirige et décide de la marche à suivre. Pour l'instant, elle a décidé de partir à la recherche d'une voiture. Le jeune homme traînant derrière lui, évidemment. Il s'est relevé et la suit d'une démarche fort peu assurée. En revanche, il ne manque pas de cran. Visiblement la peur de mourir n'est pas en tête de liste. « Pour quelqu'un qui voulait retrouver son fils, je te trouve bien défaitiste ... » C'est vrai, non ? Elle n'est pas méchante dans le seul but d'être méchante. Elle est sincère et franche avant toute chose. Il ne peut pas lui en vouloir de l'être, n'est-ce pas ? Elle pourrait aussi jouer les hypocrites, ou les tyrans finis. Elle pourrait le menacer de le tuer concrètement. Elle ne l'a pas fait, n'a pas l'intention de le faire. Pas dans l'immédiat en tout cas.

Elle ne sait pas où elle va dans cette histoire, pourtant. Mais pour l'instant elle s'amuse comme une folle et c'est l'essentiel. Il y a quelque chose, chez ce mec, qui lui laisse entendre qu'il n'est peut-être pas aussi désespéré qu'on peut l'imaginer de prime d'abord. Ce n'est peut-être pas une cause perdue autant qu'elle l'a pensé dans un premier temps. Peut-être. A la question du jeune homme, cette fois, elle ne peut réprimer un sourire. Pas un de ces sourires faux que l'on pouvait voir dans le temps dans à peu près tous les magasines de mode. Non, pas du tout. Un de ces sourires froids qui peut en glacer plus d'un. Elle est amusée ... à sa façon. C'est qu'il est plus drôle qu'elle ne le pensait, le petit. « Et pourquoi pas ? » Qu'est-ce qu'elle aurait pu lui dire d'autre ? Elle ne sait même pas elle-même pourquoi ils sont là tous les deux. « Non mais tu m'en poses des questions ... qu'est-ce que je suis censée répondre à ça ? Qu'est-ce qui te ferait plaisir ? » Non pas que ça l'intéresse mais là, franchement, elle sèche. Complètement. « Oh tiens, regarde, une jolie petite voiture. » Avec un peu de chance, elle fonctionnera. En tout cas, Alliyah presse le pas, sans se soucier de savoir s'il saura garder le rythme - après tout, c'est son problème, pas le sien -. Elle rejoint la voiture qu'elle a effectivement vu et qui, avec un peu de chance, aura encore un peu d'essence. Elle y croit, elle y croit.

Alliyah a toujours su qu'elle n'était pas comme les autres. Depuis toute petite, elle se comporte ... différemment, et bizarrement. C'est comme ça, elle s'y est fait. Et ses proches n'ont pas eu le choix : ils ont dû en faire de même. Mais depuis qu'elle est à Bodie, en revanche, elle découvre un nouvel aspect de sa personnalité qu'elle n'avait jusque-là pas vraiment soupçonné. Du sadisme pur et dur. Un véritable plaisir malsain procuré par l'idée d'avoir ce type à sa merci. Dans l'idée, elle n'a pas vraiment l'intention de lui faire de mal à proprement parlé. Elle se sent plus ... investie d'une mission. Quelque chose comme ça. Elle a presque envie de lui venir en aide. Mais, comme elle s'en doute déjà, dans l'unique but de s'apporter quelque chose à elle. Alliyah ne fait jamais rien pour les autres - sauf rare exception -, c'est toujours sa gueule qui passe avant celle de qui que ce soit d'extérieur. Elle se fiche pas mal de ce qui adviendra de ce type. Elle ne sait même pas où tout cela les mènera. D'une certaine façon, elle trouve toute cette situation d'autant plus excitante. L'inconnu la ravit maintenant plus que jamais. Elle ne s'était jamais sentie comme ça, à bien y réfléchir ... Exaltée, transportée par une sorte de quête qu'elle compte bien mener de front. Quelles que soient les résistances qu'elle devra affronter, tant du côté de ce mec qu'elle traîne derrière lui un peu - beaucoup - comme un chien, que du côté de Bodie et de se "coéquipiers". Elle doute qu'ils y prêtent une grande attention tant qu'elle garde la situation sous contrôle de toute façon. « Je ne sais pas. » Elle hausse les épaules, son sourire mystérieux toujours accroché aux lèvres. Mais en réalité, elle ne sait vraiment pas. C'est juste ... comme ça. Elle a suivit son instinct et elle continue de le faire, sans réellement avoir de but ou d'idée concrète derrière la tête. Quoi que, cela commence à se dessiner tout de même. « Je pense que tu as un potentiel que tu ne soupçonnes même pas toi-même. Je vais t'aider à le révéler enfin. » Avec, bien sûr, des aspects positifs pour sa personne. Elle ne sait pas encore ce que cela va lui apporter, mais c'est évident que ça le fera, qu'elle finira par récolter les fruits de ce qu'elle aura semer. Il suffira d'user d'un peu de patience. Ce n'est pas trop son truc en théorie, mais il le faudra bien ; il n'y a que comme ça qu'elle réussira à atteindre des objectifs qui commencent à peine à s'écrire sous ses yeux.

