Just woke up You're still in my head You were here with me And I don't feel alone No I don't fell alone Just woke up I'm stronger today There's not looking back And I don't want to cry No I don't want to cry Oh Oh Oh I've been walking with you I've been dreaming with you I've been flying I've been flying Through the night with you

Les battements de son coeur répondaient comme un écho tardif aux explosions qui venaient de retentir. Un sifflement aigu couvrait à son oreille tous les bruits, à part cette battue systématique. Bo-bom. Bo-bom. Bo-bom. Lenny se rua vers l'entrée de la pièce, courant aussi vite que ses jambes le lui permettaient ; mais bientôt il ne fut plus seul. Il ne comprenait pas ce qu'il se passait, songeant uniquement à mettre la main sur son sabre. Il ne savait pas pourquoi mais il ressentait un besoin irrésistible d'avoir la longue lame au bout du bras. Quelqu'un le bouscula et il s'écrasa contre le mur tandis que des cris commençaient à lui parvenir aux tympans. Et toujours, les tambours retentissaient. Bo-bom. Bo-bom. Bo-bom.  Il se remit à courir, s'insérant dans le flot des survivants paniqués, jusqu'à ce qu'il dévie vers la gauche pour pénétrer dans la salle où les armes étaient entreposées, bientôt suivis par quelques personnes paniquées ou au contraire suffisamment lucide pour comprendre l'intérêt de cette démarche. Il retrouva rapidement son sabre, et prit enfin le temps de regarder autour de lui. Un froncement de sourcil déforma son visage inexpressif jusqu'alors.
Pourquoi tout le monde semblait-il vouloir sortir de la Zone ?
Il secoua la tête. Ce n'était pas le moment de réfléchir. Ce n'était pas son domaine, pas ce à quoi il excellait. Il savait seulement qu'il devait rejoindre Lucy et Maggie, éventuellement trouver Snow, Isaac et Skylar ; il laissait le soin de la réflexion à ces gens là. Eux sauraient quoi faire. Il se remit à courir en sens inverse, étouffant des jurons tandis qu'il croisait le courant, se heurtant à une résistance inattendue. Cela n'avait rien de la masse molle des zombies, dans la chair desquels il pouvait trancher jusqu'à se frayer un passage. Là, c'était un désordre furieux et des coups s'échangeaient même de façon incompréhensible, coups de coude, de genoux, de poings, tout était bon pour s'éloigner au plus vite de la source du vacarme, et peu importait si la cohue créait encore plus de bruit, attirant encore plus de morts vivants. Tout le monde avait cessé de réfléchir et suivait son seul instinct de survie contre la logique même. Lenny ne faisait pas exception, seulement ses instincts n'étaient pas les mêmes. De plus en plus paniqué par la situation qui lui échappait toujours, il se mit à hurler le nom de sa mère, même si sa voix se perdait dans toutes les autres, se mêlait à leurs plaintes, participait au chant d'horreur qui montait de la Zone vers le ciel.
