Into our secret place.

Asher & Ezra

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Il avait pas vraiment eu de mal à la convaincre. C'était sans doute du à l'habitude – même si ça faisait longtemps, on oubliait jamais vraiment ce genre de choses – mais dès qu'il l'avait rencontrée, il avait su qu'elle avait déjà touché à ce genre de trucs. Il avait cotoyé largement assez de drogués dans sa vie pour les reconnaître facilement, et même après s'être purgés de leur vice ils gardaient ce truc qui les différenciait légèrement des autres ; Ezra échappait pas à la règle, et ce malgré sa tendance à vouloir toujours se foutre de tout – et en particulier de lui – comme si elle tenait continuellement à prouver au monde que rien ne la retenait jamais nulle part. Alors oui, il avait détecté ça chez elle, mais il n'empêche qu'elle était quand même aux antipodes de tous les gens qu'il avait fréquenté à l'époque. Le fait que rien ne la retienne n'était pas simplement un euphémisme ; il avait l'impression qu'elle mettait toute son énergie à lui glisser entre les doigts, et ça le rendait un peu dingue. Parce qu'avant, c'était tout le contraire, on dépendait toujours de lui, littéralement. On venait le chercher, on le suppliait pour avoir une dose, et il pouvait pratiquement exiger n'importe quoi contre ça. Et elle brisait totalement les règles sociales auxquelles il était habitué. Evidemment, elles avaient déjà pas mal changé depuis le début de l'apocalypse, mais Ezra, elle, elle semblait mettre un point d'honneur à lui faire comprendre qu'il ne l'aurait pas. Pas comme ça, du moins. Et c'est indubitablement ce qui avait fait qu'il s'était autant accroché à elle, la poursuivant autant de fois que nécessaire jusqu'à ce qu'ils trouvent un terrain d'entente – en l'occurance, ce pourquoi il était sans doute le plus doué.

Le deal était simple ; il fabriquait, elle vendait. D'abord parce qu'il était hors de question qu'il lui donne sa recette – elle se serait barrée avec pour en fabriquer de son côté, il en doutait pas un seul instant – mais en plus parce qu'une femme, c'est toujours un atout pour vendre quelque chose. Parce que ça effraie pas, et que c'est beau à regarder. C'était une vision complètement machiste de la chose, mais il la trouvait vraiment sincèrement canon et il était certain qu'il serait pas le seul dans ce cas. Manifestement il avait pas tort d'ailleurs, parce que leur petite entreprise autogérée commença vite à rassembler un grand nombre de clients réguliers. Et parallèlement à ça, leur train de vie se retrouva considérablement amélioré... Bon, certes, ils s'étaient pas installés dans un palace, mais la sécurité passait quand même avant le reste. A côté de ça, ils manquaient vraiment plus de rien. Il chargeait pas mal en substances addictives, volontairement, et ceux qui revinrent leur en acheter ne purent bientôt plus vraiment s'en passer. Alors forcément, ce qui devait arriver arriva.

Quand les deux types débarquèrent dans le labo improvisé en braquant un flingue sur la tête d'Ezra, Asher n'eut pas besoin de ses explications pour comprendre ce qui se passait. Bon, elle lui en donna quand même, mais il était pas surpris. Et putain, ce que ça pouvait l'emmerder. Il refoula un soupir d'agacement tandis que son regard allait du premier type au deuxième.

Ils étaient sans doute plus stressés que lui. Parce qu'Asher avait un avantage dans cette situation, et il en était parfaitement conscient : lui, ils pouvaient pas le buter, au risque de perdre toute chance de pouvoir encore se défoncer. Ils pouvaient pas non plus détruire le peu de matériel qu'il avait réussi à rassembler, ce qui était pas plus mal. Par contre, y avait Ezra. Asher avait bien une arme, lui aussi, mais il voulait pas qu'Ezra soit blessée. D'ailleurs rien que le fait qu'ils posent leurs mains sur elle comme ça, ça lui arrachait des frissons de rage qu'il contenait tant bien que mal.

"Quoi, vous avez plus rien pour payer, c'est ça ? Bande de cons, si vous vous bougiez le cul pour trouver quelque chose à nous filer au lieu de faire des plans aussi pétés, vous en seriez pas là."

Ca l'emmerdait aussi considérablement de devoir leur en filer. Il allait perdre plusieurs jours de taf à transpirer comme un con sur des casseroles pour rien du tout, et en plus de ça ils allaient devoir tout déménager et probablement changer de quartier. Quels fils de putes.

