Vous connaissez le cliché de l’étudiant fixant l’horloge lors de son dernier cours? Certainement. C’est un classique. Les yeux suivant la grande, le cœur battant au rythme de la trotteuse. Les secondes semblent toujours durer une éternité dans ces moments où on donnerait tout pour que le temps passe plus vite; posséder la télécommande de la vie permettant de passer en avance rapide. Mais non, pour ce dernier cours de la journée, vous vous trouverez toujours en face du prof’, ce prof’ qui semble disperser des somnifères par sa simple parole. Cette voix ô combien monotone vous explique des théorèmes d’une complexité exquise ou de la littérature aussi anglaise que passionnante. On exagère à peine. Mais vous vous en moquez; vous vous laissez bercer par cette voix, hypnotiser par les aiguilles de cette foutue horloge. Vous concentrez vos dernières forces pour que votre tête, si lourde en appui dans votre main, ne s’échoue pas sur votre banc. Cliché, Certes. Mais ce n’en était pas moins la situation actuelle d’Henry-Gabriel. Il dissimule un bâillement dans sa main. Assis au dernier banc coté fenêtre ; il aurait pu mériter son deuxième cliché et le titre de cancre émérite s’il n’était pas le premier de sa promotion. Mais cela ne changeait rien au fait qu’il trouvait le temps long. Un coup d’œil à sa montre lui révèle que, non, c’était bien l’heure exacte. Il ne cherche même pas à retenir un soupir et décroche complètement du cours au profit de sa fenêtre. Dehors, le soleil brillait, chose commune en Floride me diriez vous. N’en reste pas moins que c’était un temps parfait pour ne pas dire fait pour le surf. Le surf : sa planche, le sable chaud sous ses pieds, la furie des vagues. Son aphrodisiaque personnel, l’adrénaline qui coule dans ses veines, les corps bronzés. Plus qu’une dizaine de minutes et tout cela serait à lui. Un peu de courage jeune de Roquefeuil ; tu n’es plus à cela près. Tic, tac, tic, tac et un nouveau soupir. Qu’avait-il bien pu faire pour mériter cela. ?

« - Enfin libéré, j’ai cru qu’on n’allait jamais sortir de là. »

Thomas, lunettes de soleil sur le nez et pieds sur le tableau de bord, fumait tranquillement sa première cigarette de la journée. Henry-Gabriel sourit à son ami d’enfance ses doigts tapant au rythme d'une quelconque chanson pop sur le tableau de bord. Une douce brise ramenait ses cheveux devant ses yeux. Mais cela ne semblait pas l’empêcher de rouler en direction de la plage, sa combinaison et sa planche sur le siège arrière.

« - Cela m’aurait quelque peu ennuyé. J’ai un rendez-vous. »

Thomas haussa un sourcil et Henry-Gabriel, lui désigna sa planche d’un coup de tête. Ce dernier leva les yeux au ciel, tout en tirant une nouvelle fois sur sa cigarette. L’amour de son ami pour le surf n’était plus à prouver. Il ignorait encore tout de ce sport lorsqu’il se baladait en culottes courtes dans l’Aveyron. Mais dès son arrivée sur les plages américaines, il fut séduit par le chant des sirènes. Thomas avait pensé que sa nouvelle passion pour le skateboard l’en aurait quelque peu détourné. Mais rien à faire, de Roquefeuil restait fidèle à son premier amour. Et alors qu’il s’éloignait pour aller prendre un verre au bar le plus proche, Thomas voyait déjà Henry-Gabriel la planche sous le bras se diriger vers les vagues. Ce dernier s’était déjà déchaussé, le sable sous ses pieds lui donnait l’impression de revivre à nouveau. Il était à présent loin de ses contraintes et de l’enclos à moutons que représentait pour lui une école. Ingurgiter de la matière dans le seul but de la ressortir lors des tests et de l’oublier les minutes d’après. Il n’en avait pas encore saisi l’utilité. Pour autant qu’il y en ait véritablement une. Il en doutait quelque peu. Mais alors qu’un sourire illuminait son visage en pensant aux heures à venir, une main se posa sur son épaule.

« - Et comment Gaylwen! C’est la seule chose raison pour laquelle j’ai survécu à cette journée ! »