Par un miracle et quelques réminiscences de ses vadrouille avec Isaac, il finit par arriver dans le coin où sa famille s'était installée, s'attendant à voir les visages des deux femmes qui le protégeaient depuis sa naissance. Leur absence ne faisait pas sens aux yeux du garçon, qui continua à fouiller du regard les quelques mètres carrés et les affaires éparpillées en un signe évident d'imprudence. Il s'attendait naïvement à en voir une surgir du placard qui commençait à moisir, ou encore s'extirper de sous le lit alors même qu'il ne s'agissait que d'un matelas posé à même le sol. La respiration haletante, il resta immobile jusqu'à ce qu'un bruit ne lui fasse tourner la tête. Un cri, un appel. Il détailla une dernière fois la piaule des Aguirre sans comprendre que c'était la dernière des dernières. La pensée la frappa alors.
La Zone 51 venait de subir une attaque.
La Zone 51 était en danger.
La Zone 51 ne serait plus jamais un lieu sécurisé permettant à la vie de s'épanouir.
Son corps se tendit et ses mains se refermèrent sur la poignée de son sabre. Il se mit à marcher d'un pas décidé vers la source du bruit qui l'avait fait réaliser ce qu'il se passait. Il évalua rapidement la situation : deux zombies se tenaient entre lui et une mère qui protégeait férocement ses enfants d'un troisième pourri, acculée au mur. Sans davantage réfléchir - il l'avait déjà trop fait pour la journée - il s'avança, ignorant le zombie le plus éloigné de lui pour avancer directement vers els trois humains en danger. Il coupa les deux bras du rôdeur qui lui barrait la route et le fit tomber à deux mètres d'un coup de pied dans son thorax décharné. Enfin, il devait décapiter le marcheur sans blesser la mère ou les enfants ; d'un coup de lame délicat, il fit rouler la tête ensanglantée aux pieds de la famille tétanisée. « Bougez vous, » grogna-t-il sans faire preuve de la moindre empathie. La mère attrapa ses enfants et ils se mirent à courir tandis que Lenny achevait le zombie démembré et coupait en deux son camarade. Puis il se remit à arpenter les couloirs les plus vides de la Zone à la recherche d'autres survivants dans des situations similaires. Après tout, que pouvait-il faire d'autre ?
Sur son passage, il faisait tomber des morceaux de rôdeurs avec une sauvagerie qui n'était absolument pas nécessaire. De temps à autre il remplissait ses poumons pour hurler les noms de ceux qu'il aimait mais qu'il ne parvenait pas à trouver. Son coeur se remplissait d'une peur sourde qui le rendait vicieux face aux monstres qu'il décapitait. Il se retrouva acculé contre un mur, et esquiva en s'accroupissant et en passant entre les jambes du zombies. Seule sa position soudainement au niveau du sol lui permit d'apercevoir un sac familier qui dépassait à moitié de sous un lavabo, dans des toilettes inutilisées et occupées par un mort-vivant. Un frisson de dégoût lui parcourut l'échine tandis qu'il tentait d'évaluer la situation d'un regard. Il voulait prévenir Maebh, mais il ne pouvait pas prendre le risque d'attirer l'attention du rodeur. Il se releva en tranchant les jambes de celui qui lui avait bloqué le passage et s'approcha sans bruit. Le monstre s'approchait dangereusement du lavabo, peut-être attiré par l'odeur de chair humaine, peut-être simplement dirigé par ses pieds de façon aléatoire. Le mexicain ne désirait pas en savoir plus. Il souleva son arme et franchit de deux pas légers la distance qui les séparait, avant d'abaisser ses mains en posant toute sa force sur la lame. Il sentit les os craquer quand le zombie se fracassa contre le lavabo, la chair se délier sous le passage de l'acier aiguisé. La tête roula jusque devant le sac.
       