"On peut négocier mais lâchez-la, tout de suite, sinon je vous jure que ça va mal se passer."

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L'assurance d'Asher commença à flancher quand les types se mirent à rire et à le menacer plus franchement. Et à menacer Ezra plus franchement, aussi – surtout. Ses entrailles se serrèrent quand le mec qui pointait son arme sur elle retira le cran de sécurité, c'était un son qui annonçait beaucoup trop de choses regrettables, et il commença enfin à sembler s'inquiéter vraiment de la situation. A contrecoeur, parce que vraiment, ça les lui brisait. Les connards qui viennent vous menacer que vous faites du deal, il connaissait bien ça ; c'était loin d'être la première fois que ça lui arrivait, et ces abrutis agissaient exactement comme ceux qu'il avait pu croiser avant l'apocalypse. Les choses ne changent pas tellement, en fin de compte. La différence, c'est que c'était plus facile à gérer quand ils menaçaient pas une tierce personne, surtout si on tient à la personne en question.

Asher plissa un peu les yeux en fixant le mec, l'air pas content du tout. Quelle journée de merde, sans déconner. Et il sentait qu'il était en train de perdre son calme – déjà toujours un peu relatif à la base – ce qui était pas forcément le meilleur truc pour prendre des décisions correctes. Et quand son regard croisa brièvement celui d'Ezra dont les yeux étaient brillants de larmes, ce fut encore plus difficile pour lui de se contenir.

"Je... Vous..."

Il n'avait plus aucune idée de ce qu'il convenait de faire. Ces mecs n'étaient pas logiques, évidemment qu'ils ne l'était pas, aucun type accro ne pouvait l'être. Alors il pouvait toujours compter sur le fait qu'ils ne mettraient pas leurs menaces à exécution de peur de perdre leur drogue, mais ça serait mal connaître les mecs de ce genre. Ils pouvaient faire n'importe quoi pour obtenir ce qu'ils voulaient, et même une fois qu'ils l'avaient obtenu, d'ailleurs. De vrais débiles.

Il vit bien Ezra s'agiter et lui jeter des regards appuyés, et il pensa décrypter à peu près l'intention – genre, menacer les mecs à son tour pendant qu'elle tentait de se barrer, mais il fronça les sourcils en lui jetant un regard qui voulait clairement dire que non. Non putain, il risquerait certainement pas sa vie comme ça – elle avait un flingue sur la tempe, putain, et il était convaincu que le mec hésiterait pas. Il y avait de grandes chances pour que le flingue en question soit vide, d'ailleurs, mais c'était un mauvais plan que de se baser là-dessus. Asher était tout à fait d'accord pour ne pas les laisser s'en tirer comme ça, mais pas avant qu'ils ne lâchent Ezra. Il avala nerveusement sa salive et se tourna à nouveau vers le type qui se promenait tranquillement dans la pièce comme s'il était chez lui, ce bâtard.

"O-kay..."

Putain, comment ça le faisait chier. Il leva vaguement les mains comme pour leur signifier de se calmer avant d'aller attraper un sac en plastique sur une étagère et de revenir vers l'établi qui lui servait de labo. Les dents serrées, il se pencha pour attraper une caisse qui se trouvait sous le meuble et dans laquelle se trouvaient les doses en réserve. C'était loin d'être plein, même si tout le fond de la boîte était tapissé de sachets pleins de poudre. Un à un, il les transvasa dans le sac en plastique, les mains un peu tremblantes, pas tellement parce qu'il avait peur mais surtout parce qu'il était furieux. Il referma finalement le sac et pivota vers les mecs pour le leur tendre, genre, Si vous le voulez venez le chercher, je me bougerais plus le cul pour vous. Ce que l'autre lui avait dit deux minutes avant – de les emmener jusque dans leur planque – ça l'agaçait peut-être encore plus que le reste. Ils avaient mis du temps à trouver cet endroit, et même si il était pas parfait, le leur montrer signifiait qu'ils allaient encore devoir déménager et c'était hors de question. Asher affichait donc un visage fermé et sévère, cherchant à leur faire comprendre que leur petit numéro pouvait s'arrêter là et qu'ils en sortiraient tous gagnants sans qu'il n'y ait aucune casse d'un côté ou de l'autre, se disant que s'il faisait comme s'il n'avait pas entendu ils n'insisteraient peut-être pas. Il y avait de grandes chances pour qu'une fois qu'ils aient pris leur produit, ils oublient le reste – enfin, c'était sans doute très naïf comme façon d'envisager les choses, mais Asher était somme toute parfois quelqu'un d'optimiste. Son regard glissa vers celui d'Ezra, qu'il avait tenté d'ignorer au maximum ces dernières minutes pour ne pas flancher et se mettre à trop s'énerver ; la détresse qu'elle exprimait lui faisait mal au coeur et putain, ils paieraient pour l'avoir menacée comme ça.