Soudain, Alliyah passe à tout à fait autre chose. Là, devant eux, elle vient d'apercevoir une voiture. Et quelle voiture, bordel ! On n'en voit que trop rarement, des comme ça. Un pick-up un peu vieillot mais qui doit largement pouvoir tenir la route si elle réussit à le faire démarrer. Bizarrement excitée par tout ça, c'est un sourire étrange toujours planté sur les lèvres qu'elle s'élance en avant ... dans cette direction. Elle en a presque oublié le jeune homme derrière elle, alors qu'elle tient toujours solidement une extrémité de la corde. Une fois qu'elle s'est assurée qu'il n'y avait pas de rôdeur dans le coin, elle procède à des vérifications sur la banquette avant, celle de l'arrière et même le coffre très rapidement. A la suite de cela, elle se place sur le côté conducteur, laissant la portière ouverte pour garder la corde dans sa main. Elle ne prête pas plus attention au type ramené avec elle, toujours dehors. Au lieu de cela, elle fouille dans la boîte à gants, puis sur le sol. C'est là qu'elle trouve par miracle les clés. Elle les insère dans le contact et essaye de démarrer la voiture. Une fois. Deux fois. Puis trois. Elle commence à perdre patience quand le bruit caractéristique du moteur se fait entendre. Jackpot ! Laissant les clés sur le contact et le moteur en route, Alliyah sort et rejoint son prisonnier. Lequel est occupé ... à essayer de couper la corde. Elle prend le temps de lever les yeux au ciel avant de s'élancer brusquement dans sa direction. Sans prendre le temps d'y réfléchir, elle laisse son poing venir fracasser le nez du pauvre mec. « Tu pensais vraiment y arriver à temps ? Ça pourrait presque être triste si ce n'était pas aussi drôle ! » De nouveau, elle lève les yeux au ciel. Puis elle tire d'un coup sec sur la corde, le forçant à se rapprocher d'elle. « Maintenant, tu viens t'asseoir sur le siège passager en passant derrière le volant. » De cette façon, elle réussira à garder l'intégralité de la corde à l'intérieur tout en le tenant toujours. Elle se place à côté de la portière en attendant qu'il fasse ce qu'elle lui a ordonné tout en le regardant fixement. « Tu sais, si tu t'évertues à vouloir me vexer ou te débarrasser de moi, c'est ton fils qui prendra pour toi. N'oublie pas que je sais où il est. Et que, désormais en possession d'une voiture, j'y serais dix fois plus rapidement que toi. Peu importe à quel point tu peux courir vite. » Là, ça a le mérite d'être clair. Et son regard, froid et dénué de toute émotion, devrait achever de le convaincre.