©Pando

Just woke up You're still in my head You were here with me And I don't feel alone No I don't fell alone Just woke up I'm stronger today There's not looking back And I don't want to cry No I don't want to cry Oh Oh Oh I've been walking with you I've been dreaming with you I've been flying I've been flying Through the night with you

Son coeur s'affolait dans sa cage thoracique, tambourinant à un rythme irrégulier comme s'il cherchait à s'échapper. Chaque fois que Lenny se laissait aller à prendre une grosse bouffée d'air, l'organe donnait un coup d'une brutalité animale dans son torse, alimentant la rage moteur de ses mouvements. Cela faisait mal. Mais la situation ne lui permettait pas de s'attarder sur cette souffrance, qui s'accompagnait du nœud bien trop serré et beaucoup trop familier de la peur qui s'installait rapidement dans son estomac. Il ne pouvait pas non plus prendre le temps de relâcher sa poigne ferme et également douloureuse sur le manche de son sabre pour détendre ses doigts rougis et ses phalanges blanchies.
Le jeune homme fixait Maebh avec un visage bizarrement inexpressif. Ses yeux étaient écarquillés, sa lèvre inférieure tremblait et ses narines bougeaient au rythme de sa respiration haletante. Il la vit sortir de sous l'évier, où il se doutait bien qu'elle était, et ses yeux s'écartèrent davantage. Plus que de la surprise, il ressentait une incompréhension qui englobait tout le reste de ses ressentis. C'était comme si le temps s'était arrêté pendant une fraction de seconde alors qu'elle se dévoilait à lui et déplier son petit corps ; mais en même temps, il sentait physiquement chaque seconde passée, marquée par un nouveau battement de son cœur qui lui arrachait une grimace. « Qu'est-ce que tu foutais là ? » Sous l'impulsion de la peur qui l'enserrait dans son étau d'acier, il parlait un peu plus violemment qu'il ne l'aurait voulu. Il fronça les sourcils quand la brune s'approcha de lui et le prit dans ses bras, dans un geste d'une familiarité qu'il avait déjà oubliée. Il n'eût même pas le réflexe de refermer ses propres bras autour du buste menu de la demoiselle, lâchant simplement son arme d'une main pour lui laisser la place de se blottir contre lui. Lorsqu'elle se recula, il lui sourit, de son sourire de travers, peu sur de lui. Cela avait été... doux. Chaleureux. Et, bizarrement, ça l'avait un peu détendu, un peu soulagé. Ca lui avait fait du bien. Reprenant pieds dans la réalité quand elle lui posa plusieurs questions, il ferma les yeux et soupira bruyament. En les rouvrant il se contenta de secouer la tête négativement et attrappa la main de Maebh dans la sienne. De l'autre, il tenait toujours fermement son sabre. « T'as toutes tes affaires, c'est bon ? » souffla-t-il en quittant la salle d'eau sans plus la regarder. Il vérifia à droite, à gauche, qu'aucun rôdeur ne leur coupait la route dans l'immédiat et tira la brune derrière lui dans le dédale de couloirs de la Zone.
Sans s'arrêter d'avancer à l'aveugle, il se mit à lui raconter tout ce qu'il savait – c'est à dire pas grand chose. « Il y a eut une explosion, et tout le monde a commencé à crier et à courir dans tous les sens. Je, je suis allé chercher ma mère et ma tante mais il n'y avait personne et, je sais pas, tout le monde est paniqué. » Il lui jeta un coup d'oeil de travers, visiblement perdu. Ils finirent pas entendre le bruit familier des cris et le corps du mexicain se figea. « On peut pas partir comme ça, c'est... » Il secoua la tête à nouveau avant de la baisser en un signe de défaite évident. Il ne pouvait pas se résoudre à quitter la Zone. Il voulait retrouver Lucy et Maggie. Les pensées se mélangeaient à nouveau dans son esprit tandis que deux impulsions opposées s'imposaient à lui et il releva à nouveau le nez vers la jeune fille comme si elle pouvait avoir la solution miraculeuse à tous les maux de l'humanité. Dans l'immédiat, si elle pouvait l'aider et lui dire quoi faire cela dit, il s'en satisferait. Il n'y avait rien que Lenny supportait moins que l'indécision. Mais il n'était pas capable de prendre une décision. Son bras trembla et il resserra sa prise sur son arme, y posant à nouveau ses deux mains sans quitter Maebh du regard. « On fait quoi ? » demanda-t-il finalement, se remettant totalement aux mains de la jeune fille. Il n'y avait rien de mieux qu'il pouvait faire. Activer ses longs membres, trancher dans du rôdeur, donner des coups : il pouvait faire tout cela. Activer ses neurones et assumer les responsabilités de réels choix : il en avait toujours été incapable, et cette tendance n'avait fait que s'accentuer depuis le début de l'épidémie. Sans Maggie et Lucy à ses côtés, et malgré sa force physique brute, il n'aurait pas survécu un seul jour à l'épidémie.
       

©Pando

Just woke up You're still in my head You were here with me And I don't feel alone No I don't fell alone Just woke up I'm stronger today There's not looking back And I don't want to cry No I don't want to cry Oh Oh Oh I've been walking with you I've been dreaming with you I've been flying I've been flying Through the night with you