"C'est bon, prenez ça, c'est tout ce qu'on a. Vous pouvez fouiller, vous en trouverez pas plus." grinça-t-il, l'air écoeuré. "Maintenant laissez-la, rendez-la moi et barrez-vous."

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C'était pas tellement qu'il fuyait pas les problèmes ; quelque part, il aurait largement préféré les esquiver, lui aussi, mais il fallait toujours qu'on le pousse un peu trop dans ses retranchements. Après ça, c'était pas étonnant qu'il s'énerve, non ? Bon. Déjà, avant, il faisait largement des efforts pour ne pas se laisser emporter. Quand un acteur raté n'avait plus assez de thune pour lui payer ce qu'il lui devait, Asher envoyait quelqu'un d'autre lui casser la gueule. Ca l'aurait pas gêné de le faire lui-même, mais on parait moins important quand on s'occupe de ce genre de trucs soi-même. Là, c'était pareil. Il détestait se faire attaquer directement, parce qu'il perdait alors complètement ses moyens et que sa colère prenait l'ascendant sur le reste – et quand on s'énerve, on a les idées largement moins claires.

Quand Ezra se retrouva par terre et que les types disparurent dehors, Asher voulu s'élancer après eux. Il allait leur péter les dents avec la crosse de son pistolet et après il leur ferait avaler les morceaux, putain, mais la jeune femme le coupa dans son élan en se relevant pour lui tendre les bras, l'air d'avoir désespérément besoin de se raccrocher à quelque chose. Enfin non, pas à quelque chose, à lui. En soi, ils ne partageaient pas vraiment de marques de tendresse, d'ordinaire – en fait, elle avait plus souvent l'air agacée par son comportement qu'autre chose, aussi resta-t-il brièvement interdit, bêtement immobile et ne semblant d'abord pas vraiment savoir trop comment réagir. Il s'approcha quand même rapidement pour la serrer contre lui, collant son visage dans son cou en se rendant alors seulement compte maintenant à quel point il était tendu. En fait, il avait eu vraiment peur, ce qui n'était pas arrivé à ce point-là depuis un bon moment. Il ne cessait d'imaginer ce qui se serait passé si le mec avait vraiment flingué Ezra, et définitivement, il ne l'aurait pas supporté.

"Ca va, maintenant" dit-il maladroitement, sans la lâcher. Les types devaient déjà être loin, maintenant, de toute façon. "Y a toujours un risque... On peut jamais faire confiance à ces mecs-là. La prochaine fois, on fera plus attention." Genre, peut-être en créant un système d'alarme, d'une façon ou d'une autre, ou en planquant leurs stocks à différents endroits. Il avait été stupide de ne pas anticiper ça, ou pas assez, en tout cas, et il n'avait pas l'intention de se faire avoir une nouvelle fois.

Il serra un peu ses doigts dans son dos, se détendant légèrement. Il essayait de refouler ça, mais il se sentait incroyablement bien contre elle et en soi, il était content qu'ils se soient faits braquer au moins pour ça. Elle avait quand même eu l'air d'avoir vachement peur elle aussi – normal en même temps, avec un flingue sur la tempe, tout le monde finissait par paniquer. Asher écarta son visage de son cou pour la regarder, et il attrapa son menton pour l'obliger à faire de même. "Viens avec moi, on va les retrouver" murmura-t-il, proche de sa bouche. "On les retrouve, on les surprend, on les défonce, et on reprend ce qui nous appartient."