C'est risible. Plus que risible, même. De voir Wyatt essayer de se défaire de ses liens. De le voir espérer encore trouver un moyen de se sortir de tout ça. Mais quand bien même c'est drôle, Alliyah n'oublie pas qu'elle ne doit pas perdre le contrôle. Il en est tout bonnement hors de question. « Ben ... oui. » Elle hausse les épaules. C'est tout bête. C'est ce qu'elle attend de lui, et c'est ce qu'il devrait vraiment faire s'il veut s'en sortir vivant. Parce qu'au bout d'un moment, c'est certain qu'elle va perdre patience. Il se glisse dans la voiture, et elle en profite pour le lui fait savoir, une fois elle-même installée derrière le volant. Sa réaction est ... elle vaut de l'or. Clairement. Elle ne peut pas s'en empêcher, Alliyah, et un petit rire sarcastique, et moqueur, lui échappe. « Tu devrais te détendre un peu. Si on ne peut même plus plaisanter ... » Mais le regard qu'elle lui lance en biais ne lui échappera pas : elle ne plaisantait pas par rapport à sa menace. Et puis quoi encore ? Tuer les enfants, ce n'est pas sa passion dans la vie. Elle n'en fait pas une généralité, et elle l'évite autant que possible. Mais s'il l'emmerde trop, elle ne se contrôlera plus. Et il n'y aura plus rien pour l'empêcher de se lâcher. A ses côtés, Wyatt semble se faire à l'idée qu'il est coincé avec elle. Résigné, il lui lance qu'ils peuvent y aller. Enfin, Alliyah appuie sur la pédale et démarre le véhicule pour de bon. Décidément, elle sent qu'elle va bien s'éclater avec ce petit. Il a un peu de résistance et de détermination, et c'est ce qui va le plus l'amuser. Elle le sait, elle le sent. Alors, bien sûr, ça risque de ne pas toujours être facile - surtout s'il essaye encore à l'avenir de s'enfuir -, mais elle va tout faire pour qu'il arrête de chouiner tout le temps. Ça lui changera, et ça permettra à Alliyah de ne pas devenir folle en sa présence. Oh, wait ... elle l'est peut-être bien déjà. Mais, très franchement, elle ne voit pas ce que ça vient foutre là.

Ce qui importe, pour l'instant, c'est de les ramener tous deux à Bodie. Ça ne sera pas un problème : elle connaît la route par cœur. Elle s'amuse de voir, du coin de l'oeil, Wyatt attacher sa ceinture. Décidément, elle comprend de mieux en mieux ce qu'il foutait sur l'Angels Camp. C'était sa place. Mais maintenant, il l'a perdue. Et grâce à qui ? Grâce à Alliyah, pardi ! Elle va lui faire réaliser ce que c'est la vie, maintenant. Ce n'est pas se prélasser dans un petit campement de fragiles en mal de sécurité. C'est survivre quel qu'en soit le prix, c'est se battre en permanence. Avec les rôdeurs, mais aussi avec les survivants. Elle doute que cela lui soit arrivé très souvent, à Wyatt. Elle va remédier à ça. « Alors c'était comment là-bas ? Trop calme, non ? Vous deviez sacrément vous emmerder ... » Elle pose des questions pour empêcher le silence de s'installer trop longtemps. Et aussi, il est vrai, pour le pousser à bout et aller taquiner sa patience. Il est drôle en permanence, mais en particulier quand il est énervé et à bout de nerfs. Alors ... elle va le chercher jusqu'à ce qu'il frôle la crise cardiaque. Quitte à lui dire les pires horreurs. « Tu n'as pas peur que ton fils ne soit pas capable de survivre le jour où le camp explosera pour de bon ? Imagine un peu que tu ne sois plus là pour le protéger ... » Déjà que là, actuellement, il ne l'est pas. Non mais sérieux, elle sait que c'est un sujet sensible ... Mais tout ce qu'elle dit, elle le pense vraiment. Et elle est très très intriguée. Comment envisage-t-il les choses ? Est-ce qu'il imagine que son fils pourra s'en sortir sans n'avoir jamais rien vu d'autre que son petit village confortable et sécurisé ? C'est fou, elle ne parvient pas à le comprendre, elle. Et elle a vraiment envie de savoir ce qu'il en pense. Même si, clairement, il risque de ne pas être très content. Bah, qu'est-ce qu'elle risque ? Il sait que c'est elle qui, pour l'instant en tout cas, a le contrôle. Il peut essayer de se rebeller si ça lui chante et si ça l'amuse, mais il ne fera clairement pas long feu.