Lenny sourit malgré lui à l'explication que lui fournit Maebh. Leur complicité a toujours été naturelle – entre jeunes idiots, on se comprend – et il se sent soudainement moins seul, au milieu de cette pagaille. L'espoir renait rapidement. Après tout, s'il l'a trouvée, elle, il peut en trouver d'autres. Il les retrouvera surement tous une fois que les gens se seront calmés. Dans un coin de son esprit, il espère simplement qu'ils n'auront pas subi trop de pertes, mais il n'a pas le temps de s'attarder sur cette sombre pensée. Il hoche la tête : « Fais attention la prochaine fois, je pourrai pas toujours passer par là et reconnaître ton sac... Tu devrais avoir l'essentiel toujours sur toi, » ajouta-t-il en chuchotant. Il n'aimait pas la tournure de cette conversation, comme si évoquer un scénario tout à fait probable revenait à admettre que cette soirée était la fin du rêve. Il avait du mal à croire que quelques dizaines de minutes auparavant seulement, il se trémoussait sur une piste de danse improvisée en compagnie de Naël et d'Isaac. Il ne se souvenait déjà plus de la sensation de simplement vivre qu'il avait ressenti à ce moment. Il ne comprenait déjà plus comme son but majeur avait pu être de faire danser d'autres gens avec eux sans se soucier du lendemain. « Merde, » grogna-t-il entre ses dents en réalisant que le mode survie était déjà de retour. Il détestait ça, putain. C'était précisément pour cela qu'il allait refuser de quitter la Zone dans les heures qui allaient suivre, et qu'il se battrait de toutes ses forces pour fortifier un espace sécurisé des rôdeurs qui commençaient à s'infiltrer depuis l'explosion. Et après, il trouverait le taré qui avait tout fait pété, et il le tuerait. Il n'était même pas effrayé par la froideur de ce constat. C'était un simple fait pour lui, aussi naturel que de prendre la main de son amie, aussi naturel que de tenir son sabre, aussi naturel que l'odeur du sang qui envahissait ses narines. Il le tuerait.
Reprenant pieds dans la réalité, Lenny commença à raconter à la brune tout ce qu'il savait. Ses épaules s'affaissèrent quand il réalisa que ce n'était vraiment pas grand chose, à peine suffisant pour continuer, certainement pas de quoi construire un véritable plan qui tienne la route. Il sentait le désespoir, juste en dessous de la peur et de l'adrénaline qui le faisaient tenir sur ses deux pieds. Il le sentait comme on sent l'odeur de pourrissure sur les cadavres dévorés par les mort-vivants. Ca menaçait de tout envahir, de tout contaminer, de tout moisir jusqu'à la racine. Mais il était Leonard Aguirre et il était hors de question qu'il se laisse faire par un putain de champignon. Il plissa le nez et fit face à sa compagne d'infortune, questionnant. Il étudia son visage tandis qu'elle réfléchissait, et il lui sourit. Il avait toute confiance en elle, et il tenta de le lui faire comprendre en posant sa large main sur son épaule. Elle était toute petite, toute frêle, et il eut soudain très envie de la serrer dans ses bras et de lui promettre que tout irait bien. Mais il n'en savait rien, aussi se retient-il. Il se contenta de la regarder dans les yeux de son regard chaud et tendre. Ses lèvres esquissèrent un sourire à nouveau tandis qu'il effectua une légère pression sur l'épaule de la jeune fille. « On est pas obligé, tu sais, on peut d'abord te trouver un endroit sur et j'irais les chercher après... » Il se sentait obligé de le préciser, mais il savait parfaitement qu'elle refuserait. Elle était comme ça, Maebh, d'une loyauté sans faille, un peu comme lui. C'était peut-être pour ça que leur amitié était aussi évidente pour les deux.
« Bon, on vient de là, j'entends quasiment rien de ce côté là et il me semble que la porte au bout de ce couloir est blindée, on a trop galéré avec Isaac pour l'ouvrir quand on a essayé. On va par là ? » Il montrait du doigt les différents chemins qui s'offraient à eux, attendant la validation de la brune malgré tout, incapable d'imposer ses décisions à une tierce personne. Il n'était toujours pas trop tard pour elle de décider qu'elle voulait d'abord sauver sa peau. Lenny tendit l'oreille et un cri lui parvint de là où il avait décidé d'aller. Il ne savait pourtant pas s'il s'agissait d'un appel à l'aide ou d'une simple expression de panique, aussi attendit-il jusqu'à ce que Maebh prenne l'initiative pour s'engouffrer dans le couloir. Il avait désormais les deux mains fermées sur son arme et son visage était concentré. Il aperçut une silhouette et l'analysa rapidement. Il connaissait cette tête blonde pour l'avoir croisé parfois dans la Zone au cours de la dernière semaine, mais il n'hésita pas un seul instant. La façon caractéristique dont le nouveau zombie trainait les pattes ne laissait aucun doute.
       

©Pando