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Il avait senti ça vite – le fait qu'Ezra était le genre de meuf qui avait déjà touché à la dope, avant tout ça, et pas qu'une fois. Il avait largement assez cottoyé ces gens-là pour les reconnaître dans une foule sans aucun problème, car même si ils avaient décroché depuis des années, y avait encore des choses qui restaient. Une certaine nervosité dans les gestes ou une avidité dans le regard, le teint toujours un peu cireux ou la capacité à se jeter sans trop réfléchir dans des trucs complètement tarés. Et la parano. Surtout. Ca, fallait croire que ça disparaissait jamais. Et Ezra était pas mal une championne dans le domaine – lui aussi, cela allait sans dire ; ils s'accordaient bien sur leurs propres notions de la sécurité, jusqu'à un certain point certes, mais tout de même assez pour avoir réussi à ne pas avoir de trop gros problèmes jusqu'ici. Leur labo clandestin était bien caché, et leur appartement encore davantage. Ils prenaient soin de changer régulièrement de route pour se rendre de l'un à l'autre, de ne jamais se déplacer aux mêmes horaires non plus. Et surtout ils ne ramenaient aucune drogue à la maison. Mais là, Asher se dit quand même avec agacement qu'ils auraient peut-être du. Au moins, il leur en resterait encore un peu. Parce que là... Ben, plus rien. La misère totale. Et c'était chiant parce qu'effectivement c'était leur monnaie d'échange pour absolument tout, mais aussi parce qu'il s'était aussi mis à taper dedans. D'abord très pragmatiquement parce qu'il fallait bien tester, des micro-doses à chaque fois, mais ça n'avait été qu'une question de temps avant qu'il ne commence à se sentir en manque après un trop long moment sans en prendre.

Il maîtrisait, quand même. A peu près. Jusqu'ici, en tout cas. Mais là, le fait de savoir qu'il ne pourrait plus en prendre la prochaine fois qu'il en aurait envie le hérissait littéralement. La peur du manque c'est parfois pire que le manque lui-même, ce qui est quand même quelque chose d'assez taré. Mais il était pas tout seul là-dedans : Ezra avait pas tenu longtemps non plus avant de lui en réclamer sur une base régulière, et fallait bien avouer que ça lui plaisait de lui en filer. Parce qu'en un sens, comme ça, il la tenait. Elle resterait. Et il avait vraiment envie qu'elle reste.

Et c'était aussi pour ça qu'il avait préféré donner le sac que de prendre le risque qu'elle se fasse tuer. C'était bien la preuve qu'il était pas encore trop accro et qu'il était encore temps de tout arrêter, si il l'avait voulu – mais arrêter aurait sans doute voulu dire qu'il se réveillerait un matin et qu'elle aurait disparu. Hors de question.

Il lâcha une grimace de déception quand elle lui dit qu'elle ne voulait pas qu'ils aillent courir après les mecs, comme un gamin qu'on aurait privé de son activité préférée. Bon, c'était loin d'être son activité préférée, mais c'était l'idée – il crevait d'envie de se venger de ce qu'ils leur avaient fait, et il comptait pas les laisser s'en tirer comme ça. "Tu crois quoi ? Ils vont aller se vanter auprès de tous les connards du quartier, et maintenant tout le monde va croire qu'on peut venir nous dépouiller sans problèmes." râla-t-il en lâchant son menton et en écartant sa bouche de la sienne. Ils allaient se retrouver avec une réputation merdique, il voyait pas comment ça pourrait se passer autrement. "En plus on en a une, d'arme."

Et bon, techniquement, les autres pouvaient pas deviner qu'ils avaient plus que deux ou trois balles en réserve. Mais il avait visiblement pas envie de s'engueuler avec elle à propos de ça, et il tira une fausse tête d'acceptation, se disant très visiblement qu'il s'en occuperait tout seul plus tard si elle tenait pas à le suivre. Il était pas vraiment doué pour cacher ce qui lui passait par la tête. Pour l'instant en tout cas, ils avaient vraiment plus rien à faire ici et il était trop tard pour risquer de commencer une nouvelle préparation de toute façon. "Aide-moi, faut qu'on ramène le matériel ailleurs... Sinon je te parie n'importe quoi que demain il restera plus rien ici."

Il la relâcha alors complètement pour aller entasser les sacs d'ingrédients dans une ou deux caisses – ils pourraient clairement pas tout emporter, mais fallait au moins conserver les composants les plus difficiles à trouver.