Maintenant plus que jamais, Alliyah ne regrette pas d'avoir été là pour cette expédition. Elle s'y est révélée et découverte pour de bon, il lui est donc impossible de dire qu'elle aurait préféré être ailleurs. Oh non, c'était là qu'elle était supposée aller. C'était lui qu'elle était sensée rencontrer, et ramener avec elle à Bodie. Alors, elle ne sait pas encore comment cela va se passer une fois là-bas, si on va lui reprocher de revenir avec un type de l'Angels Camp mais, très franchement, elle n'y pense pas pour l'instant. Et elle s'en fout complètement. Ce qui compte, c'est qu'elle s'amuse comme une folle. Déjà. Avec un peu de chance, cela durera peut-être. C'est difficile de le savoir avec elle. Elle pourrait bien s'ennuyer d'ici une semaine ou deux, et crever d'envie de le relâcher - sans réellement pouvoir se le permettre -. Pour l'instant, ce n'est pas le cas et c'est tout ce qui compte. Elle prend plaisir à le taquiner sur des sujets sensibles et à voir ses tentatives vaines et presque ridicules de s'échapper. Elle évoque -de nouveau- son fils, et elle comprend vite que ça l'a heurté. C'est un petit faiblard. Et Alliyah a passé la majeure partie de sa vie à essayer de décrypter les émotions humaines qui ont, jusque-là, toujours été hors de sa portée. Elle se demande vraiment comment la suite des choses va se passer ... pour l'instant, elle rigole un peu et ne dit rien de plus. Parce que c'est Wyatt qui prend la suite de la discussion, essayant sans doute de la blesser à son tour. N'a-t-il pas encore compris que c'était mission impossible ? Il n'y a rien qu'il puisse dire ou faire pour lui faire du mal. A la limite, il peut toujours s'enfuir et partir de l'idée qu'elle sera en rogne, parce que oui, ce sera le cas. C'est à peu près tout ce à quoi on peut s'attendre venant d'elle. La suite est très drôle, hilarante même. Elle, crever comme un chien ? Elle a toujours fait en sorte que cela n'arrive pas, quitte à piétiner les autres autour d'elle, pourquoi cela changerait-il après tout ce chemin parcouru ?

Il est drôle, ce petit. Alliyah réalise maintenant que s'il a du potentiel, il va y avoir beaucoup de chemin à parcourir avant qu'il cesse de se comporter comme un gamin qui a été trop longtemps spoilé. Dans son campement, il a dû y trouver son compte ça, c'est sûr. Il n'avait pas trop à se mouiller. A présent, c'est différent. Et il n'en a peut-être pas encore tout à fait conscience. Elle va le faire devenir un homme, c'est tout ce dont il a besoin ce pauvre petit. « Oh chouchou ! Je te pincerai bien la joue si je n'avais pas trop peur que tu me mordes. » Elle insiste bien sur le "peur" parce qu'elle a comme l'impression que c'était son but premier ; essayer de lui faire peur. User de ses dernières cartes, en fait. Mais ça ne marche pas, pas avec elle. La peur, elle ne la ressent pas. A la limite, elle peut avoir de l'adrénaline dans des situations où le danger est présent, mais cela s'arrête là. Il va falloir qu'il le comprenne à un moment. « J'espère que le jour où ça arrivera tu feras même partie de la bagarre ! » Histoire qu'il se défoule un peu et qu'il montre sous son vrai jour. Parce que, à mesure que les secondes s'écoulent, elle en est de plus en plus convaincue : le Wyatt à côté d'elle peut devenir quelqu'un d'autre. Une personne nettement plus importante et intéressante. Un homme capable de se battre pour sa survie et pour celle de son fils. Pour l'instant, c'est encore très limite, mais elle va bosser là-dessus. C'est son nouvel objectif, son nouveau credo. Quitte à se mettre tout le monde à dos, à Bodie. Quitte, aussi, à se mettre en danger. Enfin, pas trop quand même. « Allez, ne t'en fais pas, on va bientôt arriver. Tu vas pouvoir constater à quel point je suis clémente avec toi, et à quel point tu as intérêt à rester à mes côtés à toute heure du jour comme de la nuit. » A Bodie, il y a des types bien pires qu'elle. Largement. Il devrait très rapidement s'en rendre compte ... A moins que tous ne soient pas encore rentrés, et qu'elle ait donc le temps de préparer le terrain avant ça.