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Retourner jusque chez eux avec le matériel fut incroyablement chiant – déjà c'était lourd, et en plus ça l'avait vraiment saoulé d'avoir à faire un tri. Il allait falloir qu'ils trouvent une nouvelle balance et une nouvelle bonbonne de gaz, et ça, vu que le poids que ça faisait, c'était sans doute le pire. Sans compter que ça devenait vraiment compliqué à trouver, maintenant. Il posa contre le mur les caisses qu'ils avait réussi à transporter, et se redressa en grognant et en étirant ses bras. Il avait pas oublié son idée d'aller courir après les types qui leur avaient volé leur drogue, et il allait sans doute embrayer directement là-dessus, mais Ezra se planta alors devant lui pour casser totalement son délire. Il ne s'y attendait pas vraiment – okay, au départ elle s'était montré assez vindicative, mais depuis quelques temps elle faisait toujours plus ou moins ce qu'il lui disait de faire et il ne s'attendait pas vraiment à ça. Il la regarda fixement en fronçant légèrement les sourcils, l'air agacé par son manque de coopération. Elle comprenait rien, ou quoi ? Bordel, c'était quand même lui qui savait le mieux comment ça se passait dans un trafic pareil, non ? Si il disait qu'il fallait se venger de ces mecs ce n'était pas uniquement pour le leur faire payer, c'était aussi pour assurer leur sécurité future. Mais elle avait pas l'air de vouloir intégrer ça.

"Mais c'est pas juste une question de réputation !" geignit-t-il alors comme si elle le privait de quelque chose. "On est obligés de faire ça ! Sinon ça veut dire que oui, faut changer complètement de planque et de quartier et tout reprendre à zéro. Je croyais que t'aimais bien, ici ? Tu sais combien de temps ça va prendre ? On a plus rien je te rappelle !"

Pour la dernière phrase, c'était clairement le côté addict qui s'exprimait, parce que niveau réserves de nourriture ils avaient accumulé assez pour tenir le temps de trouver de quoi préparer une nouvelle fournée à monnayer. On a plus rien, ça voulait juste dire : si on récupère rien, on va plus réussir à dormir pendant une semaine, et tu le sais aussi bien que moi. Mine de rien, il redoutait ça. C'était jamais agréable de se sevrer de quelque chose, et vu les addictifs qu'il foutait dans ses préparations, ils allaient nécessairement devoir passer par là si ils n'en reprenaient pas dans les heures à venir.

"C'est quand même de ta faute si ils sont venus jusqu'à nous !" lâcha-t-il alors, volontairement blessant comme pour la mettre face à ses responsabilités. Par là, il espérait plus qu'elle accepterait de le suivre plutôt que de la faire simplement culpabiliser. Il s'en foutait qu'elle culpabilise, ça ne servait à rien en soi, de culpabiliser, si c'était pour ne pas agir derrière. Il se mordit un peu la lèvre pourtant, et se passa une main sur le visage avant de reprendre : "Enfin... Okay, c'était pas vraiment de ta faute, je veux dire, il nous est rien arrivé de mal et... putain, j'ai eu peur qu'il t'arrive quelque chose."

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Il ouvrit la bouche quand elle se mis à lui gueuler dessus, un peu comme un poisson qu'on aurait sorti de l'eau et qui comprendrait pas du tout ce qui était en train de lui arriver. Bon, il gueulait rarement tout seul d'ordinaire, parce qu'elle était toujours assez rapide pour lui répondre et l'envoyer chier, mais là elle n'avait pas simplement l'air de vouloir lui tenir tête. Il devina qu'elle allait se barrer avant même qu'elle ne le dise et il referma la bouche, l'air furieux. C'était pas non plus la première fois qu'elle lui faisait le coup, et c'était insupportable – à chaque fois, il lui avait couru après et elle avait fini par céder, ou peut-être que ça la soulageait qu'il lui coure après, il n'en avait aucune idée, mais si il détestait faire ça il n'était pourtant pas capable de s'en empêcher. Il était hors de question qu'elle se barre sans lui. Parce qu'elle était à lui, maintenant – il ne se le formulait pas aussi simplement, mais il admettait ça inconsciemment comme un fait tangible et inattaquable. C'était elle et lui, ils formaient un duo, et elle n'allait certainement pas mettre fin à ça aussi facilement. Comme si elle le voulait vraiment, en plus.

"T'as pas intérêt de partir !" siffla-t-il un peu méchamment, comme pour tenter de l'intimider, mais la claque qu'il se pris en pleine tête le stupéfia peut-être encore plus que le reste. Il resta interdit un bref instant, surpris que ça fasse aussi mal, et il la regarda prendre son sac en l'insultant une nouvelle fois en ayant l'impression que sa joue le brûlait littéralement. Il allait l'insulter à son tour, et assez violemment en plus, mais elle se mis alors à parler à sa bestiole de compagnie et Asher suivit son regard pour comprendre ce qui l'ennuyait. Il ricana, comme si c'était une vengeance de sa part, et il se rapprocha du hérisson comme pour la défier d'essayer de venir le récupérer. "Lui au moins c'est pas un putain de lâcheur. Tu vas faire, quoi, tu vas l'abandonner aussi ?!"

Parce que oui, il vivait sa volonté de partir comme des abandons purs et simples, et ça réveillait en lui une vague de panique bien plus violente que celle qui l'avait assailli quand les types leur avait piqué la drogue quelques heures plus tôt. Là, il avait juste envie de lui hurler dessus et de lui coller une claque, lui aussi.

"T'as pas le droit de te casser, putain ! Tu restes avec moi ! Et si t'essaie je... Je t'attache putain !"

Bon, c'était une menace en l'air, mais surtout parce qu'il savait parfaitement qu'elle arriverait bien à se détacher toute seule de toute façon. Non, si il en arrivait à dire ça, c'était bien que l'idée de son absence était déjà traumatisante en soi.

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En temps normal, il était déjà susceptible. Il démarrait vite quand on l’insultait ou quand on se foutait de sa gueule, pour le principe mais aussi parce que fondamentalement ça l’atteignait sans doute beaucoup plus que ce qu’il aurait fallut ; et quand c’était Ezra qui se mettait à agir comme ça, ça devenait encore bien pire. Chacune de ses provocations le heurtait de plein fouet et ça faisait encore plus mal que lorsqu’elle lui cognait dessus. Le pire, c’était quand elle voulait lui faire comprendre qu’il ne comptait pas vraiment, qu’elle pouvait tout à fait se passer de lui et qu’elle traînait avec lui uniquement par utilité, pas parce qu’elle l’appréciait, ne serait-ce qu’un minimum. Il avait un besoin de reconnaissance assez insatiable à combler, mais avec elle, c’était encore en dessous de la vérité ; il avait besoin qu’elle ait besoin de lui, il aurait aimé que ce soit elle qui lui court après et qui le supplie de rester et de ne pas l’abandonner à son sort, mais il savait parfaitement – ou du moins il était persuadé – qu’elle ne ferait jamais un truc pareil. Quelque part, il était convaincu qu’elle devait le détester et ça réveillait quelque chose d’extrèmement douloureux dans ses entrailles.

Il serra les dents pendant tout le moment où elle se déchargea à nouveau sur lui et ferma les yeux quand elle lui mis une pichenette sur le front, résistant difficilement à l’envie de lui en retourner une. Une vraie, comme la baffe qu’elle lui avait mise juste avant. Ca le démangeait et heureusement pour elle, elle eu la bonne idée de s’éloigner pour prendre ses affaires. Asher resta planté là, les poings un peu tremblant et l’air toujours aussi furieux, mais il avait l’impression que ses lèvres étaient collées entre elles et il eu un mal fou à se remettre à parler. « Casse-toi alors, connasse ! » finit-il quand même par gronder, la gorge serrée. Il refusait de la supplier, cette fois. Il refusait de se traîner par terre en l’implorant ou quoi que ce soit du même genre. La fierté il en avait pas mal rien à foutre, mais elle le méritait juste pas. Qu’elle retourne jouer les bohémiennes à la con toute seule, lui non plus il avait jamais eu besoin d’elle, et elle allait le regretter, putain. « Tu sais quoi ? Je m’en branle ! Reviens pas chialer, et si je te recroise je te… » Il savait pas vraiment ce qu’il était en train de dire mais ça se voyait parfaitement bien qu’il était hors de lui, et il aurait vraiment fallut qu’il se passe quelque chose de miraculeux pour qu’il se calme. « … Casse toi ! Je te déteste putain ! »

C’était pas vrai. C’était même l’inverse total, mais il aurait été incapable de le dire. Il avait la gerbe et il avait à la fois envie de la secouer, de lui coller des claques et de la baiser, ce qui était assez compliqué à gérer et ce n’est que lorsqu’il se retrouva seul qu’il se mis à pleurer pour de bon, rageusement comme l’aurait fait un enfant frustré. Bien sûr qu’il avait besoin d’elle. Il serra les poings, enfonçant ses ongles dans la paume de ses mains pour s’empêcher de lui courir après comme il l’avait déjà fait plusieurs fois. Elle l’aurait repoussé, elle se serait aussi peut-être foutue de sa gueule, elle l’aurait frappé pour qu’il la lâche et quoi ? Elle aurait continué à vouloir se barrer. Et si elle avait l’impression de lui coller une punition en agissant de la sorte, elle réussissait parfaitement son coup. Sauf que cette fois, elle allait s’en mordre les doigts, parce que ça serait à elle de revenir.