C'est vrai qu'Alliyah est en train, elle-même, de découvrir une nouvelle facette de sa personnalité. Une facette qu'elle apprécie plutôt, elle doit l'avouer. Elle aime l'idée d'avoir le contrôle, comme ça. D'avoir le cran suffisant pour se montrer sans pitié et insensible. Elle aime sentir ce sentiment de puissance grandir en elle, et exploser en des milieux de petites bulles de réjouissance. Oui, elle est heureuse. Fière d'elle. Fière de celle qu'elle est en train de devenir au contact de ce petit jeune qui ne s'attendait sans doute pas à ça en ouvrant les yeux ce matin. Que voulez-vous, il était au mauvais endroit au mauvais moment. Il lui a servi de bouclier d'abord, et puis il a semblé à la brune qu'elle a vu quelque chose en lui, une sorte de potentiel à côté duquel il aurait été ridicule de passer. Elle a donc pris le risque, et l'a emmené avec lui. A présent qu'ils sont bientôt arrivés à Bodie, elle sent fière d'elle, excitée comme une pièce. Car, oui, elle est fière de ce trophée, elle le considère comme tel effectivement. Ni plus, ni moins. C'est son trophée, et elle n'a pourtant pas l'intention de l'exhiber, pas même aux yeux de Livia en qui elle pense pourtant pouvoir avoir confiance. Le fait est qu'elle ne veut pas prendre des risques trop grands, elle préfère se la jouer discrète, vicieuse. Elle découvre tout ça, et non pas sans une certaine appréhension, largement mise de côté par l'excitation. La jeune femme, tout sourire et les dents largement à découvert, se gare un peu à l'extérieur de l'ancienne ville fantôme devenu ville presque prospère, et se tourne sur son siège afin d'avoir une meilleure vision de son prisonnier. C'est grisant, de le voir ainsi attaché. Et non, rien d'ambiguë là-dedans, elle apprécie juste le pouvoir que tout cela lui confère. « Et bien ... Je ne sais pas. Pas la moindre idée. » Le plus délectable, dans tout ça, c'est sans aucun doute la peur qu'elle remarque chez lui. La peur qu'elle voit suinter dans chacune des pores de sa peau. Il a peur, il est effrayé, il appréhende. Pas tellement elle - pour l'instant en tout cas -, mais surtout les autres survivants de Bodie.

Il a raison, d'avoir peur, d'appréhender leurs réactions. Alliyah elle-même ne peut pas les prévoir ; la preuve, elle ne sait pas combien de temps il pourra tenir, en particulier s'il garde cette attitude et envisage de tenir tête à d'autres personnes qu'elle. Avec elle, ça passe encore. Mais avec des gens comme Phoenix, il risque de se confronter à un mur ... Et à un mur particulièrement meurtrier. « Fais profil bas et ne t'amuse pas à parler à d'autres comme tu as l'audace de me parler à moi, et tout devrait bien se passer. » Devrait, oui, parce qu'elle ne promet rien. Pas parce qu'elle n'aime pas faire des promesses en l'air mais parce qu'elle ne s'en donne tout simplement pas la peine. Elle s'en contre-balance, de ça. Elle est même quasiment certaine que personne n'en aura rien à foutre de son prisonnier. Du moment, bien sûr, qu'elle ne lui donne pas une arme avant de le flanquer à la porte d'une de leurs baraques. Elle n'est pas comme ça, elle ne fera pas ça. Ce n'est pas pour ça qu'elle l'a fait venir jusqu'ici ; même si elle n'a pas encore de réponse à ce propos. « Bon, chéri, faut que tu sortes de là comme tu es entré. Je te conseille de faire vite, tu as mis ma patience à rude épreuve. Si tu traînes la patte, je vais devoir te tirer et je ne suis pas sûr que ça te plaise de te ridiculiser ainsi. » Il n'y a pourtant personne autour d'eux, mais cela pourrait ne pas durer. Après tout, ils reviennent tous au compte-goutte de Bodie. Alliyah n'est probablement pas la dernière, et fait même, en toute vraisemblablement, partie des premières à revenir au bercail. Y a plus qu'à ... Sa main agrippe la poignée de la portière de son côté, et elle sort de la voiture une fois qu'elle a récupéré les clés sur le compteur. « Oh et, ça y est, tu es en territoire ennemi : plus la peine d'essayer de t'enfuir, tu ne pourras pas aller bien loin. » D'autant que la ville de Bodie est plus ou moins au milieu d'un désert - pas très large, mais un désert tout de même. Difficile pour lui de fuir où que ce soit dans ces conditions, toujours attaché et sans voiture, sans arme.