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En vérité, il était pas si fort que ça. Enfin, en tout cas, c'est ce qu'il croyait, quelque part au fond de lui, même s'il enfouissait ça sous une montagne de fierté mal placée. A peine quelques minutes après le départ d'Ezra, il eu envie de lui courir après. Il ne pouvait pas la laisser partir comme ça, il n'était pas question qu'elle parte, qu'elle l'abandonne, elle pouvait pas faire un truc pareil, c'était vraiment une connasse sérieusement bordel ! Il cria un peu tout seul en tournant en rond dans l'appartement merdique, hésitant toutes les trente secondes à se ruer dehors, et finalement, il se laissa tomber dans un coin en perdant toute trace d'énergie et de volonté. Pourquoi il ferait ça, hein ? Visiblement, elle en avait rien à foutre de lui, et depuis le début elle attendait sûrement que ça – de le lâcher. Parce que c'était TELLEMENT mieux d'être seule, comme elle s'était plut à lui dire. Quelle salope. Il avait envie de lui hurler dessus pour qu'elle souffre autant que lui – parce qu'il était évident qu'au même moment elle jubilait de sa nouvelle liberté en gambadant dans le rue – pour qu'elle comprenne, mais non. Il la poursuivrait pas, pas cette fois.

Et très étrangement, il parvint à s'y tenir. Il ne lui couru pas après. En fait, il ne fit rien du tout. L'appartement n'était pas idéal, il aurait pu trouver beaucoup mieux – c'était ce qu'ils devaient faire ensemble, normalement – mais il resta là, trop assommé par sa brutale solitude pour vouloir tenter autre chose immédiatement. Il se surpris quelques fois à lui adresser la parole et à se retourner en se souvenant qu'elle s'était barrée ; juste après ça, il s'en voulait terriblement. Tout paraissait plus long – les heures, les minutes même – plus ennuyeux aussi, et beaucoup moins séduisant. Il aurait bien pu prétendre le contraire, mais elle lui manquait atrocement et il regrettait. Il fixait souvent la rue à travers la fenêtre, espérant la voir traîner dans le coin et sachant pertinemment qu'il aurait sauté dehors pour la retrouver si ça arrivait, mais il ne l'aperçut jamais. Elle devait déjà être loin. Peut-être même plus en ville. Probablement avec quelqu'un d'autre. Quand il en arrivait à ce stade de sa réflexion, Asher avait à nouveau envie de cogner dans les murs.

Au bout de trois jours, il finit quand même par ressortir, plus par ennui qu'autre chose. Il avait l'impression de devenir fou à force de rester enfermé à attendre. Du coup, il fit le tour du quartier, trouva quelques trucs douteux à manger qu'il embarqua quand même dans son sac, et il retourna finalement assez vite jusqu'à l'immeuble après avoir aperçu une bande de gens au loin. Il n'avait aucunement l'intention de faire confiance à qui que ce soit, déjà que c'était pas son truc à la base, mais là il était encore plus énervé contre tout et tout le monde. Et pour une fois, il ne pensait pas à elle en remontant dans l'appartement, si bien qu'il se figea stupidement sur le pallier en la voyant assise par terre au milieu de la pièce. Parce que ouais, même si elle lui tournait le dos, il aurait été incapable de ne pas la reconnaître.

Il posa lentement son sac par terre et se racla la gorge pour attirer son attention, se sentant soudainement assez perdu. Il ne s'attendait pas à la revoir ici – il ne s'attendait pas à la revoir tout court – et son estomac s'était resserré sur lui-même dans un éclair de panique incontrôlé. Quand elle le regarda enfin, la dévisagea silencieusement pendant quelques longues secondes avant de baisser les yeux vers sa poitrine. Enfin, vers son tshirt, en vérité, et il haussa largement un sourcil avant de la dévisager à nouveau.

"... Quoi, t'avais plus de fringues à te mettre ?..."

Venant d'elle, tout était possible après tout. Ca l'aurait même pas surpris.

"Non, dis rien, tu viens reprendre ta bouffe c'est ça ? Ou... Ah..."

Son expression s'assombrit un peu, comme s'il avait l'air de réaliser quelque chose.

"... T'es en manque."

C'était même pas une question. Juste une affirmation mi-frustrée mi-déçue. Elle n'avait rien dit qui aurait pu laisser entendre ça, mais après le coup qu'elle lui avait fait, il pouvait pas imaginer qu'elle soit revenue juste pour lui. Et ça le faisait vraiment chier, ça se voyait. Parce qu'au delà de ça... Putain, il était tellement soulagé de la revoir.

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Into our secret place

Il pensait pas qu'elle reviendrait. Franchement pas. Il avait essayé de croire qu'elle le ferait pendant approximativement quatre minutes après son départ, mais il avait fini très vite par admettre l'évidence ; Ezra, on pouvait pas vraiment dire qu'elle était facile à vivre. Ou qu'elle avait un caractère facile, peu importe. Lui non plus en soi, mais ça, il était sans doute trop crétin pour s'en rendre compte. Le truc, c'est qu'il la soupçonnait d'être beaucoup trop fière pour ramener ses fesses ici après ce qu'elle lui avait fait, et ça pour n'importe quelle raison d'ailleurs. Même pour sa drogue artisanale. Mais ça restait encore la chose la plus plausible à ses yeux, et Asher serra un peu les dents quand il cru qu'elle l'admettait. Et il allait l'incendier, putain T'as cru que j'allais te donner quoi que ce soit non mais tu rêves ma pauvre pour qui tu te prends de toute façon j'ai plus rien et tu peux crever pour que je t'en refasse tu le mérite pas du tout t'es qu'une salope dégage non reste mais elle ne lui en laissa pas le temps.

Il la regardait approcher, un peu inquiet mais bien décidé à ne pas reculer, quand elle répéta à nouveau sa phrase mais en la corrigeant d'une façon vraiment pas négligeable. Là, Asher sentit son rythme cardiaque s'emballer encore davantage – c'était déjà le cas depuis qu'il l'avait aperçue assise par terre avec son tshirt sur le dos – mais son deuxième réflexe fut de se demander si elle ne se foutait tout simplement pas de sa gueule. Après tout, c'était à ça qu'elle l'avait habitué. Comment est-ce qu'il aurait pu croire qu'il lui manquait après ce qui s'était passé ? En tout cas, elle, elle lui manquait pas du tout. Enfin, ça, c'est ce qu'il aurait voulu lui dire, mais il savait pas mentir et ça se serait vraiment remarqué.

Putain, à lui aussi, elle lui avait manqué. Terriblement. Il s'était fait à la vie avec elle, à leurs disputes et à leurs moments d'entraide, à sa façon de râler dès qu'il faisait un truc de travers. Il aimait l'avoir près de lui, ça n'avait plus rien de comparable avec une existence en solitaire. Ces trois derniers jours avaient été nuls à chier, il préférait encore quand elle l'engueulait que quand elle n'était pas là du tout. Et là, elle le surprenait sans doute plus qu'elle l'avait encore jamais fait jusqu'ici. Les yeux un peu écarquillés, il la regarda sans rien dire pendant qu'elle lui avouait tout ça. Enfin, elle lui en dit beaucoup moins qu'elle n'en pensait, mais c'était déjà énorme venant d'elle et Asher avait du mal à y croire.

"... C'est vrai que t'es une connasse" finit-il par souffler à voix basse après un moment de silence.

Le fait qu'elle dise ça, c'était un peu comme des excuses non ? Il était pas con, il savait parfaitement qu'il obtiendrait jamais rien de plus explicitement désolé de sa part. Mais ça tombait bien, parce que ça lui suffisait.

Il releva la tête vers elle, ayant tout autant de mal à soutenir son regard qu'elle, et il releva une main pour attraper sa nuque et la rapprocher un peu maladroitement de lui.

"Te barre plus jamais comme ça, sinon je t'attache au radiateur."

Ca aurait pu paraître menaçant, mais ça l'était pas du tout. Au contraire, en fait – c'était plutôt une demi-confession. Lui non plus, il voulait pas être sans elle, d'aucune façon. Si elle avait été une nana comme les autres, il l'aurait sautée depuis longtemps et il l'aurait lâchée après. Ou alors il l'aurait gardée par utilité. Mais Ezra, elle était pas juste utile – et en plus, il avait jamais osé tenter quoi que ce soit. Parce qu'avec elle, ça semblait pas si simple. D'ailleurs il rougit visiblement à cause de la nouvelle proximité qu'il leut avait imposée, mais il espéra qu'il fasse assez sombre pour qu'elle le remarque pas. Si il faisait ça, elle voudrait sans doute juste se barrer pour de bon.